La guerre contre Daesh demandera du temps. Et ce temps, le mal-nommé et auto proclamé Etat islamique en dispose. Beaucoup moins la trentaine de pays de la coalition internationale menée par les Etats-Unis, dont les opinions publiques sont toujours impatientes. Dans l'immédiat, le combat lancé contre Daesh en Irak et en Syrie a deux objectifs clairement affichés. Le premier est militaire. Il s'agit d'arrêter la fulgurante progression du groupe djihadiste dont les brigades se déplacent du nord-est de l'Irak, en territoire kurde, aux confins de l'Iran, jusqu'au nord de Bagdad, vers le sud. A l'ouest, Daesh occupe partiellement le terrain jusqu'aux environ d'Alep, poussant des pointes vers la frontière turque. Le second objectif est beaucoup plus difficile à réussir. Comment détruire ce projet attractif de califat proposé par Daesh ? Il attire comme un aimant des milliers de jeunes musulmans de plus ou moins fraîche date, venus des pays arabes mais aussi d'Europe et d'Amérique. Certains sont des Occidentaux qui, il y a dix ans encore, n'étaient ni musulmans ni nés dans des familles originaires du monde arabe. D'où le grand désarroi des responsables de la coalition, y compris ceux venus du Moyen-Orient : la Jordanie, l'Arabie Saoudite, le Koweït, les Emirats arabes unis et le Qatar. Sur le terrain, rien n'est simple. En Irak, les frappes américaines commencées le 8 août, ont obligé Daesh à reculer dans plusieurs endroits, en particulier au Kurdistan. Washington a reçu le renfort de l'aviation française à la mi-septembre et des Britanniques le 30. Paris et Londres se cantonnent au territoire irakien, frappent les bases arrières djihadistes, les puits de pétrole qui lui permettent de se financer. Parallèlement, la France livre des armes aux combattants kurdes. Les peshmergas, en première ligne contre Daesh, ont commencé à regagner le terrain perdu et évité la chute d'Erbil, la capitale. En Syrie, le tableau semble plus nuancé. Seules les Américains et les pays arabes interviennent. Mais dans ce pays, chacun semble avoir son agenda diplomatique. Les Occidentaux ne veulent pas renforcer le régime de Bachar el- Assad. Paris envoie ainsi depuis un an, des armes aux rebelles de l'opposition démocratique qui se battent contre Daesh et l'armée. Mais alors que l'aviation syrienne évite de bombarder les djihadistes et s'en prend aux seuls rebelles, les Américains, en opération, sont soucieux de ne pas croiser les avions syriens. Y a-t-il un accord entre eux ? Probablement pas. Une coordination ? C'est inévitable. Et c'est du pain bénit pour Damas. Les seuls perdants ? La population. Ainsi à Kobane, ville kurde à la frontière de la Turquie. Assiégée par Daesh, elle est abandonnée de tous. De la coalition qui ne bombarde pas les djihadistes, mais leurs infrastructures sur l'arrière. Des Turcs qui ne veulent pas soutenir les Kurdes syriens de l'YPG qui se battent dans Kobané, mais qui sont proches du PKK turc, l'ennemi d'Ankara et des Américains qui ont inscrit leur mouvement sur leur liste noire. Pour la Turquie, le souci numéro un est d'éviter une modification de sa frontière sud et la création d'un Kurdistan syrien qui viendrait renforcer le désir d'autonomie, voire d'indépendance de « ses » Kurdes. Daesh n'est soudain plus une priorité ❚