Suite à sa libéralisation, le secteur marocain des assurances fait face à une concentration et à une concurrence de plus en plus fortes. Fragilisé par sa dépendance aux marchés financiers et son image ternie par les procédures d'indemnisation non conformes, le secteur subit un ralentissement de sa croissance. Conscient de ces difficultés, le ministère de l'Economie et des finances, par la voix de son ministre, Salah Eddine Mezouar, a instauré la mise en œuvre, dès 2008, d'une vision stratégique du secteur à l'horizon 2014. Cette initiative est en phase de finalisation, par le biais du contrat-programme du secteur des assurances. A travers des mesures établies en concertation avec pas moins de neuf ministères et la Fédération des assureurs (FMSAR), le contrat programme ambitionne de redonner un élan au secteur marocain des assurances, afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle de stimulateur de croissance, principalement à travers des financements à long terme, qui permettent les investissements structurels. Deux cabinets de consultants ont été mandatés pour établir les études préalables et préconiser des mesures concrètes à la réalisation de cet objectif. Aussi, ce sont 20 initiatives, et pas moins de 97 points qui sont à l'étude aujourd'hui par la DAPS (Direction des assurances et de la prévoyance sociale) et qui devraient permettre à terme au secteur de couvrir 90 % de la population marocaine, de doubler sa participation au financement de l'économie, son chiffre d'affaires et les prestations versées aux ménages marocains. Priorité : augmenter le nombre d'assurés Pour ce faire, il s'agit en priorité d'augmenter la pénétration de l'assurance au Maroc. Il faudra alors professionnaliser le secteur, le contraindre à une meilleure gestion du risque, vulgariser l'assurance et améliorer son image par la communication. Clarifier les droits et obligations des assureurs et assurés, pour une meilleure transparence. Ceci devrait permettre une meilleure connaissance de l'assurance et plus de confiance, mais aussi faut-il que les Marocains y adhèrent. L'idée est alors de développer de nouveaux produits, qui répondent aux besoins des clients à travers des tarifs appropriés et de nouveaux canaux de distribution, tels que la vente à distance. Pour stimuler les réseaux d'intermédiaires, la suppression de la double imposition de la TVA est préconisée. Afin d'instituer l'assurance, le champ d'application des assurances obligatoires devrait être élargi aux accidents du travail, à la multirisque habitation ainsi qu'à l'assurance de prévoyance lors de la souscription de microcrédits. Le contrat programme envisage également la couverture des indépendants, exclus du RAMED ou de l'Assurance maladie obligatoire, à travers l'Assurance maladie indépendante, et d'intégrer la protection des agriculteurs à travers le développement de la micro-assurance agricole, pour les prémunir contres les catastrophes naturelles. De ces nouvelles formules d'assurance naît le besoin de légiférer. Il faudra faire des études et adapter la loi pour encadrer et codifier les nouvelles modalités et les nouveaux contrats d'assurance et un bureau central de tarification sera créé. Impératif : mobiliser l'épargne longue Une fois la pénétration assurée et les populations protégées, l'impératif majeur du contrat programme est la mobilisation de l'épargne longue. Aussi, il faudra inciter les assurés à souscrire des contrats d'assurance vie, de retraite et de retraite complémentaire. Pour ce faire, des avantages fiscaux devront être proposés aux assurés (suppression de la taxe sur la capitalisation, déductibilité des revenus des primes d'assurance), restera aux compagnies à garantir un taux minimum annuel incitatif pour ses assurés actuels et potentiels. Celles-ci bénéficieront, pour favoriser l'épargne longue, d'un régime fiscal spécial leur permettant d'investir dans les secteurs non cotés et un taux de taxation réduit sur les dividendes et certaines plus-values. Aussi, une fois abouti, le contrat programme du secteur des assurances, par la collaboration volontariste de l'administration et des assureurs, promet de renforcer le secteur, de le moderniser, de le mettre aux standards internationaux et de l'institutionnaliser. Le secteur sera alors à même de couvrir la population du royaume mais également de rayonner à l'international, en Afrique, notamment. Ceci-dit, le contrat-programme, même dans sa version finalisée, ne sera pas un document figé mais un chantier d'envergure. Aussi, pour son exécution et son suivi, un secrétariat général et un observatoire de la protection de la population et des entreprises est prévu au sein de la FMSAR, ainsi qu'une session extraordinaire annuelle du comité de pilotage. «Il faudrait présenter des produits adaptés aux assurés» Mohammed Hammich, Agent général L'Observateur du Maroc. Que pensez-vous des mesures préconisées par l'étude préliminaire du contrat-programme des assurances ? Mohammed Hammich. Le nombre de points abordé dans le chantier est important mais ne peut qu'être bénéfique aussi bien pour l'assuré que pour le secteur, car de par notre petite expérience nous manquons de culture d'assurance et donc on ne s'assure que par obligation. Il s'agit alors de responsabilité civile automobile ou vol et incendie quand un organisme de financement l'exige. Aussi, la mise en application du contrat-programme ne peut qu'offrir un nouveau souffle au secteur, mais devra s'accompagner d'une législation appropriée et des offres claires avec une prime modérée afin que toutes les parties puissent adhérer. Que pensez-vous de la relation assureur - assuré ? Les assurés n'ont pas confiance en leurs assureurs par ignorance ou manque de culture d'assurance. Ceci dit, un assuré bien averti ne peut que bien connaître ses droits et obligations, et ainsi se retourner vers son assureur quand il en a besoin. Mais quand l'assuré réclame son indemnisation au jour du sinistre et que l'assureur retarde le remboursement ou ne le satisfait pas à cause d'une sous-assurance ou d'une exclusion, c'est normal que l'assuré perde confiance. Comment améliorer cette confiance ? Il faudrait présenter des produits adaptés aux assurés : clairs, simples et précis. Banaliser l'assurance en expliquant, via les médias, les droit et obligations des assurés. Il faudrait que les assureurs révisent leurs tarifs à la baisse et soient plus rapides en cas de sinistre. Il faudrait également prévoir un plan de bonification pour l'ensemble des risques placés par un assuré chez une compagnie. En bonifiant à des taux importants, on incite les clients à plus de prudence.