Le secteur du bâtiment représente près de 40% de la consommation d'énergie, et est responsable de 36% des émissions CO2 dans la région de la méditerranée. Il est donc censé que les experts de l'énergie se focalisent sur ce secteur pour optimiser les économies d'énergie. D'ailleurs, le sujet a été au centre des débats à l'occasion de la deuxième édition de la semaine du MeetMed tenue à Marrakech du 9 au 12 mai. Selon Saïd Mouline, directeur général de l'AMEE, l'efficacité énergétique dans ce secteur devient aujourd'hui cruciale surtout que le changement climatique, impacte fortement la consommation de l'énergie (climatisation/chauffage...). Il précise à l'Observateur du Maroc et d'Afrique que tous les bâtiments sont concernés : bâtiments de services et ceux résidentiels. Une priorité marocaine mais aussi régionale L'amélioration de l'efficacité énergétique dans secteur figure en tête des priorités majeures du projet MeetMed II. Financé par l'UE et développé par MEDENER et le RCREEE, l'objectif, d'après le directeur exécutif du RCREEE, Jaouad El Kharraz est d'identifier les mesures actuelles d'EE mises en œuvre dans le secteur du bâtiment dans les pays cibles, à savoir, l'Algérie, l'Egypte, la Jordanie, le Liban, la Libye, le Maroc, la Palestine et la Tunisie, avec un intérêt particulier pour les codes de rendement énergétique applicables dans le domaine. Il s'agit également de mettre l'accent sur les principaux défis rencontrés et conclure avec une série de recommandations pour encourager et promouvoir aussi l'usage des équipements électroménagers performants et économes en énergie. Le projet s'étale sur 42 mois jusqu'à la moitié de l'année 2024. L'événement a été ainsi l'occasion pour les pays de la méditerranée de partager leurs expériences dans le domaine. Au Maroc, le secteur du bâtiment est parmi les secteurs les plus énergivores au Maroc avec une consommation énergétique allant jusqu'à 33% répartie en 7% pour les bâtiments tertiaires et 26% pour les bâtiments résidentiels. Cette consommation est sujette d'augmentation vu la croissance démographique, la création de nouvelles villes et l'utilisation soutenue de systèmes de climatisation et de chauffage que connaît le pays. Selon l'AMEE, le secteur représente à lui seul un potentiel d'économie d'énergie de 40%. Dans cette perspective et afin d'instaurer un cadre réglementaire et normatif régissant la performance énergétique dans le secteur du bâtiment, une réglementation thermique de la Construction au Maroc (RTCM) existe depuis 2015 et exigé au niveau des permis de construire. L'objectif étant d'introduire des exigences minimales que doivent respecter les bâtiments à usage résidentiel et tertiaire neufs en vue d'optimiser leurs besoins de chauffage et de climatisation tout en améliorant le confort thermique. Les bâtiments devront à cet effet, être conçues suivant des principes d'architecture tropicale pour limiter la demande énergétique en période d'intense chaleur et réduire l'usage de la climatisation. Les performances thermiques exigées, selon cette réglementation, diffèrent selon le type du bâtiment et selon la zone climatique ou il se trouve. Mouline note que le Maroc est ainsi divisée en 6 zones climatiques : Agadir, Tanger, Fès, Ifrane, Marrakech et Errachidia. Sur les avantages, il ajoute que cette stratégie permet une réduction des besoins de 39 à 64% dans le résidentiel et de 40 à 59% dans le tertiaire Pour faciliter l'étude de conformité des bâtiments résidentiels ou tertiaires à la RTCM, l'AMEE a conçu le logiciel Binayate (gratuit sur notre site Web) permettant de réaliser les études de conformité selon les deux approches performancielle et prescriptive. Ce logiciel est destiné aux ingénieurs, architectes, administrations, universitaires et professionnels du secteur du bâtiment. De l'avis de Philippe Masset, le directeur Europe et international de l'agence de la transition écologique (ADEME), il est urgent d'aborder le bâtiment sous l'aspect adaptation et reconstruire dans un milieu adapté et selon des normes capables d'atteindre les objectifs escomptés en matière d'efficacité énergétique. Il insiste par ailleurs sur le rôle du secteur privé dans ce processus avec l'introduction de solutions innovantes dans l'acte de bâtir. De son côté le représentant du Portugal, a mis en avant les mesures adoptés dans son pays dans ce domaine. «Nous ciblons plus les bâtiments de service que ceux relevant du résidentiel qui représentent plusieurs défis à surmonter », fait-il savoir précisant que la première catégorie représente 30% du total dans le pays. Selon le même expert, il est nécessaire de labelliser les bâtiments afin d'améliorer l'efficacité énergétique. La ville marocaine de Tata a réalisé de grandes avancées dans ce domaine. En tout cas c'est ce qu'a affirmé Aali Laghfiri, vice président de la commune de la ville qui a relevé que les professionnels du secteur recourent aujourd'hui aux matériaux de construction locaux, résistants à la chaleur et au froid. Un projet pilote a été déployé d'ailleurs au niveau du centre info énergie (CIE) qui d'après lui, est considéré comme un bâtiment bioclimatique. « L'ambition est de généraliser l'expérience au cours de la prochaine période », ajoute t-il. Ce que pourra gagner le citoyen Dans cette stratégie d'efficacité énergétique du secteur du bâtiment, le citoyen est aussi concerné. Les avis sont unanimes : le citoyen devra changer ses habitudes de consommation. Et pour cela, ils préconisent le recours à des campagnes de sensibilisation en vue de se débarrasser de touts les appareils électroménagers inefficients. Il est ainsi conseillé de revoir son système de chauffage et de climatisation et opter pour le matériel qui consomme le moins en termes d'énergie. Vu que les réfrigérateurs et les climatiseurs sont les plus énergivores, l'AMEE a développé des normes d'étiquetages énergétiques et les éléments techniques des MEPS (Minimum Energy Performance Standard) pour ces deux catégories de produits afin de diminuer la facture énergétique. Mouline estime qu'il faut aujourd'hui développer les bons reflexes. «Pour acheter une voiture, le citoyen opte pour celle qui consomme moins d'énergie. Pareil pour les autres appareils électroménagers, il faudrait choisir le produit le plus performant qui pourrait certes coûter plus cher, mais qui va s'avérer plutôt économique grâce à un simple calcul », préconise le professionnel. Concrètement, le patron de l'AMEE parle d'une économie qui pourrait atteindre jusqu'à 1,5 milliards de dollars pour le pays. «en 2022, la facture énergétique a frôlé la barre de 15 milliards de dollars. Si chacun réalise une économie de 1% cela veut dire une économie de 1,5 milliard de dirhams sur notre facture énergétique. Et si le taux est de 10%, ca serait l'équivalent de 1,5 milliards de dollars sans parler de l'impact sur nos émissions, nos engagements climatiques », détaille Mouline ajoutant que tout le monde pourra gagner en adoptant ce processus : l'Etat et le citoyen.