La mort dans le métro de Moscou, à l'heure de pointe. Elle avait le visage d'une jeune fille. A peine vingt ans, des yeux marron, des pommettes hautes. Et une bombe qu'elle a fait sauter au milieu des autres voyageurs. On a retrouvé sa tête sur le quai. Trois jours après, le groupe djihadiste de Dokou Oumarov, alias Abou Oussman revendiquait les deux attentats suicide de Moscou. « Lémirat du Caucase » sest fait une spécialité d'enrôler les femmes pour servir de bombes humaines. C'est contre-nature ? Justement ! L'image des terroristes avec le voile islamique et les ceintures d'explosifs qui avaient pris tout un théâtre moscovite en otage en 2003 a fait le tour du monde et traumatisé les Russes pour longtemps. Les terroristes sont des metteurs en scène. Ils veulent attirer l'attention et choquer les foules. A Moscou, ils ont bien choisi la date et la cible. Ils ont frappé au début de la Semaine sainte qui est la plus grande fête des chrétiens orthodoxes. Et ils ont fait sauter les bombes dans les deux stations qui desservent le cur de lEtat, notamment la Loubianka où siègent depuis Lénine les services secrets et dont le nom suffisait à faire blêmir de peur tous les soviétiques. Les Russes appellent ces femmes-kamikazes des «veuves noires». Les rebelles préfèrent parler des «Fiancées d'Allah» et le principal centre dentraînement où elles sont formées à appuyer sur le détonateur est désigné comme « Le jardin des vertueux »... Les metteurs en scène aiment la poésie. Nord-Caucase rime aussi avec Kamikaze. Mais derrière ces mots fleuris, la réalité savère sordide. On imagine des rebelles fanatisés. On sillusionne encore. Une enquête très fouillée a révélé que seulement une candidate à lattentat suicide sur dix était motivée par l'idéal. Les neuf autres sont manipulées par un chef qui les contrôle, souvent les drogue avec des psychotropes et se cache derrière elles, comme les proxénètes le font avec les prostituées. Les deux kamikazes ont entrainé dans la mort 37 passagers et envoyé à l'hôpital une soixantaine de blessés graves. Excepté pour ces malheureux, le spectacle est terminé. Douze heures après le carnage, les deux stations de métro avaient rouvert leurs portes et les caméras de surveillance montraient les passagers se pressant dans les wagons, indifférents aux traces de sang sur le plafond de la station ou aux éclats sur les murs. Chacun éprouve de la colère ou de la peur, mais la foule est fataliste. Le Kremlin annonce un tour de vis. Les experts politiques sinterrogent pour savoir si Vladimir Poutine sera affaibli par ce regain dinsécurité et si Dimitri Medvedev peut en tirer avantage. Dautres spéculent sur le tour de vis promis par le Kremlin et les conséquences pour le Caucase. En cherchant ainsi à comprendre, on raisonne sur du sable. Le terrorisme est un spectacle obscène, adapté à la télévision. Ne signifiant rien dautre que le chaos, il reste profondément absurde. Tout comme le suicide de deux jeunes filles, un matin de printemps.