Après des mois de spéculations et d'attente sur le début d'une campagne de vaccination, les Marocains ont vu leur espoir monter après l'entrée en ligne du Roi qui a donné ses instructions pour lancer une campagne de vaccination «massive», dans les semaines à venir. Lundi soir, au moment où les Marocains étaient toujours noyés dans le pessimisme suite aux multiples déclarations du gouvernement sur la possibilité d'un éventuel reconfinement au cas où la situation épidémiologique continue de se dégrader, une nouvelle inattendue est venue leur donner une lueur d'espoir. SM le Roi Mohammed VI, qui a présidé, au Palais Royal de Rabat, une séance de travail consacrée à la stratégie de vaccination contre la Covid-19, a donné Ses Hautes Orientations en vue du lancement, dans les prochaines semaines, d'une opération massive de vaccination contre la Covid-19. «Cette opération nationale, d'envergure inédite, vise la couverture de la population par un vaccin en tant que moyen idoine d'immunisation contre le virus et de maîtrise de sa propagation», a indiqué un communiqué du Cabinet Royal, avant d'ajouter que selon les résultats des études cliniques déjà achevées ou toujours en cours, la sécurité, l'efficacité et l'immunogénicité du vaccin ont été prouvées. Des résultats qui prêtent à l'optimisme Parmi les vaccins testés au Maroc, figure celui des Vhinois «Sinopharm» inoculé à 600 volontaires. Ces essais qui s'achèveront la mi-novembre affichent jusque-là une efficacité satisfaisante, selon des sources proches du dossier. D'ailleurs, le groupe chinois a annoncé que jusqu'à présent l'échantillon de population concerné par cet essai clinique de phase III, a couvert plus de 50.000 personnes de 125 nationalités, précisant que les résultats donnent de bons présages. D'autant plus que des médias chinois annoncent que plusieurs centaines de milliers de personnes ont d'ores et déjà reçu le vaccin de «Sinopharm». Le président du groupe, Liu Jingzhen, a même déclaré lors d'une conférence vendredi 6 novembre que quelque 100.000 personnes avaient été vaccinées et n'ont montré aucun effet indésirable. Ainsi, Sinopharm compte produire environ 100 millions de doses d'ici la fin de l'année, selon M.Liu qui a estimé que la production de l'année prochaine pourrait atteindre le 1 milliard de doses, et ce, afin de garantir l'approvisionnement nécessaire. Par ailleurs, le Maroc devrait recevoir environ 10 millions de doses avant fin 2020. Ainsi, il y a une forte probabilité que ce soit le vaccin auquel fait allusion le communiqué du Cabinet Royal.
Cela dit, le Royaume est également en négociation avec Astra Zeneca, Johnson & Johnson, Pfizer et CanSino Biologics, pour l'approvisionnement de vaccins. Ces deux derniers affirment que le vaccin, en l'état actuel de la recherche, est «efficace à 90%». Une efficacité vaccinale qui a été mesurée en comparant le nombre de participants infectés par le nouveau Coronavirus dans le groupe qui a reçu le vaccin et dans celui sous placebo, sept jours après la deuxième dose et 28 jours après la première, ont-ils expliqué dans un communiqué conjoint. Ceci élargit davantage le choix du Royaume pour sa campagne vaccinale. Pour ce qui est d'Astra Zeneca, son contrat signé avec le pays prévoit la fourniture de 7 millions de doses, suivies de 13 millions pour le début de l'année prochaine. Priorité aux vulnérables et aux personnels en première ligne L'opération que compte entamer le Maroc devra couvrir les citoyens âgés de plus de 18 ans, selon un schéma vaccinal en deux injections. La priorité sera notamment donnée aux personnels de première ligne, en l'occurrence le personnel de Santé, les autorités publiques, les forces de sécurité et le personnel de l'Education nationale, ainsi qu'aux personnes âgées et aux personnes vulnérables au virus, et ce, avant de l'élargir au reste de la population. SM le Roi a ainsi donné ses directives aux autorités compétentes pour veiller à la bonne préparation et au bon déroulement de cette opération nationale d'envergure, tant sur le plan sanitaire, logistique que technique. Il a également mis l'accent notamment sur l'accessibilité du vaccin, dans un cadre social et solidaire, et sa disponibilité en quantités suffisantes, ainsi que sur la logistique médicale de transport, d'entreposage et d'administration du vaccin sur l'ensemble du territoire et la mise en place d'un système efficace de pré-enregistrement des bénéficiaires.
A cet effet, le Souverain a appelé à la mobilisation de tous les services et départements concernés, en particulier le personnel de la Santé, l'administration territoriale et les forces de l'ordre, ainsi que l'appui nécessaire des Forces Armées Royales, conformément aux missions qui leur sont confiées par Sa Majesté le Roi, Chef Suprême et Chef d'Etat-major général des Forces Armées Royales, dans le cadre de la lutte anti-Covid19. Cela dit, la campagne vaccinale annoncée est une réponse réelle pour mettre fin à la phase aiguë de la pandémie, et demeure fidèle à l'approche royale proactive adoptée depuis l'apparition de ce virus.
Saâd JAFRI Repères Combien de doses sont requises ? A raison de deux doses par personne dans un intervalle de 21 jours, le Maroc pourra vacciner 5 millions de personnes avec le vaccin Sinopharm. Or, en se basant sur les données de l'horloge de la population du Haut-Commissariat au Plan (HCP), la population marocaine âgée de plus de 18 ans serait de 19 millions de personnes. Pour couvrir toute la population cible, il faudrait environ 40 millions de doses. Tedros salue les efforts de Pfizer et BioNTech Le directeur général de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a jugé «encourageante» l'annonce faite par les laboratoires Pfizer et BioNTech d'un vaccin «efficace à 90%» contre la Covid-19. Sur son compte Twitter, le chef de l'agence onusienne a déclaré : « Nous saluons les nouvelles encourageantes en matière de vaccin provenant de Pfizer et BioNTech et saluons tous les scientifiques et partenaires dans le monde qui développent de nouveaux outils sûrs et efficaces pour vaincre la Covid-19». Approvisionnement en vaccins anti Covid-19 «Nous ne pouvons pas parler de concurrence entre les vaccins» A l'occasion d'une interview exclusive qu'il nous a récemment accordée, Dr Samir Machour, Vice-Président Senior et membre du Comité de Direction du géant sud-coréen Samsung Biologics, nous a livré de précieuses précisions sur l'approvisionnement du Maroc en vaccins contre le Covid. Extraits.
- Le Maroc avait (et a toujours) deux options pour se procurer les vaccins Covid-19. Vu la demande et l'offre et en sachant que la capacité de fabrication au niveau mondial ne couvrait pas plus de 20% de la population, il fallait réfléchir à une manière ‘'directe'' d'approvisionnement. La première option aurait été d'approcher et de négocier avec l'OMS, le CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations), et le réseau Covax (Gavi, CEPI et OMS ensemble) un approvisionnement en vaccins anti Covid-19.
- Le Maroc est le premier pays qui a pu signer une Entente d'Approvisionnement du vaccin d'Astra Zeneca en Afrique, au Moyen Orient et en Europe de l'Est, pays couverts par R-Pharm. Nous serons également le premier pays livré par R-Pharm cette année, une fois le vaccin approuvé par les autorités de Santé russes et marocaines, et une fois, bien sûr, qu'il aura démontré son efficacité. Une fois le Contrat d'approvisionnement signé, nous aurons une idée plus précise sur les dates d'approvisionnement du vaccin en 2020 et en 2021. Je pense que l'on aura finalisé tous ces contrats au plus tard au début de décembre (en parallèle avec l'approvisionnement)
- L'avantage du vaccin d'Astra Zeneca, en plus des résultats cliniques à ce jour, est qu'il ne crée pas de complications additionnelles en termes de logistique et de chaîne de froid. Le vaccin d'Astra Zeneca peut être stocké entre 2 et 8 degrés Celsius comparé aux vaccins de Moderna et de Pfizer, qui le sont respectivement à -20 et -70 degrés Celsius. Nous n'avons au Maroc aucune pharmacie capable de stocker un vaccin à -70 degrés Celsius et probablement même pas à - 20 degrés Celsius.
- Nous ne pouvons pas parler de concurrence entre les vaccins surtout qu'aujourd'hui, il n'y a aucun vaccin dans le monde qui a été approuvé contre la Covid-19 en tant que produit commercial. Le Royaume, sous l'égide de Sa Majesté le Roi, a choisi la bonne stratégie : diversifier son approvisionnement, technologiquement et géographiquement, et surtout le faire assez vite. Work in progress Entre-temps, en Amérique... Fierté du Maroc, mais surtout chef de locomotive de la course américaine vers le développement d'un vaccin anti-Covid, Moncef Slaoui, le chercheur marocain en immunologie qui compte à son actif 14 brevets de vaccin, garde le cap et persiste dans sa promesse d'un vaccin en décembre. Ceci, malgré les tracas électoraux de celui qui l'avait placé à la tête de cette quête vitale pour le pays de l'Oncle Sam où le nombre de contaminations flirte désormais avec les dix millions de cas et que celui des décès s'approche du quart de million. Lors de sa nomination en juin par Donald Trump à la tête de l'opération stratégique «Warp Speed», un nom inspiré de la saga Star Trek, révélateur de l'exigence de célérité imposée à cette opération qui doit avancer à la vitesse de la lumière selon les desideratas du Président américain sortant, Moncef Slaoui avait promis de réussir ce challenge avant la fin de l'année. Il semble maintenant bien parti pour y arriver. Fort d'un budget record de dix milliards de dollars et de l'assistance de son copilote, le général quatre étoiles Gustave F. Parna, un logisticien hors pair et archi-galonné de l'armée américaine, notre Moncef national a révélé lors de la dernière émission de la télé française «Complément d'enquête» qui lui était consacrée que cet objectif était désormais à portée de main. Les six laboratoires sélectionnés par ses soins pour le développement du candidat vaccin sont en effet passés à l'étape de la production alors même que leur vaccin n'a pas encore été approuvé par la redoutable Food and Drug Administration (FDA), sans le sésame de laquelle aucun médicament ne pourrait être autorisé aux USA. Un risque assumé par Moncef Slaoui qui a également révélé que les futurs vaccins étaient déjà en production sur six sites industriels répartis sur le territoire américain et que 3 millions de doses seraient déjà prêtes, avant d'atteindre 10 à 20 millions de doses à fin novembre et 100 millions de doses en décembre. Big-pharma Où en est la course du vaccin contre la Covid-19 ? C'est une compétition planétaire, rapide comme aucune autre, aux enjeux financiers énormes : le point sur la course au vaccin contre la Covid-19 après l'annonce des laboratoires Pfizer et BioNTech, qui relance l'espoir de disposer dans les prochains mois d'une nouvelle arme contre la pandémie. Dans son dernier point, le 3 novembre, l'OMS recense 47 «candidats vaccins» évalués dans des essais cliniques sur l'homme à travers le monde (contre 11 à la mi-juin). Dix en sont au stade le plus avancé, la phase 3, où l'efficacité du vaccin est mesurée à grande échelle sur des dizaines de milliers de volontaires répartis sur plusieurs continents. Parmi eux, celui de la société américaine Moderna, de l'alliance germano-américaine BioNTech/Pfizer, de plusieurs laboratoires chinois, notamment Sinopharm et SinoVac. Ce dernier, en dépit d'une annonce faite par le Brésil sur la suspension des essais cliniques du vaccin CoronaVac, suite à un « incident grave », a affirmé que l'incident en question était « sans rapport » avec le vaccin. Il y a aussi un projet européen mené par l'Université d'Oxford avec le britannique Astra Zeneca ou encore le vaccin Spoutnik V. Les 37 autres en sont encore à la phase 1 ou à la phase 2.