L'économie et le business, activités rationnelles par excellence, s'accommodent mal de superstition. D'aucuns s'interrogent pourtant sur les ressorts de la «malédiction» qui poursuit Taghazout… Cette importante station balnéaire, située à quelques encablures d'Agadir, vient en effet de connaître un autre déboire avec le retrait définitif, annoncé la semaine dernière, d'un partenaire de poids : le fonds d'investissement américain Colony Capital. Pièce-maîtresse du Plan Azur, annoncé en 2001 à grand renfort de communication, Taghazout a été la première station programmée dans ce plan (6 milliards de DH d'investissement), en quelque sorte la locomotive appelée à tirer tout le Plan dans son sillage. Celui-ci, rappelons-le, a été pensé autour de 6 méga-stations censées assurer la réussite de la Vision 2010 (objectif de 10 millions de touristes en 2010) et composées de Taghazout (Agadir), Saïdia (Oujda), Port Lixus (Larache), Mazagan (El Jadida), Mogador (Essaouira) et Plage Blanche (Guelmim). En l'état actuel des choses, 10 ans après la mise en orbite du Plan Azur, seules deux stations sont opérationnelles : Saïdia, ouverte en juin 2009, et Mazagan, inaugurée en octobre de la même année. Les quatre autres projets ont tous connu des aléas divers et donc des retards à répétition, dus à moult facteurs : révision des plans d'aménagements, rééchelonnement des travaux, problèmes liés au foncier, valse des bailleurs de fonds… Avec ou sans Colony Capital De ces différents déboires régionaux du Plan, le plus «spectaculaire» reste évidemment celui de Taghazout. Peu de temps après sa programmation sur l'échéancier national, elle a connu ses premiers ennuis suite à la défection de deux grands investisseurs, en l'occurrence le saoudien Dallah Al Barka (dont le contrat a été résilié par décision de justice en mars 2004 pour défaillance structurelle) et Colony Capital, qui a déclaré forfait en avril 2009 suite à un repli stratégique décidé au niveau de l'état-major du groupe américain, en butte alors à des choix difficiles en termes de repositionnement géographique. Tom Barack, le charismatique président de Colony Capital, était pourtant venu en personne à Taghazout, peu de temps avant l'annonce du retrait, pour rassurer les pouvoirs publics, les partenaires locaux, les élus et la presse nationale quant à son engagement dans le projet. A la relance de la machine en septembre 2010, il était pourtant clair qu'il ne ferait plus partie du tour de table. Il faut rappeler, dans ce contexte, que Colony Capital devait s'impliquer dans la Société d'Aménagement et de Développement de Taghazout à hauteur de 25% dans le capital, fixé à 100 millions de DH à la création de l'entité. Aujourd'hui, c'est officiel, le fonds d'investissement a quitté le board des actionnaires de la société mandatée pour la réalisation du chantier. Le ministère de tutelle, impatient d'en finir avec ces reports à répétition, a décidé que le coup d'envoi sera donné à la fin de ce mois de juin. Avec ou sans Colony Capital…