Arnaques, Escroquerie de tous genres, collecte illicite de données personnelles, vols de crypto-monnaie, ... les dérives sur les réseaux sociaux prolifèrent à l'image des jeux concours dont les fameux « Giveaway » ou l'escroquerie à la charité publique. Qui se cachent derniers ces escrocs des temps modernes et comment opèrent-ils ? Devenue monnaie courante sur les réseaux sociaux et spécialement sur Instagram, « l'escroquerie à la charité publique » est la spécialité des nouveaux « influenceurs 2.0 » par excellence. Sur Instagram, Snapchat ou Facebook, ces derniers se mettent en scène pour voler au secours des plus démunis.
Que cherchent les escrocs à la charité publique ?
Le principe de l'escroquerie à la charité publique est simple : les youtubeurs (ses) et Instagrammeur(es) marocains qui ont des milliers voire des millions de followers sur leurs comptes personnels lancent une campagne de collecte de fonds en exploitant la générosité de donateurs sensibles à certaines causes (maladies, construction de mosquées ou logements sociaux...). Pour servir leur cause, la collecte se fait sur la voie publique ou via les réseaux sociaux. Le cas le plus flagrant est sans doute celui de l'acteur associatif connu en Europe Youssef Zerouali, qui a été arrêté en juin dernier à Meknès, pour « fraude, escroquerie, diffamation, injure et diffusion de photos de personnes sans leur consentement ». Plusieurs victimes -huit au total- avaient porté plainte contre le jeune franco-marocain l'accusant d'exploiter leur situation sociale précaire pour collecter des dons en numéraire et en nature en leur nom, mais en ne leur versant qu'une partie dérisoire des dons reçus, et ce avec la complicité de sa mère qui a également été présentée devant la justice. Zerouali publiait régulièrement sur son compte Facebook des vidéos appelant à aider financièrement les personnes vivant en situation précaire. En juin dernier, il avait récolté en deux semaines l'équivalent de 460 000 DHS pour une veuve mère de 5 enfants au Maroc. Le jeune influenceur filmera par la suite la collecte des dons qu'il fait passer sous la forme de « Zakat », où on le voit remettre la somme, en liquide, à la famille. Une vidéo virale postée sur l'une de ses pages suivies par 800 000 abonnés, a été supprimée après les récentes accusations d'escroquerie.
Les influenceurs utiliseraient-ils l'aumône à des fins politiques ?
Pour ce qui est de l'arrestation de Youssef Zerouali, les internautes sont partagés. Si certains se disent scandalisés, d'autres évoquent le fait qu'on ait voulu l'écarter et souiller sa réputation et son image parce qu'il critiquait le pouvoir et fustigeait régulièrement la corruption de tous les partis politiques au Maroc, sans exception ; tout comme d'autres influenceurs qui surfent sur la même vague, taxés d'instrumentaliser l'aumône à des fins politiques, comme le propriétaire de la chaîne Youtube Faysbouki TV Imnir Amine, connu pour ses vidéos où il vient en aide aux familles nécessiteuses dans les régions reculées du pays, Youssef Zerouali, proche des revendications des militants du « boycott marocain » ou le prédicateur Radwan ben Abdul qui pratique ouvertement la polygamie. « La religion est souvent utilisée comme moyen d'arnaque sur les réseaux sociaux, nous explique Mouhcine Benzakour, psycho-sociologue qui estime qu'aujourd'hui, tout le monde, y compris « les entreprises et les politiciens usent des réseaux sociaux pour aboutir d'une manière pragmatique à leurs fins ». « La croyance des gens les empêche d'avoir un esprit critique, du coup, ils ne remettent pas en cause les discours religieux et vouent une confiance aveugle aux personnes qui excellent dans l'art de la manipulation ». « C'est le cas aussi de Samaoui au Maroc qui joue sur le côté émotionnel des gens. Si sa méthode fonctionne, c'est d'abord parce son discours religieux est bien rodé pour séduire le plus grand nombre mais aussi parce que son apparence (toujours vêtu en djellabhs) est crédible avec ses propos. Il joue sur l'avidité des gens pour leur subtiliser de l'argent et les arnaquer ».
La fièvre des « Giveaways » sur Instagram
Plusieurs influenceur (es) ont profité de leur célébrité et ont lancé des loteries déguisées surtout pendant les mois de confinement. Objectif : faire gagner de l'argent facilement et rapidement aux personnes dans le besoin ou égayer la journée d'un internaute en lui faisant gagner un iPhone 11 ? Une pratique d'arnaque déguisée que dénonce l'influenceur marocain Souheil sur sa page Instagram où il explique aux internautes comment éviter de se faire piéger par ces Youtubeurs peu scrupuleux. « Se cachant derrière des pseudos gentils et sympas, les instagrameuses cachent de grosses arnaques, nommées Giveaway. Une sorte de traite humaine qui passe pratiquement inaperçue. Apparus il y a environ 6 mois à Dubai et lancés par des influenceurs égyptiens, les « Giveaways » ou « concours publicitaires » utilisés par plusieurs stars marocaines : chanteurs, humoristes ou make-up artists... consistent à faire gagner des voitures, argents, téléphones, ou voyages à leurs followers, pour les rediriger vers les comptes d'autres personnes ou marques. Rien de plus simple ! En s'abonnant à son Giveaway, l'influenceur promet à ses fans de la notoriété en échange de l'argent. Il demande donc à sa communauté de s'abonner à certains comptes pour gagner dans le cadre d'une loterie des cadeaux alléchants. Iphone 11, une somme de 5000 DH, des colliers en diamants, des lots de parfums... des cadeaux qui font perdre la tête aux millions de followers à la recherche de gain facile. Sauf que ce qui est censé être une action transparente, cache derrière elle de vrais contrats et des montants colossaux qu'empochent les instagrammer (ses). Certaines chanteuses raflent entre 120 000 et 200 000 DH par semaine, alors qu'elles ne font gagner que 2 ou 3 personnes (pour un Iphone, ça leur coûte entre 10 000 et 30 000 DHS, et tout le reste c'est du gain net d'impôt et sans TVA). C'est le cas de la chanteuse Ibtissam Tiskat, l'acteur et vlogeur marocain Rabii Skalli et des influenceurs comme Ghazi Abousaleh, Hamada Chouroukate, Manuela Charkaoui (WIFAK), Sarah Abou Jad, ou Asmaa Beauty et son mari Noucaeir. Selon l'influenceur Souheil, « certains instagrammers comme Ibtissam Tiskat, ferment leur compte, annulent le Giveaway puis recréent un autre, avec le même cadeau, pour encaisser plus d'argent. D'autres comme Hamada Chouroukate ne donnent même pas les cadeaux aux personnes qui les ont gagnés ! »
Pourtant chaque jour, de milliers de personnes se font arnaquer sur Instagram, le média le plus apprécié mais aussi le plus accessible des internautes parce qu'il consacre la proximité comme concept vendeur. Plusieurs personnes préfèrent ainsi suivre des personnalités qui les font rêver (stars et fashionistas) plutôt que des entreprises. « Les arnaqueurs jouent beaucoup sur l'avidité des êtres humains, le facteur humain est l'axe majeur de la réussite de n'importe quel type d'arnaque, précise Mouhcine Benzakour. Tout dépend donc de la densité de l'émotion de chaque personne. Les arnaqués sont généralement émotionnels, ils sont absorbés par le gain et par le faux espoir que leur promet les influenceurs qu'ils suivent. Sans oublier bien sûr le manque de l'expérience : les proies faciles sont toujours les moins expérimentées, surtout dans un monde où on fait croire que le bonheur ou le pouvoir, c'est l'argent. Du coup, tout le monde accepte les règles du jeu puisque c'est une pratique qui se fait à l'internationale et l'arnaqueur va pouvoir justifier ses actes et n'aura aucun scrupule à exercer ouvertement ces pratiques ! »
Si la pratique des Givaaways agit principalement sur la circulation informelle d'importantes sommes d'argent, elle reste pour l'instant tolérée dans notre pays, car les gens n'osent pas porter plainte lorsqu'ils se sentent lésés. Plusieurs influenceurs ne respectent pas les articles 60 à 64 de loi de la protection du consommateur sur la loterie publicitaire qui stipulent clairement qu'il faut d'abord demander une autorisation préalable au ministère de tutelle pour l'organisation de ce genre de loteries, et qu'il faut aussi informer clairement le consommateur sur ses droits (montant du gain, le nombre de cadeaux proposés, le droit à la rétractation...). LIRE AUSSI : Drame dans l'enseignement. Des suicides en série