Des irrégularités en matière d'admission de patients aux cliniques privées ont été relevées dernièrement. C'est une menace réelle pour la santé publique, selon Me Mourad El Ajouti. - De quels recours juridiques disposent les clients des cliniques privées, en cas d'absence de factures ou d'abus sur celles-ci ? - Normalement, les cliniques doivent, selon l'article 75 de la loi relative à l'exercice de la médecine 131-13, afficher à l'entrée les prix des prestations. Ainsi, le client peut vérifier si le montant inscrit à la facture correspond à celui de la prestation. En cas d'abus, le client peut demander au président du tribunal de première instance d'émettre une ordonnance désignant un huissier pour constater le refus de délivrance de la facture et auditionner le directeur de la clinique. Sur la base de ce procès-verbal, le client peut attaquer la clinique devant la Cour pour avoir sa facture et obtenir des dommages-intérêts. Le client peut également s'abstenir de payer les honoraires de la clinique jusqu'à la production de la facture. - En cas de paiement en espèce ou en chèque, le client est-il protégé par la loi ? - Si le client n'a pas obtenu le reçu qui prouve le paiement, il n'est pas protégé par la loi, puisqu'il ne peut pas prouver que la prestation a été payée. D'ailleurs, l'article 4 de la loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur impose la délivrance d'une facture, quittance, ticket de caisse ou tout autre document attestant de la transaction ou de l'opération d'achat. Ce document doit cependant comporter certaines mentions obligatoires, notamment, entre autres, celles relatives à l'identification du fournisseur, la date et le lieu de l'opération, la quantité du bien ou du produit ou le décompte du service et, le cas échéant, le prix de vente effectivement payé par le consommateur pour chaque bien ou produit ou prestation de service avec l'indication de la somme totale à payer, toutes taxes comprises. - L'absence de contrôle de la part du ministère de la Santé encourage-t-il ces pratiques illégales ? - Le ministère de la Santé doit effectuer généralement des contrôles via des commissions pour constater les irrégularités que connaissent ces prestataires de santé (cliniques). Une décision relevant de l'ancienne ministre de la Santé, Yasmina Baddou, qui date de 2008, a déjà arrêté les modalités de contrôle. (Voir le deuxième repère, Ndlr). - La responsabilité pénale des gérants des cliniques peut-elle être engagée dans ce cas ? - Les irrégularités en matière d'admission de patients dans certaines cliniques privées entravent le droit de santé du citoyen, ce qui peut être considéré comme non-assistance à une personne en situation de danger, ce qui est puni par la loi. Dans un arrêt de la Cour de Cassation datant de 2007, le gérant de la clinique et le responsable administratif ont été poursuivis pour non-assistance à personne en danger et ont écopé d'une peine de 6 mois de prison avec sursis. Donc, la responsabilité pénale des gérants de cliniques peut être engagée s'ils refusent d'administrer des soins à des personnes en situation d'urgence. Recueillis par Safaa KSAANI Tarification La loi 131-13 appelle les cliniques à la transparence La loi 131-13 est claire. Les cliniques n'ont pas le droit de dissimuler les prix de leurs prestations. L'article 75 de la loi n° 131-13 relative à l'exercice de la médecine dispose que la liste des médecins exerçant au sein de la clinique, à titre permanent ou occasionnel, ainsi que leurs spécialités, doivent être affichées à la devanture de celle-ci et dans ses espaces d'accueil. Doivent également faire l'objet d'affichage visible et lisible dans les espaces d'accueil de la clinique et les devantures des bureaux de facturation, toutes les informations relatives aux tarifs des prestations qu'elle offre et aux honoraires des professionnels qui y exercent. De plus, l'adhésion de la clinique aux conventions nationales établies, dans le cadre de l'assurance maladie obligatoire de base, ou sa non adhésion, doit également être affichée. En cas de tiers payant, il est interdit à la clinique de demander aux personnes assurées ou à leurs ayants droit une provision en numéraire ou par chèque ou tout autre moyen de paiement en dehors de la part restant à leur charge». S. K. Repères Une facture de prise en charge fait polémique Une clinique privée à Casablanca a surpris la famille de Haddaji Saïd, pharmacien et membre du Conseil régional des pharmaciens du Sud, décédé du Coronavirus, avec une facture exorbitante. Dans une lettre adressée au ministre de la Santé, la présidente du Conseil, Saâdia Moutawakil, s'est plainte du traitement du défunt et de sa famille par la clinique «Achifaa» à Casablanca qui a facturé un montant de 140 000 dirhams pour un séjour de 7 jours, tout en imposant une avance de 40.000 dirhams avant sa prise en charge. L'inspection peut avoir lieu, sans préavis Selon l'article premier de la Décision n°2 DRC/00 du 19 septembre 2008, relative aux inspections, "des inspections des cliniques et établissements assimilés seront effectuées, sans préavis, par les représentants du ministère de la Santé, du Conseil Régional de l'Ordre des Médecins et du Bureau Municipal d'Hygiène pour vérifier le respect des conditions légales et réglementaires applicables aux établissements et l'observation par eux des règles professionnelles". La non-assistance à personne en danger est punie Au niveau des sanctions, selon l'article 115 de la loi 131-13, toute infraction aux dispositions des articles 72, 74 et 75, est punie d'une amende de 10.000 dhs à 50.000 dhs. Est puni de la même peine, le défaut de création du comité médical d'établissement ou du comité d'éthique prévus respectivement aux articles 76 et 77 de cette loi.