Colère, déception et dépit... les commerçants de Tanger et de Bni Makada en particulier n'arrivent pas à digérer la décision du reconfinement. Par Hayat Kamal Idrissi
« Si on n'est pas tué par le Coronavirus, on le sera surement par la dépression économique », lance d'emblée Said Ahrouch, président de la ligue des commerçants du nouveau marché de Casa Parata à Tanger. N'en revenant encore pas, la population tangéroise est toujours sous le choc.
Moral à zéro
« Même après la révision de la décision initiale du reconfinement total de la ville, l'onde de choc persiste. Les réseaux sociaux bouillonnaient de réactions incrédules et révoltées. Les habitants de Bni Makada, eux, n'arrivent toujours pas à digérer cette décision car finalement c'est la zone concernée en premier par le reconfinement », explique Younes Maimouni, journaliste tangérois. Joint par téléphone, il raconte comment les commerçants de cette zone populaire ont été spécialement affectés. « La fermeture à 20h00 a été la goute qui a fait déborder le vase. Les manifestations se sont déclenchées spontanément. On réclamait le prolongement des heures d'ouverture et le droit au travail», soutient Maimouni. Pour le représentant des commerçants, « c'était là une décision qui ne prenait pas en considération la particularité du contexte tangérois. Du point de vue commercial, les choses ne s'activent ici qu'à partir de 17h00. Le mouvement est plutôt nocturne. Comment voulez-vous que les commerçants s'en sortent avec juste trois heures de trafic ? », s'insurge Said Ahrouch. Cumulant les pertes, les charges et les crédits depuis quatre mois à cause de l'état d'urgence, les commerçants commençaient à peine à reprendre leur souffle, comme l'affirme leur représentant. « 50% des petits commerçants ont fait faillite ces derniers mois. Les marchands de vêtements, des chaussures, des fruits secs sont les plus sinistrés. Avec l'allègement des mesures restrictives, certains commerces ont repris. Mais là, c'est pratiquement « un arrêt de mort », déplore Said Ahrouch. « Le moral est à zéro à Bni Makada. La population est éprouvée économiquement et psychiquement. Même si les citoyens reconnaissent qu'ils n'ont pas vraiment respecté les règles de prévention, ils n'en sont pas moins affectés », note de son côté, Younes Maimouni.
Bni Makada, zone sinistrée
Zone populaire très dense, Bni Makada est la zone des ouvriers de Tanger. Ses quartiers regroupent un grand nombre de travailleurs. « Ils sont parfois jusqu'à huit personnes à loger dans une seule pièce » indique Ahrouche qui met en garde contre la propagation de la maladie dans de telles conditions: « Je vous laisse imaginer le taux de propagation de la pandémie si infection il y a ». Selon lui, le véritable travail de prévention devrait se faire en amont dans les usines, et non pas après coup en fermant le quartier. Pointant du doigt la responsabilité des usines dans l'apparition des clusters, les commerçants refusent de payer les pots cassés. Estimant qu'ils ont assez perdu ces derniers mois, ils réclament juste une prolongation des horaires d'ouverture. « Logiquement cette prolongation évitera les grands rushs et les risques de contamination. Recevoir 100 clients en trois heures ce n'est pas la même chose que de les recevoir en 6 heures », argumente le représentant des commerçants. Pour ces derniers, l'enjeu est d'autant plus vital, car il s'agit de la survie de leur source de revenus. Plus d'un million et demi de commerçants souffrent actuellement des retombées du confinement. « Sans aucun appui, ils ne peuvent même pas profiter des crédits prévus pour la sortie de crise. Ils doivent affronter seuls, leur destin et l'avenir reste incertain », conclut le président de la ligue des commerçants tangérois. Lire aussi
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