« Le taux de réussite de la grève à l'échelle nationale a dépassé les 99% », estime Amine Bouzoubaa, secrétaire général de la confédération des syndicats de pharmaciens du Maroc. Cette grève des pharmaciens de 24 heures, n'a pas été sans conséquences sur plusieurs malades. Rencontré devant l'une des pharmacies fermée pour cause de grève à Casablanca, un homme, la cinquantaine, partage avec l'Observateur du Maroc et d'Afrique sa frustration. «Je suis diabétique et j'ai plus de médicaments. Maintenant les pharmacies sont fermées. Que dois-je faire ? Rester sans médicaments est très dangereux pour ma santé », explique-t-il. Une autre femme, elle, la soixantaine a eu une crise d'asthme, elle a consulté le médecin et avait besoin de prendre un médicament qui ouvre les voies respiratoires. Malheureusement, pas de pharmacies. Pour elle, c'est la panique totale. «Comment je vais faire maintenant ? et si je crève qui s'occupera de mes enfants ? », s'interroge t-elle. La fermeture des pharmacies a créé un vrai mouvement de détresse chez de nombreux malades. Pour Bouzoubaa, les pharmaciens sont conscients de cela, mais n'ont pas eu le choix. Ils étaient obligés de passer par cette étape pour faire entendre leurs voix. Il ajoute que ce débrayage intervient alors à la suite de l'accumulation d'une série de problématiques dans le secteur et surtout le refus des autorités compétentes de tout dialogue avec les représentants de la profession afin d'engager les réformes indispensables au redressement de la profession. Ces doléances des pharmaciens Etape suivante ? «Nous voulons que la prochaine avec le ministre de tutelle soit plus sérieuse et qu'elle aboutisse à des solutions et réponses concrètes à notre dossier revendicatif », note le représentant des pharmaciens. Sur ce dossier revendicatif, il souligne qu'il comporte de nombreuses doléances dont la nécessité de respecter l'approche participative dans la prise de décisions, surtout celles liées à la profession et au médicament. « Le secteur est géré en l'absence de toute sorte de concertation avec la profession sur des sujets qui l'intéresse et avec une prise de décisions qui, dans la plupart du temps impactent lourdement les professionnels », déplore Bouzoubaa qui cite ici l'exemple de l'éventuelle réforme du décret relatif à la fixation des médicaments, recommandée par le rapport de la cour des comptes et qui se prépare, rappelle-t-il, sans concertation avec les représentants de la profession. « Nous sommes concernés par cette réforme d'où la nécessité qu'on prenne part aux concertations », fait-il savoir. Le professionnel met l'accent aussi sur la nécessité de faire respecter les lois et de stopper le circuit illégal des médicaments. « Les médicaments sont aujourd'hui vendus sur des plateformes numériques, chez certains médecins, par quelques cliniques, ...cela est illégal. Et il est temps de prendre ce sujet au sérieux », insiste t-il. Autre doléance et non des moindres : la rémunération des pharmaciens. Selon Bouzoubaa, certaines pharmacies sont au bord du gouffre. D'autres ont même jeté l'éponge. Le professionnel estime que « le 1/3 des pharmacies sont en faillite ». Solution ? «Il faut changer le modèle économique de la pharmacie. On ne peut plus vivre en totale dépendance de la marge des médicaments. Aujourd'hui, les prix des médicaments baissent et les revenus des pharmaciens se réduisent alors comme peau de chagrin. L'idéal serait d'innover et confier de nouvelles missions de santé aux pharmaciens tels que la vaccination, la prise en charge des malades chroniques, la téléconsultation médicale à distance...cela permettra aux professionnels d'augmenter leurs revenus », détaille Bouzoubaa. Les pharmaciens n'en peuvent plus. En l'absence de réponses concrètes à leurs revendications, ils promettent une escalade et prévoient même une deuxième grève de 48 heures dans les prochaines semaines.