L'inflation en zone euro a diminué de façon inattendue, à 0,5% le mois dernier, intensifiant la pression sur Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, pour agir contre la menace croissante de la déflation. La mesure de l'inflation est bien inférieure à l'objectif de la BCE d'un peu moins de 2% et sur un pied d'égalité avec celle du mois de mars, lorsqu'elle a atteint son plus bas niveau depuis l'automne 2009. Pour y remédier, Draghi a décidé une mesure inédite en pratiquant un taux d'intérêt négatif. Outre son principal taux directeur, celui auquel se refinancent les banques à ses guichets, abaissé à 0,15% (contre 0,25%), un nouveau plus bas historique, l'institution monétaire de Francfort a baissé son taux de prêt marginal à 0,40% (contre 0,75%). Hervé Amourda, économiste à la Société Générale, a déclaré que la lecture de l'inflation « renforce notre appel à une action audacieuse par la BCE ». L'ambiance à Francfort contraste avec le débat tenu au Royaume-Uni, où la Banque d'Angleterre a commencé à discuter de la hausse des taux après avoir constaté que la reprise économique avait gagné du terrain en Grande Bretagne. L'économie de la zone euro a à peine cru au premier trimestre. Et la dernière déception sur l'inflation alimentera les préoccupations exprimées, la semaine dernière par Draghi, sur une spirale négative de pressions sur les prix et de resserrement du crédit. Une telle séquence d'événements pourrait entraver la reprise économique naissante de la région en sapant la demande et en augmentant le fardeau de la dette dans la périphérie du bloc. Quant aux achats d'actifs à grande échelle, ou l'assouplissement quantitatif (QE) ils ne sont pas dans l'ordre du jour ce moisci. Mais vu que la BCE est déterminée à épuiser tous ses outils classiques pour lutter contre la déflation, des analystes se demandent si M. Draghi n'indiquerait pas que la banque centrale était prête à aller plus loin. Ken Wattret, économiste chez BNP Paribas, a déclaré qu'il y avait de fortes chances que M. Draghi renforce sa rhétorique : «Même si la BCE est réticente à opter pour un QE à ce stade, les surprises persistantes d'une inflation descendante sont d'excellents arguments pour prendre clairement position en sa faveur ». Avec autant d'inflation en zone euro, liée à l'appréciation de l'euro, certains analystes pensent que les membres les plus bellicistes du conseil des gouverneurs vont essayer de tenir bon sans QE jusqu'à ce que la Réserve fédérale américaine commence à débattre de la hausse des taux. Le débat sur la hausse des taux aux Etats-Unis « devrait affaiblir l'euro face au dollar », soutient Jörg Krämer, chef économiste à la Commerzbank, et « fermer la porte de la zone euro au QE ». La Fed devrait mettre fi n à son programme d'achats d'actifs à l'automne, mais la plupart pensent qu'elle ne fera que relever les taux vers le milieu de 2015. L'euro a reculé contre le dollar après la publication du chiffre de l'inflation, mais à la fin de l'après-midi à Londres il a augmenté de 0,2% à $ 1,3623. L'inflation de mai devait être globalement en ligne avec celle d'avril, soit 0,7% ❚