L'avance vers Bagdad des djihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) sème la panique au Moyen-Orient. Elle commence à modifier les frontières dessinées par les accords Sykes-Picot de 1916, à la fin de l'empire ottoman, entre la France et la Grande-Bretagne. Ce bouleversement peut-il faire éclater l'Irak ? Le morcellement de l'Irak, comme celui de la quasi-totalité des pays du Moyen-Orient était le rêve des néo-conservateurs américains lors de la guerre du Golfe. Il semblait abandonner, mais sur le terrain, tant les djihadistes que les Kurdes, ont intérêt à le réactiver. Les djihadistes de l'EIIL ont un souhait : instaurer un « califat islamique » qui engloberait la région sunnite de l'Irak, celles de la Syrie et du Liban. Créé en Irak en 2006, l'EIIL a envoyé des hommes se battre en Syrie contre Bachar el-Assad, l'Alaouite, et a reçu le renfort d'opposants syriens et de nombreux étrangers. D'ores et déjà, l'EIIL a détruit les postes frontières entre la Syrie et l'Irak, pour marquer sa volonté d'unir les deux pays. Un souhait partagé – sans le dire – par les Kurdes dont les populations vivent à cheval entre le nord-est de la Syrie et le nord de l'Irak. Ils rêvent, eux aussi, de constituer une vaste zone autonome – pour l'instant – qui pourrait rassembler une majorité des Kurdes. A l'extrême nord de l'Irak, la frontière a, là aussi, disparu. Et les peshmergas, les soldats kurdes d'Irak, de bons guerriers, qui ont arrêté l'avancée des djihadistes au Kurdistan irakien, ont reçu le renfort de Kurdes syriens de l'YPG, la branche armée du parti de l'Union démocratique, proche du PKK turc. A la frontière syro-irakienne, les combats entre Kurdes et djihadistes, avaient commencé l'été dernier. Il est évident que les Kurdes entendent tirer parti de cette situation pour renforcer leur autonomie et élargir leur territoire. Ils se sont désormais maîtres de Kirkouk, après en avoir chassé les djihadistes. Ville disputée entre Bagdad et les Kurdes, Kirkouk (officiellement en dehors de la zone autonome kurde) mais berceau de leur culture et de leur identité, est assise sur d'immenses gisements de pétrole. Les Kurdes ne quitteront plus Kirkouk. Dans l'immédiat, contre l'EIIL, nul n'y trouve à redire. Outre les Kurdes, cet imbroglio moyen-oriental fait le bonheur des Iraniens. Ainsi, les ennemis d'hier – les Etats-Unis et l'Iran – se parlent en envisageant de se battre côte à côte, contre l'ennemi commun djihadiste. Un bateau de guerre américain est arrivé dans le golfe Arabo-persique tandis que 5000 jeunes volontaires iraniens ont passé la frontière, probablement suivis (ou précédés) par de moins officiels conseillers militaires de la force Al Qods dont le général en chef est déjà à Bagdad. Si l'Iran est inquiet de la situation, elle voit aussi, comment elle peut en tirer profit et revenir officiellement dans le jeu régional. Ni Téhéran ni Washington ne veulent l'éclatement de l'Irak et l'instauration d'un « califat sunnite », fief du terrorisme. Les deux pays souhaitent que les Irakiens chiites, majoritaires, gardent le pouvoir à Bagdad, mais ils reprochent à l'ex- Premier ministre, Nouri al-Maliki, de ne pas l'avoir partager avec les sunnites. Américains et Iraniens redoutent un conflit confessionnel qui mettrait le feu à toute la région. La réconciliation irano américaine est en route pour l'éviter. Au grand dam de l'Arabie Saoudite ❚