L'Irak, le Yémen, le Sahel : Al-Qaïda semble de nouveau sur tous les fronts. Comment expliquer ce regain de vitalité de l'organisation d'Oussama ben Laden ? Première étape : le retour sur scène de la nébuleuse terroriste commence avec l'enlèvement des cinq Français, d'un Togolais et d'un Malgache au Niger par un commando de l'AQMI (Al- Qaïda au Maghreb islamique). Ce n'est pas un coup d'essai, mais c'est un coup d'éclat car les sept otages ont été enlevés au sein même du village de la société française, Areva. Rien d'étonnant à ce qu'il ait été revendiqué, la semaine passée, par Ben Laden. Le Saoudien vise nommément la France et sa politique au Sahel et recommande d'enlever ses ressortissants. C'est la première fois que Ben Laden oublie les Américains pour s'en prendre directement aux Français. Deuxième étape : les colis piégés envoyés du Yémen en direction des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Une action revendiquée par Al-Qaïda dans la péninsule arabique, une «filiale» d'Al-Qaïda créée d'abord en Arabie Saoudite et qui s'est rapatriée au Yémen. Le coup visait à réveiller les craintes en Occident, en particulier aux Etats-Unis à la veille des élections législatives américaines, mais surtout à pousser les Américains à intervenir - et à s'engluer - au Yémen. Dans ce pays de montagnes et de tribus, les membres d'Al-Qaïda bénéficient de relations familiales et claniques solides. L'Hadramaout est le berceau de la famille Ben Laden, et nombre de combattants d'Al Qaïda de différentes nationalités, chassés d'Irak et d'Afghanistan par les Américains, y ont trouvé refuge. Troisième étape : l'Irak. Là, c'est à une Toussaint sanglante que se sont livrés les membres de l'organisation. D'abord le 31 octobre, lorsqu'un commando se revendiquant de l'Etat islamique d'Irak, la branche irakienne d'Al-Qaïda, a pris d'assaut une église en plein office. Bilan : 53 morts à l'issue de l'intervention des forces spéciales irakiennes venues les délivrer. Al-Qaïda n'a jamais caché que les Irakiens chrétiens (entre 250.000 et 400.000, soit 50% de moins qu'en 2003), n'ont pas à vivre sur une terre d'islam. Le lendemain, 1er novembre, c'est aux chiites que la nébuleuse qaïdiste s'est attaquée : quatre attentats dans Bagdad ont fait plus d'une soixantaine de morts. Là encore, c'est le vide politique qui favorise le retour de la violence en Irak. Le pays n'a pas de Premier ministre depuis les législatives de mars et la volonté de Nouri al-Maliki, chiite et chef du gouvernement sortant, de se constituer une majorité parlementaire, favorise ce regain de violence de certains sunnites. Nombre d'entre eux, Irakiens hier liés à Al-Qaïda, avaient été récupérés par les chefs tribaux quand les Américains leur assuraient un salaire. Les Américains partis, l'armée irakienne n'a pas voulu – ou pu – les intégrer dans ses rangs. 20% d'entre eux aurait rejoint à Al-Qaïda. Sahel, Yémen, Irak, aucun lien opérationnel ne semble relier ces groupes qui se revendiquent d'Al-Qaïda, sinon une même idéologie «islamisante» et anti-occidentale. Pour le chercheur Jean-Pierre Filiu, l'organisation serait aussi vulnérable que dans les années 2001-2002 lorsque Ben Laden était encerclé dans les montagnes de Bora-Bora. Un attentat spectaculaire pourrait redorer son blason.