Le Moyen-Orient, avec ses convulsions et son conflit arabo-israélien douloureux, complexe et interminable, met souvent sous léteignoir cette vaste région dAfrique du Nord. Les stratèges européens savent pourtant limportance de cette région pour la paix et la prospérité dans le monde et surtout en Europe. La proposition dun espace unifié, celui de la Méditerranée, est une perspective intéressante pour les uns, une nécessité historique pour les plus lucides et une simple chimère pour les autres. Cest que la région est traversée par des courants bien contradictoires. Dun côté, nul ne peut nier lexistence dun processus de modernisation et dintégration des valeurs universelles, bien réel, mais en concurrence avec un réflexe de repli identitaire lui aussi complexe et tortueux. Ces sociétés développent des antagonismes multiples. Dabord, entre elles. Les nationalismes et leur entrechoc, bien que déclinants, ont laissé des traces, des atavismes, dont le plus symptomatique est le différend historique maroco-algérien. Depuis le début, l'Algérie, à travers son protégé, le polisario, veut étendre son influence à lAtlantique et affaiblir ainsi son éternel rival du Maghreb, le Maroc. Ensuite, les liens avec lEurope sont compliqués et souvent passionnels. LAlgérie et la France, le Maroc et lEspagne forment des couples très particuliers, où les liens réels et les intérêts communs si évidents laissent souvent place à des résurgences du passé, sous forme de crises passionnelles, latentes ou déclarées. Les raisons historiques sont connues : la colonisation et la guerre de libération pour lAlgérie ; quatorze siècles dhistoire commune entre le Maroc et lEspagne. De lAndalousie à Sebta et Melilia, ces deux nations ont des destinées croisées, mêlées, pour le meilleur et pour le pire. Pourtant, des deux rives de la Méditerranée, on sait que lavenir est à la coopération. LEurope compte sur la rive sud et son nécessaire développement comme un approfondissement de son propre marché. Elle sait aussi que sa sécurité, face au terrorisme et aux trafics de tous genres dépend de ce qui se passe dans cette région. En attendant une intégration régionale, même à lheure de la mondialisation, les riverains du sud de la Méditerranée sont totalement dépendants de lEurope pour leur développement. Cette réalité de linterdépendance simpose à tous et rend ridicules les fameuses crises durticaires. Mais au-delà, cest au niveau des valeurs que lon est en droit de faire preuve doptimisme. Dans les pays du sud, malgré les atavismes culturels, il est clair que les choix de démocratie, de tolérance et douverture sont ceux de la frange la plus importante de la société. Les apparences sont trompeuses, lintégrisme et son fils naturel, le terrorisme, sont une réaction à la modernité, pas sa négation. Ce phénomène qui sappuie sur des faits locaux et internationaux nest quune convulsion au regard de lhistoire. Les sociétés sont réellement traversées par la volonté daccès à la modernité. Cest par le développement et la démocratisation que cette région contribuera à la paix dans le monde, pas par lexacerbation des nationalismes. Cela nest pas un vu, cest une réalité historique. Sans la démocratie et sans le développement, ces sociétés continueront à secréter des terreaux pour le terrorisme islamiste. En Algérie, où toutes les élections sont truquées par un pouvoir qui a imposé une amnistie pour les assassins, sans pour autant éradiquer le terrorisme, le président Bouteflika veut à tout prix saper le processus onusien de règlement du conflit du Sahara, véritable frein à lintégration de la région. Avant nimporte quel acte dunification, la pression en faveur de la démocratie en Algérie doit être plus conséquente. Dabord par la dénonciation sans équivoque, y compris officielle, de toute violation des droits de lhomme sur son territoire, Tindouf en loccurrence. Ensuite par létablissement dun lien entre celle-ci et toute aide économique et, enfin, par un soutien affiché aux forces démocratiques algériennes. Est-ce trop demander ?