La lune de miel a été interrompue de façon brutale. Et le coupable n'est autre que les actes de vandalisme perpétrés en marge des manifestations de protestation du 20 février. Mais pas seulement. Les professionnels évoquent les différentes révolutions qui secouent actuellement le nord d'Afrique et le monde arabe en général. Annulations Les soulèvements populaires n'ont rien de rassurant ni d'attrayant pour les touristes. Les tours opérateurs, les hôteliers et les professionnels du tourisme national en savent quelque chose. «L'impact du 20 février a été vraiment terrible ici à Tanger. Notre clientèle, essentiellement espagnole, a déserté la ville suite à ces événements. Nous avons enregistré des annulations à hauteur de 35%. La vente de séjours, quant à elle, a accusé une importante baisse frôlant les 50%», s'alarme Mustapha Boucetta, président du CRT de Tanger. Mais la ville du détroit n'est pas la seule dans ce cas. Fès, qui peinait déjà à récupérer sa clientèle à cause des problèmes politiques avec l'Espagne et leur influence négative sur le tourisme de circuit, se retrouve face à une situation «assez difficile», comme la qualifie Aziz Lebbar, président du CRT de la ville. «Le secteur touristique à Fès a été touché avant même le 20 février. Nous avons enregistré une baisse de la demande, à la simple annonce des manifestations», nous explique le responsable. Une situation qui va s'aggraver, au grand dam des opérateurs locaux. «Tout le secteur hôtelier est touché, et spécialement les grands hôtels qui ont vu leurs réservations chuter de 40%», insiste Lebbar, qui dépeint un tableau plutôt sombre de la situation. Plus de 40% d'annulations et un taux de désistement frôlant les 50%, même dans les cas où il n'y a pas de possibilité de remboursement…. Ces chiffres en disent long sur l'ampleur de l'effet psychologique du 20 février et de celui du printemps arabe en général. «La situation géographique de notre pays l'a mal servi. L'amalgame se fait facilement dans l'esprit du touriste entre les différents pays maghrébins et arabo-musulmans. En quête de quiétude et de loisirs, un touriste ne va pas s'aventurer dans des pays instables et mal sécurisés. Amalgames Ce qui se passe en Libye, en Tunisie et en Egypte déteint forcément sur la destination Maroc», analyse Lebbar, qui insiste sur l'importance de prendre les choses en main pour sauver le reste de la saison. «Nous avons pratiquement perdu le mois de mars et celui d'avril, le top de notre haute saison qui nous paie les six premiers mois de l'année. Nous devons absolument récupérer la saison estivale pour sauver la mise», s'alarme le président du CRT de Fès, qui s'accroche tout de même à son optimisme. De son côté, Abdellatif Abouricha, responsable communication et relation presse du CRT de Marrakech, modère et rappelle que c'est trop tôt pour évaluer la situation et annoncer la crise prématurément. «Rendez-vous dans trois mois pour juger vraiment l'ampleur de l'impact des actes de vandalisme perpétrés le 20 février dernier», soutient-il. Même s'il ne nie pas une baisse de la demande, qui atteint 30%. D'après Abouricha, le tourisme d'affaires serait le plus touché. «Mais ça concerne essentiellement les petits séminaires qui ne dépassent pas les 200 invités. Les grands congrès, par contre, sont épargnés», rassure-t-il. Quant au tourisme de loisirs, il accuse une baisse de 15% par rapport à la même période de l'année 2010. Le tourisme individuel de son côté enregistre une baisse de 20%. Selon Abouricha, l'offre riads serait la plus touchée. Les restaurants de la ville ocre souffrent également des prémices de cette crise. Ils ne servent actuellement que 40% de leurs couverts. Des chiffres qui restent alarmants, malgré les tentatives de modération des responsables. «Marrakech résiste avec force. Jusqu'à maintenant il n'y a pas d'annulations massives de séjours. Aucune compagnie aérienne n'a annulé ses vols non plus. Il faut dire qu'il y a trop d'amalgames et trop de rumeurs qui courent. Le seul moyen d'y remédier, c'est la communication», indique Abouricha. Communication Les responsables s'accordent tous d'ailleurs sur ce point. Communiquer le plus largement et le plus efficacement possible pour reconquérir le touriste, tout en le rassurant. Aspect très important dans cette opération séduction. Que ce soit via Internet à travers facebook, youtube et autres sites communautaires ou à travers des campagnes de communication ciblées … Les responsables des conseils régionaux de tourisme (CRT) trouvent leur salut. «Il faut mener une offensive médiatique bien réfléchie afin de rassurer notre clientèle quant à la stabilité du Maroc. Pour ce faire, il faut inviter les médias étrangers à venir découvrir la situation sécurisée de notre pays», nous indique Boucetta, président du CRT de Tanger. Même son de cloche du côté de ses collègues de Fès et de Marrakech, qui ne jurent que par la communication et son potentiel réparateur de dégâts. Abouricha évoque la participation marocaine au Salon de Berlin et à celui de Moscou. Des workshops internationaux verront également l'intervention d'opérateurs nationaux. Ceci en plus d'une campagne de sensibilisation et de communication sur la destination qui est menée actuellement sur 30 villes européennes. Un arsenal communicatif dans lequel responsables officiels, tours opérateurs et autres voyagistes et hôteliers mettent tous leurs espoirs pour sortir de cette crise. D'ailleurs, pour Yassir Znagui, ministre du Tourisme et de l'artisanat, le fait d'intensifier la communication, notamment sur le Net, serait le meilleur moyen pour rassurer les opérateurs et les touristes clients du Maroc. C'était l'essentiel de ses recommandations aux responsables inquiets des CRT, réunis le 28 février 2011 à Rabat. Reste à se demander si cette stratégie, entièrement basée sur la communication, sera suffisante et efficace pour contrecarrer la crise qui se profile à l'horizon.