Des avancées fragiles En trente ans, plus de 60 pays ont libéralisé leur législation sur l'avortement et renforcé les protections juridiques des femmes. Pourtant, ces progrès sont lents, inégaux et de plus en plus menacés. C'est ce que révèle un récent rapport d'Equality Now qui alerte par rapport aux attaques répétées contre les droits sexuels et reproductifs des femmes. « Le Programme de Beijing, adopté en 1995 par 189 pays, fixait l'objectif d'abroger toutes les lois discriminatoires fondées sur le sexe. Trente ans plus tard, aucun pays n'a atteint la pleine égalité juridique », déplore le rapport. Les recherches d'Equality Now montrent en effet que les femmes restent exposées à des discriminations systémiques, notamment dans les politiques publiques et les pratiques culturelles. Pire encore, certains gouvernements opèrent un véritable retour en arrière en affaiblissant les protections existantes. Un recul alarmant Equality Now pointe du doigt une marche arrière et des lois régressives limitant les droits des femmes dans plusieurs pays. « En Afghanistan, les Talibans ont interdit aux femmes l'accès à l'éducation et au travail. En Iran, celles qui s'opposent aux lois discriminatoires sont réprimées, emprisonnées et parfois tuées. En Amérique latine, des législations régressives sont à l'étude en Bolivie et en Uruguay, menaçant la protection des victimes de violences sexuelles », cite le rapport. Droits sexuels en danger Les droits sexuels et reproductifs sont aussi sous attaque. En Pologne, l'avortement est quasi-totalement interdit depuis 2021. Aux Etats-Unis, la Cour suprême a révoqué le droit constitutionnel à l'avortement en 2022, ouvrant la voie à sa criminalisation dans 14 Etats. En République dominicaine, un projet de loi maintient l'interdiction totale de l'avortement et affaiblit les sanctions contre la violence sexuelle conjugale. D'après le même rapport, les femmes, dans plusieurs pays, restent soumises à des lois qui leur sont expressément discriminatoires. « Au Soudan et au Yémen, la loi impose l'obéissance des épouses à leur mari. En Arabie saoudite, le refus de relations sexuelles ou de voyager avec son mari peut priver une femme de soutien financier. Le viol conjugal reste légal dans certains pays comme l'Inde et les Bahamas. Au Koweït et en Libye, un violeur peut échapper à toute sanction en épousant sa victime », énumère le rapport. Sur le plan économique, l'accès des femmes à l'emploi et à l'indépendance financière est encore restreint. Au Cameroun, un mari peut gérer et vendre les biens de son épouse sans son consentement. En Russie, Madagascar et Kirghizistan, certaines professions restent interdites aux femmes, ajoute l'organisation de droits humains. Mariage des enfants, la tare « Le mariage précoce reste une réalité dans 139 pays » constate le rapport. Aux Etats-Unis, aucun cadre fédéral ne l'interdit et 37 Etats permettent encore le mariage des mineurs. La pauvreté et les crises climatiques exacerbent ce phénomène : en Ethiopie, après la sécheresse de 2022, le taux de mariage précoce a doublé en un an. « Toutefois, certains pays avancent dans la bonne direction. La Colombie, Cuba, la République dominicaine, la Sierra Leone et la Zambie ont adopté des lois interdisant le mariage des enfants de moins de 18 ans, sans exception », rassure l'ONG. Un appel à l'action Si des progrès ont été réalisés, ils restent fragiles et menacés, s'inquiète-t-on auprès d'Equality Now qui estime que la lutte pour l'égalité juridique et sociale des femmes doit rester une priorité mondiale. « L'élimination des lois discriminatoires est une responsabilité fondamentale des gouvernements. Les Etats doivent réviser d'urgence leurs législations et renforcer les protections juridiques pour garantir l'égalité des sexes dans les Constitutions » conclut le rapport d'Equality Now.