Mohammed el-Baradeï nest pas le candidat des Occidentaux auxquels certains veulent le réduire, il suscite au Caire un véritable enthousiasme et des officiers voient en lui un candidat civil de transition crédible» déclarait récemment à son retour dEgypte un universitaire libanais. La récente irruption de lancien patron de lAgence internationale de lénergie atomique dans le jeu politique égyptien bouleverse la donne. A 67 ans, Mohammed el-Baradeï tente dimposer sa candidature à lélection présidentielle de lan prochain. Une candidature indépendante qui, si elle allait jusquau bout, serait une première en Egypte. Jusquà ces derniers mois, lélection présidentielle de 2011 ne semblait pas devoir révolutionner le pays. La fatigue du président Hosni Moubarak depuis son intervention chirurgicale de février semble rendre de moins en moins probable sa candidature à un sixième mandat. Son départ ouvrirait donc la voie à son fils, Gamal, très proche des milieux daffaires. Voilà dix ans que celui-ci se prépare en catimini à prendre la relève. Une idée qui déplait à nombre dEgyptiens qui ne veulent pas que leur pays se transforme en république héréditaire à la syrienne ou à la togolaise. En outre, certains nexcluent pas que, en cas de troubles sérieux dans la région, larmée sans laquelle aucun président ne peut être élu ne demande au général Omar Soleimane, 75 ans, puissant patron des services de renseignements, de se porter candidat. Larrivée del-Baradeï a bousculé ce scénario bien huilé. Juriste de renommée internationale, homme dune grande probité, prix Nobel de la paix 2005, El-Baradeï, lenfant du pays, la fierté du pouvoir, prend le risque de se présenter en alternative à Moubarak. Il veut faire bouger les lignes et amener son pays sur la voie de la démocratie et dune meilleure gouvernance. Utopie ? Peut-être. Son succès est incontestable. Lui-même sen dit surpris. Fin février, lors de son retour au Caire, une foule nombreuse et enthousiaste lattendait à laéroport. Depuis, les réunions se multiplient à son domicile où se retrouvent intellectuels, membres de partis dopposition, artistes El-Baradeï est devenu une alternative crédible à Moubarak, le symbole du changement face à un pouvoir vieux de trente ans. Les opposants qui lont plébiscité pour les représenter ont créé un mouvement : le Front national pour le changement. Comme El Baradeï na pas le droit de lever des fonds ou douvrir un QG, cest via Facebook que lengouement pour El Baradeï se propage. Fin mars, sa page rassemblait 250.000 personnes. Mohammed el Baradeï, lhomme tranquille devenu un rebelle, peut-il réussir ? Il a des atouts : sa réputation dintégrité, la compétence, laura internationale de celui qui a tenu tête aux Etats-Unis avant la guerre contre lIrak. Il embarrasse le pouvoir : il est pris au sérieux mais il est trop connu pour quon le jette en prison. Les autorités ont donc commencé à interpeller des membres de son entourage El Baradeï affirme quil ne se présentera pas si la constitution nest pas modifiée pour que des candidats indépendants aient des chances de lemporter. Ce serait une révolution dans le pays. Hosni Moubarak peut-il sy résoudre ? El Baradeï ny croit guère. Il sait aussi que la bataille quil mène au Caire est suivie comme un exemple par tout le Proche-Orient.