Le projet de loi de finances rectificative vient d'être dévoilé. Tour d'horizon sur les principales mesures Le conseil de gouvernement a adopté le mardi en fin d'après-midi le projet de loi de finances rectificative. Outre les mesures à court terme, le gouvernement s'est engagé dans la préparation d'un ensemble de mesures afin d'accompagner la reprise progressive de l'activité des différents secteurs de l'économie nationale Renforcement du dispositif de garantie du financement des entreprises Ce dispositif permet de financer le besoin en fonds de roulement des entreprises avec un taux d'intérêt maximum de 3,5%, soit le taux directeur de BAM plus 200 points de base. Le remboursement de ces crédits peut s'étaler sur une période de sept ans avec deux ans de délai de grâce. Deux produits de garantie complémentaires ont été mis en place * Garantie de l'Etat à hauteur de 95% pour les crédits accordés aux TPE, commerçants et artisans dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 millions de dirhams. Ces crédits peuvent représenter 10% du chiffre d'affaires annuel ; * Garantie de l'Etat variant entre 80% et 90% des crédits en fonction de la taille de l'entreprise. Cette garantie couvre les crédits accordés pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 10 millions de dirhams. Ces crédits peuvent atteindre un mois et demi de chiffre d'affaires pour les entreprises industrielles et un mois de chiffre d'affaires pour les autres. Afin de contribuer à réduire les délais de paiement, 50% du crédit doit servir au règlement des fournisseurs. Ce produit couvre également les grandes entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 500 millions de dirhams. En contrepartie, ces entreprises sont tenues de préserver les postes d'emplois et de réduire le volume de leurs dettes d'au moins 50% des prêts accordés. Ces deux produits sont de nature à réduire les difficultés financières rencontrées notamment par les TPME directement ou à travers le paiement des dettes fournisseurs des grandes entreprises. Dans ce sens et pour accompagner l'ensemble de ces instruments et les doter des ressources budgétaires nécessaires, une enveloppe de 5 milliards de dirhams sera réservée à cet effet à partir des disponibilités du « Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du Coronavirus – Le Covid19 ». Cette enveloppe servira essentiellement à satisfaire les besoins des fonds de garantie en ressources financières durant la phase de la crise et post-crise, pour la couverture de leurs engagements. Afin de soutenir l'accès des entreprises au financement, le Gouvernement entend engager une réforme institutionnelle du système national de garantie porté par la Caisse Centrale de Garantie (CCG) en la transformant en société anonyme. A cet égard, la loi régissant la CCG sera revue et adaptée pour être alignée aux nouvelles réalités et tenir compte des meilleures pratiques régissant les systèmes publics de garantie au niveau international Accélération du paiement des dettes Par ailleurs, et dans le but de soulager la trésorerie des TPME durant la phase de redémarrage de l'économie, il est prévu d'accélérer le paiement des dettes de ces entreprises auprès de certains établissements et entreprises publics impactés par cette pandémie. Un nouveau mécanisme est, ainsi, mis en place et qui consiste à: – arrêter la liste détaillée des entreprises créancières devant être payées par l'établissement public ou l'entreprise publique; – accorder la garantie de l'Etat pour la levée par l'entité publique concernée d'un emprunt dédié exclusivement au paiement desdites entreprises; – accorder le crédit par les banques qui prendront en charge directement les paiements des entreprises concernées sur la base des informations communiquées par l'entité publique concernée. De même, et afin de permettre aux jeunes d'accéder aux sources de financement en mesure de répondre à leurs besoins et aspirations en matière de création et de développement d'entreprises, une nouvelle dynamique sera donnée au programme « Intelaka », en concertation avec tous les partenaires. Par ailleurs, le projet de Loi de Finances Rectificative pour l'année 2020, prévoit la mobilisation d'une enveloppe de 15 milliards de dirhams pour accélérer la redynamisation de l'économie nationale. Réaffectation des dépenses d'investissement aux priorités stratégiques L'effort d'investissement global du secteur public prévu dans le cadre du projet de Loi de Finances Rectificative pour l'année 2020, tous supports inclus, s'élève à 182 milliards de dirhams (contre 198 milliards de dirhams initialement prévu par la Loi de Finances pour l'année 2020). Cette enveloppe est ventilée comme suit : – 94,483 milliards de dirhams pour le Budget Général, les Comptes Spéciaux du Trésor (CST) et les Services d'Etat Gérés de Manière Autonome (SEGMA), en neutralisant les transferts du Budget Général vers les Entreprises et Etablissements Publics, les CST et les SEGMA, contre 77,305 milliards de dirhams, initialement prévu, soit une hausse de plus de 22% ; – 72,517 milliards de dirhams pour les Etablissements et Entreprises Publics, contre 101,195 milliards de dirhams, initialement prévu par la loi de finances pour l'année 2020, soit une baisse de 28,3% ; – 15 milliards de dirhams pour les Collectivités Territoriales, contre 19,5 milliards de dirhams initialement prévu, soit un repli de 23%. Pour les dépenses d'investissement du Budget Général, la priorité a été accordée à la consolidation des projets en cours de réalisation notamment ceux ayant fait l'objet de conventions signées devant le Roi et ceux bénéficiant de financements extérieurs, tout en privilégiant les projets réalisés par des entreprises marocaines et utilisant des matériaux locaux. Opérationnalisation des mécanismes de préférence nationale – Les maîtres d'ouvrages sont tenus de prévoir au niveau des règlements de consultation relatifs aux procédures de passation des marchés de travaux et des études y afférentes que les montants des offres présentées par les entreprises étrangères sont majorés d'un pourcentage ne dépassant pas 15% aux fins de comparaison de ces offres avec les offres présentées par les entreprises nationales. – Les maîtres d'ouvrages seront en outre invités au strict respect des dispositions de l'article 5 du décret sur les marchés publics qui précisent que la détermination des besoins doit être définie par référence à des normes marocaines ou, à défaut, à des normes internationales. A cet effet, ils doivent veiller à ce que les entrepreneurs puissent justifier de la provenance des matériaux et produits par tous documents probants dont notamment les factures, les bons de livraison et les certificats d'origine. – Les maîtres d'ouvrages sont également tenus d'introduire la mention explicite de l'application des normes marocaines ou d'autres normes applicables au Maroc en vertu des accords internationaux, dans les clauses, spécifications et cahiers des charges des marchés passés par l'Etat, les Collectivités Territoriales, les Etablissements et Entreprises Publics ainsi que les entreprises délégataires de gestion d'un service public ou subventionnées par l'Etat, Préservation des emplois L'opérationnalisation de l'accompagnement spécifique aux différents secteurs, sera concrétisée dans un cadre contractuel, avec les différentes parties concernées, en conditionnant l'appui à la reprise économique, par la préservation d'au moins 80% des employés déclarés à la CNSS, et la régularisation rapide de la situation des employés non déclarés. Relèvement du droit d'importation de 30% à 40% Dans un souci d'amélioration des recettes douanières collectées au titre du droit d'importation, d'encouragement de la production locale et de réduction du déficit de la balance commerciale, il a été procédé dans le cadre de la loi de finances 2020 à l'augmentation de la quotité du droit d'importation applicable à certains produits finis de 25% à 30%. Actuellement, et dans le cadre d'un contexte international marqué par une crise sanitaire majeure, il est proposé d'augmenter les droits d'importation applicables à certains produits finis de consommation de 30% à 40%, et ce dans la limite des taux consolidés par le Maroc au niveau de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Mesures fiscales – Etalement de certaines dépenses liées à la pandémie du Coronavirus ‘‘Le Covid-19'' sur cinq (5) exercices. – Report des échéances des mesures dérogatoires relatives à la régularisation spontanée de la situation fiscale des contribuables. les contribuables concernés peuvent souscrire la déclaration rectificative et s'acquitter des droits complémentaires en un seul versement jusqu'au 15 décembre 2020. – Concernant la régularisation de la situation fiscale des contribuables n'ayant pas déposé leur déclaration annuelle du revenu global afférente aux revenus fonciers, au titre des années antérieures non prescrites, Il est proposé de reporter le délai jusqu'au 31 décembre 2020. Prorogation des délais des conventions relatives aux programmes de construction de logements sociaux Dans le cadre des mesures visant l'accompagnement par les pouvoirs publics, des secteurs durement affectés par la pandémie du corona virus, il est proposé de proroger de six (6) mois les délais des conventions conclues entre l'Etat et les promoteurs immobiliers qui ont des difficultés à achever la réalisation dans le délai de 5 ans, leurs programmes de construction de logements sociaux qui se trouvent dans leurs phases finales. Cette nouvelle mesure s'applique aux conventions des programmes de construction de logements sociaux dont le délai expire durant la période allant de la date du début de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 décembre 2020. Mesures spécifiques à l'impôt sur le revenu (IR) et à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) Encouragement du paiement mobile : En vue de réduire les flux de paiement en espèce et d'inciter les personnes physiques disposant de revenus professionnels déterminés selon les régimes du résultat net simplifié ou celui du bénéfice forfaitaire à recourir au mode de paiement mobile, les dispositions de la Loi de Finances pour l'année 2020 ont prévu un abattement de 25% sur la base imposable correspondant au chiffre d'affaires réalisé par les personnes susvisées via ce mode de paiement. En vue de promouvoir davantage ce mode de paiement et d'inciter les contribuables susvisés à y recourir, il est proposé de supprimer les dispositions susvisées et les remplacer par une mesure qui vise à ne pas prendre en considération le montant du chiffre d'affaires réalisé par paiement mobile pendant cinq (5) années consécutives. Mesures spécifiques aux Droits d'enregistrement (DE) Réduction des droits d'enregistrement applicables aux acquisitions de biens immeubles à usage d'habitation : Dans le cadre des mesures visant l'accompagnement des secteurs affectés par la pandémie du Coronavirus et l'appui de la demande des entreprises et des ménages en matière d'acquisition de biens immeubles, il est proposé de prévoir une mesure temporaire visant une réduction des droits d'enregistrement en faveur des actes établis durant la période allant de la date de publication de la présente loi de finances rectificative au Bulletin officiel jusqu'au 31 décembre 2020 et portant acquisition, à titre onéreux, de locaux construits affectés à l'habitation ainsi qu'en faveur des actes portant acquisition desdits locaux par les établissements de crédit ou organismes assimilés, objet d'opérations commerciales ou financières, dans le cadre d'un contrat «Mourabaha», «Ijara Mountahia Bitamlik» ou «Moucharaka Moutanakissa». Cette réduction est accordée lorsque le montant de la base imposable au titre des dites acquisitions n'excède pas un million (1.000.000) de dirhams. Régularisation spontanée au titre des avoirs et liquidités détenus à l'étranger Ainsi et à l'instar des reports des délais décidés, notamment ceux relatifs aux déclarations fiscales, et en vue de permettre aux détenteurs d'avoirs à l'étranger de souscrire leurs déclarations dans les meilleures conditions, de payer la contribution libératoire et de rapatrier les liquidités détenues à l'étranger, il est proposé de proroger le délai de souscription de la déclaration et du paiement de la contribution libératoire précitée jusqu'au 31 décembre 2020 au lieu du 31 octobre 2020, initialement fixé par l'article 8 de la loi de finances pour l'année budgétaire 2020. Cette mesure permettra de renforcer les réserves du Royaume en devises et l'augmentation des recettes fiscales. Contribution libératoire au titre des amendes relatives aux incidents de paiement sur chèques. La Loi de Finances pour l'année 2020 a instauré une mesure incitant une large frange de la population à régulariser leurs incidents de paiement, non encore régularisés, pour les chèques présentés au paiement au plus tard à la date du 31 décembre 2019 et ce, par le paiement d'une contribution libératoire. Il a été constaté depuis le début du confinement que le nombre d'incidents de paiement n'a cessé d'augmenter, atteignant 117.096 cas, soit 52% du nombre d'incidents déclarés depuis le début de l'année 2020. Cette tendance haussière du nombre d'incidents de paiement serait due, dans une large mesure, à l'impact économique et social causé par la crise sanitaire de la pandémie du coronavirus et aux difficultés financières qui en découlent. Cette situation qui risque de s'aggraver et de menacer, ainsi, la crédibilité du chèque comme moyen de paiement dans les transactions commerciales induit la nécessite d'inciter la population concernée à régulariser sa situation en ces temps difficiles en permettant à certains opérateurs interdits de chéquiers d'avoir accès aux lignes de crédits, à Damane Oxygène et à d'autres sources de financement. Le taux de la contribution libératoire proposée est fixé à 1,5 % du montant du ou des chèques impayés plafonné à 10.000 DH pour les personnes physiques et à 50.000 DH pour les personnes morales, quel que soit le nombre des incidents de paiement non régularisés, à condition que le règlement de cette contribution intervienne en un seul versement, au cours de l'année 2020.