« Lorsque le médecin m'a annoncé que j'ai un cancer de sein, j'ai vu mon monde s'écrouler. J'ai perdu tout goût à la vie et je voyais déjà ma mort. C'était pour moi la fin jusqu'à ce que j'empreinte ma voie de salut à Dar Zhor », raconte, le verbe ému, Hayat Moumen atteinte du cancer de sein. Profondément affectée par la triste nouvelle, la jeune femme sera orientée par une amie vers cette Maison pour y trouver de l'aide afin de surmonter sa dure épreuve. Havre de paix « Notre action consiste à proposer aux patients cancéreux des soins de support qui ont comme objectif d'améliorer leur qualité de vie, au cours du traitement et même après parce que la période pré-cancer est également extrêmement difficile», explique Dr Meriem Naciri, présidente fondatrice de l'association Dar Zhor. Ouvrant les portes de cet espace de ressourcement devant les femmes et les hommes atteints de tous types de cancer, l'association propose une médecine intégrative en complément à ce qu'offre la médecine conventionnelle. « Le cancer est souvent une source de stress, de colère et d'angoisse. Aujourd'hui on fait de plus en plus appel à la médecine intégrative en parallèle avec la médecine conventionnelle à savoir la chimiothérapie, la radiologie ou encore la chirurgie », note Dr Nawal Bouih, oncologue. D'après cette dernière, Dar Zhor intègre des soins qui vont s'occuper de l'esprit du patient et de son moral. « Nous savons que grâce à cette médecine, on arrive à diminuer l'intensité des symptômes de la maladie, les effets secondaires des traitements conventionnels souvent lourds et qui poussent de nombreux patients à abandonner à mi-chemin », argumente l'oncologue. Mais pas seulement, la médecine intégrative aurait l'avantage d'aider les patients à mieux adhérer à leurs traitements. « Et automatiquement leur pronostic et leur taux de survie seront améliorés », affirme Dr Bouih. Corps et esprit S'intéressant aussi à l'esprit du patient, cette méthode intègre plusieurs disciplines susceptible d'améliorer la qualité de vie telles la psychothérapie, le yoga, l'art- thérapie, la sophrologie, le Reiki... « Tout ce qui est susceptible d'aider le patient à mieux se sentir et à mieux affronter la maladie », ajoute Dr Meriem Naciri. Un soutien et des soins qui sont d'ailleurs dispensés gratuitement au profit des bénéficiaires. «Dès le premier jour du diagnostic et jusqu'à un an après la fin des traitements, nous offrons un accompagnement et un soutien psychique rapproché aux patients » explique Safia Zinelabidine, psychothérapeute et intervenante bénévole à Dar Zhor. « Dans cette douloureuse épreuve, le patient n'a pas seulement besoin de traitement médical, il a besoin d'une oreille attentive, de se confier et de s'exprimer sans craindre ce regard de pitié », ajoute la praticienne. Conscients de l'importance de cet espace d'expression, les responsables de Dar Zhor prévoient des groupes de parole au profit des patients. « Ces groupes sont tenus pour libérer la parole, libérer l'émotion et le ressenti en traversant cette terrible épreuve. Ici, ils peuvent dire ce qu'ils n'arrivent souvent pas à exprimer devant leurs familles et leurs proches », décrit la psychothérapeute. Gratitude Exprimer sa douleur, partager ses émotions et en discuter seraient ainsi une autre manière de surmonter son cancer et de mieux l'affronter, comme c'était le cas pour Nour Yaakoubi. Atteinte du cancer du sein il y a quatre ans, elle n'arrivait pas à surmonter la grande angoisse qui la prenait aux tripes. « Cette angoisse me prenait à la gorge. J'étais en permanence aux prises avec cette peur qui me malmenait. Le jour où j'arrive à Dar Zhor, j'ai vu mes peurs se dissiper comme par miracle. Dès la première séance de sophrologie, je suis arrivée à mieux gérer mon angoisse. Ça a changé ma vie », raconte Nour Yaakoubi avec beaucoup de reconnaissance Même gratitude de la part de Assia Bennani, une autre bénéficiaire, qui était rongée par ce sentiment tenace de grande solitude. « Vidée et profondément fragilisée par la chimiothérapie, je me sentais seule. J'étais au bout de mes forces en arrivant à dar Zhor. Tout le monde essayait de me remonter le moral, alors qu'ils étaient dans des situations encore pires... Ca m'a immédiatement remonté le moral et redonné espoir. Ma solitude s'est évanouie devant tant d'attention et d'empathie », raconte Assia, le regard brouillé d'émotion. Un autre début « En tant qu'oncologues, nous devrons systématiquement prescrire les soins de support à nos patients cancéreux, pour améliorer leur qualité de vie. Ces soins les encourager à mieux supporter le traitement tout en portant un regard autre sur leur cancer. Leurs chances de survie en sont considérablement améliorées », soutient Meryem El Bachri, oncologue et intervenante bénévoles à Dar Zhor. De l'écoute, du partage, du sport, de l'art, de la créativité, du yoga, de l'esthétique, du bien-être, des conseils en dermatologie... C'est tout cela à la fois Dar Zhor. C'est la porte ouverte vers la résilience. Les effets sur l'amélioration de la qualité de vie et du bien-être sont indéniables. L'art thérapie est très présente à Dar Zhor, avec différents media : arts plastiques, théâtre, danse thérapie, arts énergétiques chinois : Qi Gong, TaI Chi ou Tenchi Tessen, chaque media ayant sa propre dynamique. Rappelons que l'association a été fondée par trois amies ayant personnellement vécu l'épreuve du cancer. Présidée par Dr Myriam Belghazi Nciri, l'association fait appel aux services de spécialistes qualifiés et autres bénévoles. Dernièrement, Dar Zhor a organisé une conférence centrée sur l'arthérapie, animée par sa présidente, en présence de Dr Guila Clara Kessous, artiste de l'UNESCO pour la Paix et Ambassadrice de la Paix et Pr Driss Moussaoui,Professeur de psychiatrie et un des premiers psychiatres au Maroc . Il est le fondateur du département de psychiatrie de la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca et du centre psychiatrique universitaire de Casablanca au CHU Ibn Rochd. Ancien président de l'Association mondiale de psychiatrie sociale, il est auteur et co-auteur de nombreux ouvrages, notamment sur des sujets tels que la psychiatrie dans son rapport à la religion et à la migration. Pr Moussaoui est également past Président de la Fédération internationale de psychothérapie. Boushra Benyezza a également participé à cette conférence. Psychothérapeute, Art-thérapeute à l'unité d'Art-Thérapie du Centre Universitaire Psychiatrique Ibn Rochd –Fondatrice du CinePsy Maroc- Casablanca, elle a défendu, avec Pr Driss Moussaoui, l'importance des arts comme soutien supplémentaire aux approches pharmacologiques et psychologiques traditionnelles pour les personnes atteintes de maladie mentale grave. Ont également enrichi le débat ayant eu lieu lors de cette conférence, Zineb Kettani,thérapeute holistique -Art thérapeute à Casablanca qui a partagé son expérience auprès des malades du cancer à Dar Zhor avec notamment l'influence positive observée sur le mieux-être des patientes et Ayala Elharar,art thérapeute, représentante du pôle des art thérapies à l'institut Rafaël, Paris. L'OMS et l'Arthérapie Tout récemment, en novembre 2019, l'OMS a publié un rapport de données probantes sur le rôle des arts dans l'amélioration de la santé mentale et physique et du bien-être. Les résultats de plus de 3000 études ont identifié un rôle majeur des arts dans la prévention de la mauvaise santé, la promotion de la santé et la gestion et le traitement des maladies tout au long de la vie. Ils ont montré comment les arts peuvent dans le domaine de la prévention et de la promotion affecter les déterminants sociaux de la santé, encourager le développement de l'enfant, encourager les comportements favorisant la santé et aider à prévenir la mauvaise santé. Ils ont aussi montré, dans le cadre de la gestion et du traitement, comment les arts peuvent aider les personnes atteintes de maladie mentale, soutenir les soins aux personnes atteintes de maladies aiguës, aider les personnes atteintes de troubles neurologiques, aider à la gestion des maladies non transmissibles et soutenir les soins de fin de vie.