Intitulé « Entreprises agricoles et agroalimentaires au Maroc : Un continuum de violations et de respect des droits humains », ce nouveau rapport est le résultat d'une recherche scientifique menée dans le cadre d'un partenariat entre le RSSI et Avocats Sans Frontières (ASF). RSE ? L'étude souligne en effet l'absence d'un engagement systématique des entreprises en matière de droits humains. En dépit des normes nationales et internationales, la conformité reste souvent de façade, dictée par les exigences des marchés et des labels de certification plutôt que par une véritable volonté de changement, note le rapport. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) demeure largement une démarche marketing, tandis que la responsabilité des entreprises en matière de droits humains (REDH) peine à s'imposer comme un impératif. « Malgré les engagements nationaux et internationaux en matière de RSE/CRE, des difficultés persistent. L'intégration effective du respect des DH, conformément aux Principes Directeurs des Nations Unies, demeure un défi majeur. Les mécanismes de régulation et de gestion des ressources naturelles ou matérielles, ainsi que les externalités sociales et environnementales associées, restent insuffisants. De surcroît, le cadre institutionnel manque de clarté quant aux rôles et prérogatives des différents acteurs », notent les auteurs du rapport. Violations multiples Parmi les infractions les plus fréquentes relevées par le rapport : Les salaires en dessous du minimum légal, les conditions de travail précaires, le non-respect des normes de sécurité et les restrictions à la liberté syndicale. Les ouvriers, et en particulier les ouvrières, sont les plus touchés, notamment celles travaillant dans l'intérim et la sous-traitance, ajoute le rapport. La surexploitation des ressources naturelles, en particulier de l'eau, est également pointée du doigt, certaines entreprises opérant sans réel contrôle environnemental. Le rapport met en lumière une législation marocaine qui, bien que relativement avancée, reste inégalement appliquée. « Les inspections du travail sont rares et les sanctions en cas de violations demeurent faibles » déplore l'étude. Selon cette dernière, le manque de volonté politique, combiné à des pratiques de connivence entre certains acteurs économiques et l'administration, freine toute avancée significative. Connivence ? « La prévalence des violations des droits humains et l'inefficacité des mécanismes de prévention s'expliquent également par des facteurs structurels. Le capitalisme de connivence, marqué par des alliances entre élites économiques et politiques, freine l'application effective des réformes légales et socioéconomiques », détaille le rapport. L'étude rappelle que la pression ne vient pas uniquement de l'intérieur. L'Europe, principal marché d'exportation du Maroc, adopte des normes de plus en plus strictes en matière de droits humains et environnementaux, à l'image de la directive européenne sur le devoir de vigilance. Cette dernière pourrait contraindre les entreprises marocaines à se conformer à des exigences plus élevées sous peine d'exclusion de certains marchés. Nouvelles pistes Pour inverser la tendance, le RSSI et ASF plaident pour un renforcement des contrôles et des sanctions, ainsi qu'une meilleure structuration du dialogue social. Une réglementation plus contraignante, assortie de mesures incitatives pour les entreprises vertueuses, pourrait permettre une véritable transformation du secteur agricole et agroalimentaire marocain. En attendant, les travailleurs restent les premières victimes de ce système, pris entre précarité et manque d'alternatives. Une situation qui, selon les auteurs du rapport, ne pourra évoluer qu'avec une volonté politique forte et une pression accrue des acteurs internationaux et de la société civile.