Le coup de force du Hezbollah, qui s'est emparé en 48 heures de la partie occidentale de la capitale libanaise après avoir bloqué tous les accès à l'aéroport, a mis en évidence la faiblesse du gouvernement de Fouad Siniora. Les récents évènements ont apporté la preuve qu'il était pas en mesure de faire appel à la force publique pour imposer sa loi. Ou du moins que la force publique, c'est à dire l'armée, ne se sentait pas obligée d'intervenir pour faire respecter ses décisions, ni même pour maintenir l'ordre et protéger les citoyens dans un quartier investi par des groupes armés. Seule institution multiconfessionnelle du pays, l'armée libanaise considère que la coalition gouvernementale issue de la majorité parlementaire représente un camp, l'opposition un autre et qu'elle n'a pas à choisir entre les deux. Une posture qui peut paraître curieuse mais qui s'explique par la nécessité de maintenir son unité alors que la ligne de fracture qui sépare les communautés dans la pays existe aussi en son sein. Elle a donc choisi de laisser le Hezbollah agir. Celui entendait protester contre deux mesures prises à son encontre par le gouvernement : le limogeage du chef de la sécurité de l'aéroport, chiite et proche de la milice d'Hassan Nasralllah et la mise hors la loi du réseau de communication de la milice. Fouad Siniora n'a pas eu d'autre choix que de reconnaître son impuissance en chargeant l'armée de trancher, ce qu'elle a fait en rapportant aussitôt les deux décisions rejetées par la milice chiite. Comme toujours au Liban, le conflit est aussi régional. Le clivage qui déchire les Libanais n'oppose plus aujourd'hui, comme autrefois, au temps des « palestino-progressistes », les musulmans aux chrétiens, mais les sunnites aux chiites. Avec, en toile de fonds, une rivalité aux dimensions régionales entre l'Iran et l'Arabie Saoudite. Ce qui est en jeu c'est le partage du pouvoir. Au Liban et au Moyen Orient. Au Liban, les chiites , qui sont au moins aussi nombreux que les chrétiens et bien plus que les sunnites, revendiquent une plus grosse part du « gateau » institutionnel que se partagent jusqu'ici, pour l'essentiel, les sunnites et les chrétiens. Au Moyen Orient, l'Iran, principal bénéficiaire de l'intervention américaine en Irak, rêve de devenir un acteur majeur voir la puissance dominante-en prenant la tête d'une coalition anti-israélienne et anti-américaine. Ces ambitions inquiètent l'Arabie Saoudite tout comme les autres grands pays sunnites conservateurs Egypte ou Jordanie- qui craignent de perdre leur influence.