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Le nucléaire au Maroc Un débat énergique !
Publié dans L'observateur du Maroc le 19 - 07 - 2011

L'Agence nationale de sureté nucléaire et de radioprotection (ANSNR) a vu le jour cette semaine. Un pas de plus qui confirme l'option nucléaire du Maroc. La loi 10.33 organisant cette agence a été votée par une commission avec quatre conseillers pour et trois contre. «Imaginez une loi du nucléaire d'un pays qui se vote avec quatre élus qui ne savent rien en nucléaire», ironise Mohammed Benatta, militant écologiste et membre du Collectif Maroc solaire, Maroc sans nucléaire (MSMSN).
Le nucléaire, trois positions
La création du MSMSN, en mars 2011, a permis d'ouvrir un débat inédit au Maroc. Ces citoyens, rassemblés à travers les réseaux sociaux, posent la question de l'utilité du nucléaire comme l'une des sources d'énergie pour le Maroc.
À l'opposé de ce collectif, des scientifiques marocains, spécialisés dans le génie atomique, regroupés au sein du Groupement marocain de technologies des réacteurs (GMTR), plaident pour «l'introduction de l'énergie nucléaire en préconisant une complémentarité entre les énergies renouvelables et le nucléaire», affirme Pr. Houssine Erradi, président du GMTR. Le gouvernement, par la voix de la ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et l'environnement, Amina Benkhradra, tient à préciser que le nucléaire est «une option parmi d'autres dans le mix énergétique du Maroc». Aussi, la société civile, la communauté scientifique et l'Etat se livrent à un lobbying intense pour faire pencher la balance chacun de son côté.
Au commencent, il y avait Fukushima
Dr Ghizlane Ghallab est membre fondateur du Collectif Maroc sans nucléaire. Elle nous raconte sa rencontre avec «l'atome». Le 30 mars 2011, cette ophtalmologue casablancaise était devant sa télé à suivre avec effroi le drame causé par la centrale Fukushima au Japon. Quelques jours plus tard, elle entreprend de se renseigner sur les projets nucléaires du Maroc.
Rappel des faits. En juillet 2010, la 10e réunion de haut niveau franco-marocaine s'est soldée par un accord important. Le Maroc se dotera d'une première centrale nucléaire à l'horizon 2022-2024. Les appels d'offres devaient être lancés à partir de 2012. Le réacteur marocain élira domicile entre Safi et Essaouira, non loin de l'océan atlantique. Selon les termes de l'accord, la France accompagnera le Maroc dans les domaines technologique, de la formation et de la sûreté. L'approvisionnement en uranium se fera à partir des phosphates. Le Premier ministre Abbas El Fassi se réjouit de cet accord: «nous avons ouvert le chantier des énergies renouvelables, solaire et éolienne, il nous restait une étape à franchir, le nucléaire». Le ministère de l'Energie entend porter la part du nucléaire dans la production énergétique nationale à 8% en 2025.
La sortie de Said Mouline
Retour dans le salon du Dr. Ghallab. Depuis qu'elle a découvert le projet nucléaire marocain, elle se documente et s'engage corps et âme pour dire «non au nucléaire au Maroc». «Mais avant d'afficher une position de refus, le Collectif Maroc solaire, Maroc sans nucléaire tente de lancer un débat sociétal et politique autour de cette question», précise-t-elle.
Le premier à se jeter dans le «bain» nucléaire c'est Said Mouline, directeur général de l'Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et l'efficacité énergétique (ADEREE). Monsieur énergies propres fera une sortie remarquée dans les colonnes du quotidien Aufait : «Lors des assises de l'énergie et des différentes présentations faites sur notre politique énergétique, on voyait apparaître un réacteur nucléaire de bonne puissance à l'horizon 2020. Des pourparlers ont été menés avec différents grands acteurs mondiaux mais sans jamais penser à un débat national sur le sujet». Face à cette situation, il propos que ce choix «soit voté au Parlement ou à défaut que des explications soient fournies au grand public». C'était le cas en l'Italie où les citoyens se sont prononcés par référendum le 12 juin dernier.
La chaise vide de Benkhadra
Le MSMSN tente depuis des mois de rassembler les acteurs concernés par le nucléaire au Maroc autour d'une même table, sans succès. Le 7 juin 2011, un débat devait s'organiser en présence de la ministre concernée. «Sauf que 24 heures avant le jour J, un membre du cabinet de Mme Benkhadra nous annonce que la ministre ne pourra pas venir car le débat est déséquilibré. On s'est senti trahi par cette volte face», raconte non sans amertume, Dr. Ghallab. Les autres invités de cette table ronde se désistent également à la dernière minute. Le collectif Maroc solaire, Maroc sans nucléaire pense que «c'est le ministère qui a obligé ces personnes à ne pas venir à notre débat. Une rencontre que nous voulions pourtant ouverte et équilibrée», ajoute la fondatrice de MSMSN. Le débat se tient tant bien que mal. Les anti-nucléaire dénoncent à cette occasion la politique de la chaise vide et le manque de transparence des responsables marocains. Pourtant, opter pour le nucléaire est une position tout à fait défendable.
Des avantages…
Le Maroc dépend à plus de 95% des matières premières et de l'électricité importées. «Même avec l'effort considérable consenti pour le développement des énergies renouvelables, celles-ci ne devraient pas représenter plus de 25% de l'électricité produite à l'horizon 2020», prévoit H. Erradi, président du GMTR. Pour ce dernier, quatre arguments jouent en faveur de l'introduction de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique national. Premièrement, se priver du nucléaire revient à dépendre de matières premières en voie de raréfaction et dont les prix vont considérablement augmenter. Secundo, le nucléaire, comme les énergies renouvelables, est une source d'énergie qui n'émet pas de CO2 et répond donc au grand problème du réchauffement climatique. Tertio, les réserves mondiales d'uranium estimées sont suffisantes pour des siècles. Dans ce domaine, le Maroc dispose de quantités d'uranium contenues dans les phosphates. Et en dernier lieu, l'introduction de l'énergie nucléaire dans notre pays va certainement contribuer au développement industriel et technologique du pays par la stimulation de plusieurs secteurs de l'industrie nationale (électricité industrielle, électronique, génie civil, mécanique, aciéries et autres). Mais cette thèse ne convainc pas le camp des anti-nucléaire, qui affichent leur opposition, arguments à l'appui.
…et des inconvénients
Le nucléaire présente plusieurs désavantages qui renforcent la position de ses détracteurs. La gestion des déchets nucléaires constitue un argument de taille pour réfuter tout développement de cette énergie. «Au Niger, l'activité d'extraction de l'uranium de l'entreprise française Areva expose 80.000 Nigériens à de réels risques sanitaires et menace la faune et la flore. La problématique des déchets restera insoluble», soutient Dr. Ghallab.
La consommation d'eau est importante dans la production nucléaire. En France, 40% de l'eau potable sont consommés par les 58 réacteurs atomiques de ce pays. «Pire encore, le risque d'accident est imprévisible. On ne peut jamais prévoir un tremblement de terre, un attentat terroriste ou un crash d'avion», insiste Dr. Ghallab. Le scientifique marocain L. Erradi ne partage pas le point de vue de la militante anti-nucléaire : «le risque d'accident nucléaire a été considérablement minimisé dans les réacteurs de 3e et 4e génération par rapport à ceux de la première génération qui équipent par exemple la centrale de Fukushima».
Dans le cas du Maroc, le nucléaire risque de s'avérer une énergie très coûteuse car il s'agit d'une technologie importée. «Cette énergie ne créera d'emplois dans aucune filière industrielle, à l'inverse des énergies renouvelables», argumente Dr. Ghallab. Et d'ajouter : «le choix du nucléaire pour le Maroc est d'abord une décision politique. Que la France nous vende le tramway ou le TGV ça se comprend, mais des centrales nucléaires made in Areva, on n'en veut pas». Pour L. Erradi du GMTR, cette période critique demande de «retarder toute décision politique sur ce dossier. Les conclusions et les conséquences finales de l'accident de Fukushima sont encore attendues. Nous vivons donc un grand bouleversement de la situation de l'énergie nucléaire à l'échelle internationale, ce qui incite à prôner prudence, attentisme et transparence».


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