L'émigration serait un complot planétaire contre la pureté de la race tunisienne. On revient aux années 30 du siècle passé chez les Ariens qui voulaient soumettre l'humanité entière à leur loi scélérate de purification raciale. Le souvenir des six millions de Juifs assassinés est encore vivace. Avec le président tunisien, la question de la pureté démographique est essentielle et il jure qu'il ne permettra aucune impureté d'où qu'elle vienne. Surtout pas d'Afrique subsaharienne. Car pour Saied, cette immigration est suspecte, elle a l'air d'un complot ourdi contre la Tunisie. Et que veulent donc ces comploteurs? Effacer l'identité arabo-musulmane des Tunisiens. En plus, ces "hordes des migrants clandestins" en provenance d'Afrique subsaharienne, est source de "violence, de crimes et d'actes inacceptables ». Le comble. Ils viennent allumer le feu dans un pays si bien gouverné. Tellement bien gouverné d'ailleurs que le président est décidé, lors d'un Conseil de sécurité nationale (comme chez les généraux d'à côté) à « mettre rapidement fin » à cette immigration subsaharienne. Comment? On le saura bientôt, mais le président a parlé de solutions diplomatiques et...militaires. On va donc tirer sur de paisibles humains. Et c'est grave cette immigration? Bien sûr que c'est grave. Imaginez donc la Tunisie complètement habitée par des sub-sahariens! La catastrophe. Bienvenus chez les purs On comprend ainsi que les problèmes de la Tunisie ne sont pas la gouvernance, ne sont pas le gros déficit de la balance des paiements, ni les réserves de change qui ne permettent pas plus d'un mois d'importation. Kais Saied, qui a réussi à mener son pays au défaut de paiement, n'a pas de problème de légitimité, c'est un président aimé, soutenu, adoré par le peuple, tout le peuple, même si moins de 10% des électeurs se sont déplacés aux dernières législatives. Mais il y a des manifestations contre lui! Mais non, ce sont juste des perturbateurs qui ne veulent pas le bien au pays. En Afrique, y compris en Tunisie donc, les réactions à cette glissade raciste ont été virulentes. Les réseaux sociaux sont en feu contre le président tunisien. "Nous avons honte du discours du président. Nous protestons contre les mots utilisés qui stigmatisent et discriminent les migrants subsahariens. », s'insurge Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, cité par DW. L'Association des étudiants et stagiaires africains de Tunisie (AESAT) a publié un communiqué de mise en garde où elle conseille aux étudiants de ne pas sortir de chez eux, même pour aller aux cours, pour éviter les contrôles violents et humiliants de la police. L'AESAT parle d'arrestations arbitraires qui touchent toutes les « personnes à la peau noire » et cite le cas d'un étudiant retenu pendant 6 jours dont « la moitié sans nourriture » Comme si les Nord-africains n'étaient pas Africains d'abord. Et d'ailleurs, dans cet espace géographique, il n'y a pas que les arabo-musulmans, on le sait bien. La majorité est amazighe et l'héritage religieux n'est pas uniquement islamique, il est aussi juif et chrétien. C'est donc le président qui veut changer la démographie, pas les comploteurs. Enfin, que dire à cette étudiante comorienne, tout à fait en règle, citée par RFI?: « Hier soir, je rentrais chez moi et là, je croise mon bailleur qui me dit que je dois faire mes affaires et partir et que j'ai une semaine pour arranger tout ça. J'étais tellement choquée, je lui ai demandée le pourquoi et là il m'explique que c'est la police qui lui a exigé de me chasser de la maison tout en sachant que je suis étudiante ; j'ai les documents ». Bienvenue chez le démographiquement pur! Il faut être blanc, arabe et musulman. AESAT