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Gouvernance : La RSE, instrument de compétition
Publié dans Finances news le 27 - 02 - 2014

Tarik El Malki, professeur universitaire et membre du Centre marocain de conjoncture, vient de consacrer un ouvrage à la notion de responsabilité sociale de l'entreprise, et son application au paysage économique marocain. Il revient pour nous sur les principaux enseignements de cette étude.
Finances News Hebdo : Quels sont les fondements théoriques de la RSE ? Pourquoi ce concept a pris autant d'importance ces dernières années ?
Tarik El Malki : La notion de Responsabilité sociale des entreprises (RSE) qui est la prise en compte par les entreprises de l'impact social et environnemental de leurs activités est une notion qui ne cesse de prendre de l'importance depuis plusieurs décennies, plus récemment dans le contexte des pays émergents du Sud. Un nouvel ordre économique et social est en marche, caractérisé par une volonté de circonscrire les externalités négatives liées à une mondialisation effrénée car non régulée. En effet, la mondialisation néolibérale, l'histoire l'a montré, n'a entraîné ni de gains en termes de démocratie, ni une plus juste répartition des richesses. Au contraire, nous constatons cette dernière décennie une augmentation de la pauvreté, de la pollution, des inégalités, de l'injustice ou même des guerres et catastrophes naturelles. De nombreux groupes de pression accusent ainsi les firmes multinationales, bras armés de cette mondialisation, des pires maux, parfois avec une certaine exagération. Mais force est de constater, qu'en l'absence de toute forme de réglementation internationale, celles-ci se sont livrées à de trop nombreux excès en matière d'exploitation abusive des ressources naturelles des pays du Sud notamment, de violations des lois en termes de conditions de travail, d'absence de protection sociale pour les travailleurs etc. Il est indéniable que la manière dont est gérée cette mondialisation doit changer. L'enjeu est de transformer et d'aider à la mutation structurelle du processus de mondialisation afin de l'humaniser et de l'adapter aux nouvelles valeurs et attentes des sociétés modernes. Dans ce contexte, les multinationales devront contribuer à la mise en place et au respect d'un quadruple contrat : un contrat social (redresser les déficits démocratiques), un contrat environnemental (respecter la nature et la biodiversité), un contrat culturel (sauvegarder les particularités des groupes humains) et un contrat moral (sauvegarder les grandes valeurs morales communes à l'humanité).
C'est ainsi que progressivement une nouvelle approche est en train de voir le jour. Une approche plus participative, plus sociale, plus juste, qui veille à intégrer l'ensemble des parties prenantes dans la prise de décision des entreprises. C'est la vision partenariale défendue, entre autres, par le professeur de stratégie Michael Porter. Elle se base sur une réflexion sur ce que doit être une entreprise moderne à l'aube du 21ème siècle. Celle-ci doit être un lieu de convivialité, d'échange, où tout un chacun est respecté et valorisé à sa juste valeur, un lieu où la richesse est répartie de manière juste et équitable au niveau de l'ensemble des parties prenantes. Il faut en finir avec cette vision classique de l'économie qui stipule que le seul et unique objectif des entreprises est de maximiser la richesse des actionnaires. Cette vision, qui prévaut depuis les années 1980 et qui s'inscrit dans le sillon des politiques néolibérales mises en place aux Etats-Unis et en Angleterre notamment, a pris fin avec la crise de 2008.
Ainsi, la RSE s'inscrit en totale rupture avec la vision précédente. C'est un nouveau paradigme, une nouvelle manière de voir le monde. Elle implique un changement de mentalité radical pour les firmes multinationales (FMN) qui doivent veiller désormais à faire évoluer leur système de gouvernance vers plus de transparence notamment, à assurer des conditions de travail décentes à leurs employés ainsi que la protection sociale, à respecter l'environnement dans les pays où elles opèrent, à respecter les droits des consommateurs, des fournisseurs, des communautés locales etc.
F. N. H. : Quel est l'état des lieux de la RSE au Maroc ?
T. E. M. : Il existe au Maroc depuis plusieurs années une prise de conscience croissante de cette notion de RSE de la part des principaux acteurs (Etat, syndicats, patronat etc.). S'agissant tout d'abord des pouvoirs publics, l'Etat marocain, sur le plan social, a progressivement mis en place, depuis le début des années 1990, une nouvelle culture qui est basée sur le dialogue, la concertation et le compromis entre les principaux partenaires sociaux que sont le gouvernement, le patronat et les syndicats. Un comité de suivi du dialogue social avait même été créé au milieu des années 1990. Cette démarche a été favorisée par une longue histoire syndicale spécifique à notre pays. Cette approche a notamment permis l'adoption en 2004 d'un nouveau Code du travail qui, tout en favorisant une certaine flexibilité du marché du travail permet également la protection des salariés à travers de nouveaux droits (notamment les femmes).
S'agissant du patronat ensuite, la CGEM a, en 2006, lancé la Charte de la RSE qui reprend neuf grands principes directeurs, à savoir le respect des droits humains, l'amélioration des conditions d'emploi, la protection de l'environnement, la prévention de la corruption, le respect des règles de la saine concurrence, le renforcement de la bonne gouvernance, le respect des clients et des fournisseurs, et l'engagement social. Dans la continuité de cette Charte, la CGEM s'est engagée dans la création d'un label dont le référentiel s'inspire des axes et objectifs de ladite Charte. A ce jour, plus de 80 entreprises sont labellisées avec une accélération de la tendance ces dernières années. Parmi elles, nous pouvons citer Maroc Telecom, Lafarge, Stokvis, groupe Delassus, Cosumar etc. Une autre initiative intéressante émane de l'institut Vigéo, organisme de notation sociale basé au Maroc. Ce dernier a mis en place un indice de performance sociale pour les entreprises cotées à la Bourse de Casablanca. Cet indice classe les entreprises en fonction de leur performance sociale et environnementale.
Les raisons du renforcement de l'engagement social et environnemental de la part des entreprises marocaines sont multiples. En premier lieu, il y a l'évolution du contexte international et régional, qui voit augmenter une forte demande des opinions publiques des pays en termes de reddition de compte, de transparence dans les pratiques des affaires, de lutte contre la corruption, le népotisme et le clientélisme. Les exigences en termes de renforcement des droits, économiques et sociaux notamment, expliquent aussi en partie ce phénomène. Mais à mon sens, la principale raison est économique. En effet, le Maroc a fait le choix de l'ouverture commerciale à travers la signature de nombreux accords de libre échange (ALE) avec notamment l'Union européenne, les Etats-Unis, ou encore la Turquie. Ceci implique que les firmes marocaines, si elles veulent tirer profit des importantes opportunités économiques qui se dégagent de ces accords, doivent fortement renforcer leur compétitivité prix mais aussi hors prix. Cette dernière intègre des critères qui sont davantage liés au renforcement de la qualité des produits commercialisés, à savoir la recherche et développement, l'innovation mais également le respect des normes sociales et environnementales. Ceci implique, toute chose étant égale par ailleurs, que les entreprises les plus compétitives à l'export seront celles qui seront en mesure de respecter ces normes (à travers les certifications ISO 9001, ISO 14.001, etc.). Il ne faut pas perdre de vue que l'UE, afin de protéger ses marchés de la concurrence de produits venant d'autres pays, impose un certain nombre de normes particulières qui jouent le rôle de barrières à l'entrée. La RSE devient donc un instrument de compétition entre les firmes désirant s'internationaliser.
F. N. H. : Votre étude cherche à établir une relation entre la performance sociale de l'entreprise (PSE) et sa performance financière (PF). L'investissement des entreprises dans des actions sociétales est-il économiquement payant ?
T. E. M. : La nature de la relation PSE/PFE présente un intérêt académique évident mais elle recèle également des enjeux managériaux importants. En effet, lorsque la direction d'une entreprise fait face à des pressions sociales importantes afin d'investir dans des programmes de RSE, celle-ci doit justifier auprès de ses actionnaires la pertinence et l'opportunité de ces actions en termes d'impacts économiques surtout. En d'autres termes, la firme en question doit présenter son business case qui constitue la justification économique des investissements en RSE qui découle des bénéfices attendus de ces politiques et programmes. L'objectif pour le management de la firme est de véritablement chercher à comprendre comment et pourquoi un engagement social de la firme peut contribuer à améliorer la PFE.
Tout d'abord, la PSE exerce une influence certaine sur la réputation de la firme et lui confère donc la légitimité nécessaire dont elle aura besoin dans l'implantation de ses projets socialement responsables. Ensuite, la PSE peut biaiser le jeu concurrentiel au sein d'un marché donné en contribuant soit à augmenter les coûts d'entrée sur ce marché, soit à élever les standards sociaux en matière, par exemple, de réglementation du travail, sanitaire, ou de l'environnement. La PSE peut également envoyer un signal positif quant à la qualité des emplois offerts dans une firme; ce qui peut augmenter l'attractivité d'une organisation auprès d'employés potentiels. De plus, par le renforcement du caractère distinctif du positionnement d'un produit, la PSE peut jouer un rôle important dans le processus d'achat des consommateurs; celle-ci sera notamment perçue par ces derniers comme un attribut important spécifique du produit et contribuer ainsi à l'augmentation du chiffre d'affaires de la firme.
La PSE peut également jouer le rôle de maîtrise des risques. En effet, d'après un certain nombre d'études empiriques, les firmes les plus performantes socialement sont aussi celles qui présentent le niveau de risque le plus faible. De plus, la PSE peut contribuer à diminuer les coûts et accroître l'efficience des processus de production, en particulier dans le domaine de l'environnement. Enfin, la PSE peut aussi être un outil de gestion des ressources humaines dans la mesure où il peut exercer une influence sur les perceptions des employés quant à leur satisfaction au travail, leur engagement au travail, le partage de valeurs communes (sentiment d'appartenance à un groupe), etc.
F. N. H. : Comment inciter les firmes marocaines à institutionnaliser la RSE en tant que politique ? De quels outils disposent-elles ?
T. E. M. : Les résultats obtenus par notre étude montrent que, de manière générale, l'implication sociale et environnementale des entreprises marocaines, même si la dimension «facteur humain» prend le pas sur les autres, reste insuffisante. Aussi, une prise de conscience doit se faire rapidement. Ce qui implique un changement de mentalités mais également des incitatifs pour les entreprises, du moins à court terme. Pour ce faire, il existe un certain nombre d'opportunités d'actions à explorer.
En premier lieu, les autorités publiques pourraient prendre des initiatives afin de légiférer, par exemple, en matière de clauses éthiques dans les achats publics; elles pourraient également légiférer en utilisant des stimulants fiscaux et autres en faveur du développement écologique et social. L'Etat peut aussi agir en amont par une intégration des questions éthiques dans l'enseignement, tant au niveau des élèves du cycle primaire qu'à celui des étudiants. L'Etat doit également octroyer des moyens financiers aux ONG spécialisées dans le développement durable. Enfin, l'Etat doit montrer l‘exemple et s'engager en tant que consommateur responsable. Il en va de même pour les collectivités locales en ce qui concerne ce dernier point. En second lieu, les fédérations d'entreprises et autres associations professionnelles devront prendre des initiatives afin de répandre la connaissance des bonnes pratiques et faire connaître l'existence de modèles. Elles devront contribuer à créer la confiance entre les entreprises et les parties prenantes en mettant en place des initiatives ciblées comme les codes de bonne conduite par exemple. Enfin, ces fédérations devront rechercher et répandre les opportunités économiques de la RSE. S'agissant des organisations spécialisées, elles pourraient par exemple travailler à la définition de la terminologie et d'indicateurs adaptés aux différentes situations socioéconomiques; en plus de continuer à informer sur les impasses écologiques et sociales, et de sensibiliser les consommateurs individuels et institutionnels. Enfin, les grandes organisations de protection des consommateurs pourraient ajouter des critères éthiques dans leurs analyses de produits. D'autres groupements, comme les organisations syndicales, ont aussi la responsabilité d'engager des démarches d'information et de sensibilisation vers leurs membres.


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