Au-delà des taux de croissance annuels du PIB qu'affichent les pays africains, les Etats du continent, dans leur majorité, ont besoin d'examiner le fonctionnement réel de leurs économies post Covid-19. Ce qui permettra de savoir les manières et les types de production ainsi que son intensité de création d'emplois qualifiés et non qualifiés, ou encore les répartitions des profits entre acteurs nationaux et étrangers. Autrement dit, c'est toute la chaîne de production qu'il faut revoir en Afrique avec cette crise sanitaire. Réné Dumond écrivait en 1960 que « l'Afrique Noire est mal partie ». Ce livre visionnaire, devenu référence, dénonçait l'orientation de l'agriculture des Etats du continent, nouvellement indépendants, vers les cultures d'exportation (café, cacao, coton etc.) ou encore la focalisation stricto sensu sur les ressources minières, pétrolières, gazières et forestières. Et 60 ans plus tard, cette triste réalité, que prédisait l'ingénieur agronome français, reste d'actualité car l'Afrique Noire n'a jamais atteint son autosuffisance alimentaire ni un développement économique égalitaire et appréciable. Cette situation a entrainé l'effritement des économies avec pour corollaire le manque d'emplois et, par ricochet, une montée en flèche du chômage massif des jeunes. A ce sujet, Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement (BAD), ne cesse d'interpeller les pays du continent à s'impliquer davantage dans le développement de la jeunesse, de plus en plus confrontée au chômage. Selon elle, l'Afrique fait face au défi de la création de près de 12 millions de postes supplémentaires, chaque année, pour contenir le chômage. Dans son dernier rapport, à ce sujet, laBAD estime à près de 60% le nombre de jeunes sans emploi sur le continent. Avec la crise sanitaire, liée au Coronavirus, ce taux doit être revu à la hausse. D'où la réflexion s'impose sur le comment stimuler la croissance de l'économie africaine. Déjà, depuis l'apparition de la Covid-19, l'Afrique subsaharienne connaît sa première récession économique depuis 25 ans. A cet égard, Rocky Mountain Institute, dans son rapport intitulé : «Africa Stimulus Strategy », propose des interventions concrètes des gouvernements, des partenaires de développement et du secteur privé local pour guider le continent vers la reprise de la croissance. Interventions concrètes Dans ce contexte, les Etats africains doivent diversifier leurs économies et encourager la production locale pour stimuler la croissance au lendemain de crise sanitaire. Car il y a urgence. Rien qu'en Afrique de l'Ouest, les économies des pays de cette sous-région devront créer beaucoup plus d'emplois qu'elles ne le font aujourd'hui pour faire face à l'accélération du nombre de jeunes qui arriveront sur le marché du travail au cours des prochaines années et décennies. Selon le Population Reference Bureau , il y a plus de 100 millions de jeunes dans la région, ce qui représente un tiers de la population totale, sachant que ce chiffre atteindra 218 millions d'ici 2050. Durant la même période, il devrait y en avoir 47 millions. D'où il faudra créer des emplois aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales où les activités économiques sont encore aujourd'hui peu diversifiées, peu productives et peu attractives pour les jeunes. Il ne pouvait en être autrement car les quinze pays de la CEDEAO sont presque tous caractérisés par des performances économiques acceptables mais insuffisantes sur une longue période pour réduire significativement les niveaux de pauvreté toujours très élevés et impulser les transformations nécessaires des structures économiques et sociales au bénéfice des populations. Du Nigeria à la Guinée, en passant par le Mali, le Niger, la Côte d'Ivoire ou le Ghana, la région compte des grands exportateurs de ressources minières, pétrolières et agricoles mais ces richesses n'ont pas été utilisées pour diversifier leurs bases économiques et améliorer le bien-être de la majorité de leurs populations, estiment les analystes de WATHI, ce think thank citoyen d'analyse de l'Afrique de l'Ouest. Intégration économique Pour la reprise post Covid-19, les pays de cette partie du continent ont besoin, désormais, de créer de la richesse et de mobiliser beaucoup plus de ressources financières internes afin de relever tous les défis majeurs qui se posent à ces Etats ouest-africains et au-delà. Qu'il s'agisse de l'amélioration des systèmes d'éducation et de formation, des systèmes de santé, des politiques de protection sociale et de réduction des inégalités, du renforcement de la sécurité, de la stabilité politique ou encore de la consolidation des institutions démocratiques. Car la production de richesses par les économies locales est cruciale aussi bien pour le bien-être des populations directement que pour la capacité d'action des Etats qui ont besoin d'accroître significativement leurs ressources fiscales. In fine, les Etats africains doivent mettre à profit la crise sanitaire pour faire de l'intégration économique continentale une réalité tout en favorisant les échanges commerciaux intra-africains. Lesquels, aujourd'hui, ne représentent que 16% du commerce en Afrique. Sans compter que le continent africain reste, par ailleurs, un acteur marginal dans le commerce mondial avec uniquement une part de 2,2% pour les exportations et 4% pour les importations. D'où il est nécessaire, plus que jamais, de diversifier les économies du continent mais aussi et surtout d'encourager et soutenir la production locale.