L'énergie dépensée par Barack Obama, le nombre de kilomètres avalés et de débats publics au cours d'une longue tournée dans le pays sont à la mesure de l'enjeu. Le président américain sait qu'il doit remobiliser pour ne pas dire reconquérir son électorat afin d'éviter une débâcle électorale lors des fameuses mid terms du 2 novembre. Ces élections de mi mandat - qui servent à renouveler toute la Chambre des représentants, un tiers du Sénat et à élire 37 des 50 gouverneurs - sont doublement décisives : pour prétendre être réélu en 2012 et pour envisager en attendant de continuer à mener des réformes. Fait sans précédent depuis l'élection de 2008, Michelle, son épouse et son meilleur atout au vu de sa popularité, a été largement mise à contribution dans certains meetings tenus dans des Etats-clés. Charisme et vitalité de Michelle pour en quelque sorte contrebalancer l'image d'un président estimé «pas assez chaleureux», voire «lointain» depuis qu'il est à la Maison Blanche. Un déficit que Barack Obama concède. Dans une interview au New-York Times, il admet ainsi des «erreurs tactiques», notamment en matière de communication. Volonté, explique-t-il, de s'atteler «plutôt à gouverner correctement». Relancer la dynamique de 2008 Mais au-delà de ces critiques personnelles, les Démocrates n'ont pas le vent en poupe. Mis en difficulté par la crise économique et un chômage proche de 10% de la population active, ils risquent de voir les élections se transformer au mieux en un vote de protestation économique, au pire en un référendum sur Barack Obama. D'autant que seuls 56 % de leurs électeurs se disent déterminés à aller voter contre 64% des Républicains, ce qui fait craindre aux Démocrates de perdre leur majorité à la Chambre des représentants ou au Sénat, voire dans les deux. Du coup, le président américain a eu ces dernières semaines un seul objectif : relancer la formidable dynamique de son élection en 2008 et défendre le bilan des deux premières années de son administration. «Nous avons probablement accompli 70% des choses dont nous avons parlé pendant la campagne», a-t-il déclaré toujours au New-York Times. Difficile de le contredire ! En deux ans, Obama a mis sur les rails un plan de relance ambitieux de l'économie de 787 milliards de dollars, commencé à réorganiser le système financier et réussi à faire passer une vaste réforme de l'assurance maladie. Cette réforme sur laquelle tous les présidents démocrates se sont cassés les dents a sans doute coûté à Barack Obama de perdre ses électeurs indépendants. Mais elle va permettre à tous les Américains de bénéficier d'une couverture santé. Obama dangereux «socialiste» C'est ce qui lui vaut d'être attaqué avec virulence par les ultra conservateurs populistes du mouvement Tea Party qui connaît un succès fulgurant depuis sa naissance il y a dix-huit mois. Hostiles à l'Etat, au fédéralisme, à l'establisment de Washington et aux impôts fédéraux, ces milliers de petits groupes composés essentiellement de blancs, plus âgés que la moyenne et relativement aisés, incarnent parfaitement une Amérique du chacun pour soi, indifférente au sort des pans les plus vulnérables de la société. Pas étonnant dès lors qu'ils dénoncent le plan de sauvetage des banques, les dépenses liées à la réforme de l'assurance-maladie, les hausses d'impôts prévues pour les plus riches (au delà de 250.000 dollars par an). Ce n'est rien quand on sait que les plus extrémistes d'entre eux réclament carrément … le retrait des Etats-Unis de l'ONU, la fermeture des ministères de l'Education et de l'Energie, l'information des femmes du «lien scientifiquement établi» entre avortement et cancer du sein. De là à considérer Obama comme un dangereux «socialiste» qui voudrait instaurer aux Etats-Unis un Etat-providence à l'européenne, il n'y a qu'un pas franchi allégrement par les plus activistes ! Ce discours populiste et démagogique a, quoi qu'il en soit, permis au Tea Party de remporter des succès électoraux dans six Etats lors des primaires sénatoriales d'août dernier, tandis que le ralliement de personnalités conservatrices comme Sarah Palin, l'ex gouverneur de l'Alaska et candidate à la vice-présidence républicaine en 2008, est venu renforcer le mouvement. Obama (re)joue les jeunes, les femmes et les Hispaniques On estime ainsi que les Tea parties représentent un cinquième de l'électorat et plus du tiers des électeurs républicains! Pire : l'intégration de nombreux militants de la Tea Party dans le Parti républicain a beaucoup accentué la «droitisation» de cette formation en lui imposant son agenda. Dans ce contexte, il ne reste au président américain qu'à tout faire pour remobiliser son électorat traditionnel et surtout le plus motivé: les jeunes, les femmes, les Hispaniques et les Afro-Américains. Il s'est ainsi employé à relancer les réseaux et la coalition Latinos-Afro-Américains notamment dans le Nevada, un Etat-clé pour le contrôle du Sénat. Le vote hispanique, qui représente 9% de l'électorat américain, est en effet devenu décisif dans les Etats de l'Ouest. Dans un clip télévisé, Obama s'adresse donc directement aux Latinos : «Aidez moi à défendre ce que nous avons commencé». Et pour mieux convaincre ces électeurs qu'ils ont tout à gagner à se mobiliser et à se battre, le président a signé un décret visant à renforcer l'éducation de leurs enfants. Paralysie législative L'implication du couple Obama dans la campagne pour les mid terms et le bilan plus qu'honorable des deux premières années de sa présidence suffiront-ils à mobiliser les démocrates pour contrecarrer la vague de fond du Tea Party? La première conséquence d'une majorité républicaine au Congrès serait redoutable : elle créerait une paralysie législative qui empêcherait Barack Obama de poursuivre ses réformes et compromettrait sérieusement ses chances de réélection. Même si la Tea Party ne présente que 138 candidats, les mid terms du 2 novembre permettront en tout cas de mesurer son influence après la campagne souvent délirante menée par ce mouvement. En espérant que l'après 2 novembre voit se résorber un tant soit peu le chômage. Car celui-ci demeure l'agent électoral de choc de la Tea Party.