Des appels à désengorger les prisons surpeuplées en relâchant les détenus séniors atteints de maladies chroniques et ceux en fin de période de détention, afin d'éviter de transformer les prisons en éventuels foyers de la pandémie. La sécurité de la population carcérale et le personnel pénitentiaire sont au cœur des inquiétudes de l'association Relais Prison–Société. Travaillant depuis quinze ans pour soutenir les réformes de la politique pénitentiaire au Maroc, l'association exprime aujourd'hui sa profonde inquiétude quant aux répercussions de l'épidémie et au danger qu‘elle pourrait représenter pour la population carcérale, ainsi que pour le personnel pénitentiaire. « En raison du surpeuplement carcéral, du manque de capacités financières et humaines, en particulier dans le domaine des soins médicaux, ce qui augmente la possibilité d‘une propagation épidémique qui menacerait des milliers de personnes au sein de la population carcérale nationale, au point de former éventuellement un foyer pandémique dangereux », s'inquiète-t-on auprès de Relais Prison-Société. Saluant les efforts déployés par la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et la réinsertion (DGAPR) et les mesures qu‘elle a prises afin d‘assurer la sécurité des détenus et du personnel, l'association appelle toutefois à une intervention des autorités judiciaires afin d'assurer la sécurité des détenus des établissements pénitentiaires, de leurs cadres et de leurs employés. « Ceci, en prenant des mesures pour réduire la surpopulation afin que les fonctionnaires délégués et les cadres puissent appliquer des politiques de répartition optimales des détenus à l'intérieur des cellules et des salles pour assurer leur sécurité » explique Relais. Cette dernière appelle d'ailleurs à la libération des détenus séniors, femmes et hommes, souffrant de maladies chroniques les rendant vulnérables face à l'épidémie, ainsi que les détenus en fin de peine, à titre de précaution. L'association n'oublie pas d'attirer l'attention de la société civile, dans le cadre des campagnes de solidarité de lutte contre le Corona, « pour soutenir dans ces moments délicats les efforts de la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et la réinsertion », réclame l'association. Prisons… l'enfer Rappelons que le milieu carcéral au Maroc a toujours souffert de surpopulation, d'exiguïté, d'insécurité et mixité entre les criminels et les contraignables par corps. C'est ce qui ressortait, il y deux ans maintenant, du rapport 2018 de la Cour des comptes concernant les prisons du Maroc. La plus importante insuffisance relevée par les hommes de Driss Jettou dans ce rapport est la surpopulation. Ainsi 44% des prisons en souffrent. Si la surface moyenne allouée à chaque détenu est de 1,8 m2, à Casablanca-Settat, elle ne dépasse pas 1,2 m2. Il suffit de savoir que les normes internationales imposent un minimum de 3 m2 par détenu, pour se rendre compte de la gravité de la situation, surtout en temps de pandémie. Un état des lieux qui fait que plusieurs prisons voient régulièrement doubler le nombre des détenus prévu initialement. Autre anomalie : Le non-respect de l'obligation de classification des détenus suivant leur catégorie pénale. D'après les juges de la cour des compte, les personnes en détention préventive et les contraignables pour des raisons civiles se retrouvent côte à côte dans les prisons marocaines. La séparation des catégories est cependant, une des règles fondamentales de la protection de la population carcérale. Toujours dans ce même sens, la sécurité des détenus est l'une des préoccupations majeures dans le système vu que les détenus vivent dans un milieu fermé aux issues verrouillées avec une possibilité de mouvement très limitée. « Ils sont ainsi très exposés au risque d'asphyxie en cas d'incendie » note le même rapport. Pourtant ce dernier relève plusieurs lacunes au niveau des systèmes anti-incendie, la présence d'éléments facilement inflammables et l'accessibilité des moyens d'allumage chez les incarcérés. Un tas de défaillances que la situation actuelle devrait remettre à l'ordre du jour. Les risques de contamination étant surélevés à cause de la promiscuité et l'étroitesse des lieux, beaucoup de questions se posent alors quand à l'urgence de prise de mesures adaptées pour protéger à la fois les détenus et le personnel pénitentiaire.