Meriem, 14 ans à peine et déjà morte des suites d'un avortement clandestin. Originaire de Boumia, un village reculé dans la région de Midelt, l'adolescente est tombée enceinte suite à un viol. Pratiqué, le 7 septembre, dans des conditions désastreuses dans le domicile même du violeur, cet avortement clandestin causera la mort de la jeune fille suite à une hémorragie sévère. Double violence « Le comble de l'horreur dans cette histoire, c'est que cet avortement désastreux a été effectué chez le violeur. Meriem a été victime d'une double violence : D'abord son viol qui n'a pas été dénoncé et puis son avortement clandestin pratiqué dans des conditions lamentables, par des personnes non qualifiées», s'insurge Narjiss Benazzou, présidente du collectif 490. Initiateur de cette journée de deuil, le collectif a lancé le hashtag #MERIEM pour honorer la mémoire de la jeune victime mais pas seulement. « Nous avons initié cette journée car nous estimons qu'on n'a pas suffisamment parlé de cette triste affaire. Nous ne voulons plus que ce genre de tragédies passe sous silence. On veut honorer la mémoire de Meriem tout en évitant que d'autres femmes subissent le même triste sort », nous explique Narjiss Benaazou. Relançant le grand débat autour du droit à l'avortement, le collectif Hors la loi revient à la charge en dénonçant « les lois limitant l'accès à la justice ». « Tout comme Meriem, elles sont nombreuses les victimes qui n'osent même pas dénoncer leurs violeurs. Selon la loi marocaine et spécialement l'article 490, la victime d'un viol risque elle-même d'être poursuivie en justice pour relations sexuelles hors mariage », déplore la présidente du collectif 490. Un article controversé Objet de l'ire des défenseurs des droits humains et des libertés individuelles, l'article 490 stipule en effet que sont passibles «d'emprisonnement d'un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n'étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles». Une loi controversée, qui au-delà des destins brisés d'une manière directe, favorise l'amplification des violences numériques dans notre pays. « Encore aujourd'hui, lorsqu'une femme ayant subi un viol mais ne parvenant pas à le prouver ou qu'une victime de revenge porn se présente à la justice pour bénéficier des mesures de protection que lui offre le code pénal, elle risque elle-même de se faire arrêter en vertu de l'article 490» déplore le collectif Hors la loi dans une lettre ouverte adressée, en décembre 2021, au ministre de la justice Abdellatif Ouahbi. Son objet ? L'abrogation de cet article controversé. Déterminé, le Collectif 490 appelait le gouvernement à démontrer son engagement et à s'aligner du côté des victimes de violences sexuelles tout en prenant en considérations les revendications des jeunes. « Nous demandons au Gouvernement d'agir en introduisant l'abrogation pure et simple de l'article 490 dans son projet de réforme du code pénal qu'il soumettra au Parlement... il faut mettre fin à l'hypocrisie régnante, fruit du décalage entre l'état actuel de la société marocaine et la justice qui la régit » réclame le collectif. Amina Filali bis « Quant aux victimes de viol qui se retrouvent enceintes, il y a une seule solution : Leur permettre d'avoir accès à un avortement médicalisé, sécurisé et assisté. C'est la seule manière d'éviter que de tels drames ne se reproduisent », soutient Benazzou. Des drames qui seraient facilement évitables selon cette dernière, si toutefois on permet aux victimes de viol d'avoir accès à un avortement médicalisé en toute légalité. Plaçant beaucoup d'espoir dans la réforme du code pénal qui est actuellement en gestation, les activistes du collectif 490 ne baissent pas les bras pour autant. Lettres ouvertes au gouvernement, campagnes sur les réseaux sociaux, trends ou « pression » auprès des hommes politiques, de la société civile ou de l'opinion publique... Tous les moyens sont bons pour briser le silence et initier le changement. « Toutes les initiatives sont les bienvenues. C'est le silence qui est dangereux. Actuellement on fait avec les moyens de bord. A notre niveau, on essaie de médiatiser, de parler au maximum de ces cas là. En même temps, on n'arrête pas de réclamer par tous les moyens légaux possibles l'abolition des ces lois moyenâgeuses », nous explique Narjiss Benaazzou. « Pour moi Meriem est une autre Amina Filali, une autre victime du code pénal. J'espère qu'il y aurait autant de mobilisation pour la cause de Meriem qu'il en était pour celle de Amina. Une mobilisation qui a permis l'abolition de l'article 475 », conclut la présidente de Hors la loi. Son vœu sera-t-il exaucé ou faut-il encore que d'autres Meriem soient sacrifiées sur l'autel de l'article 490 avant de l'abolir ? A suivre !