Contexte... Le conseil de la concurrence a publié son avis sur le fonctionnement concurrentiel de la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain par autobus au Maroc. « Cette décision est motivée, d'une part, par les différentes saisines, 14 reçues par le conseil de la concurrence concernant les conditions de sélection et d'attribution de ces contrats de gestion déléguée de ce secteur et d'autre part, par l'existence d'éventuelles barrières à l'entrée mises lors des appels à la concurrence, relatées par la presse nationale », explique le conseil qui estime que la part modale des bus est de 13 % contre 51% pour la marche à pied, 16% pour les voitures particulières et 15 % pour les taxis au niveau national. En gros, le conseil de la concurrence note que les grandes agglomérations du Maroc sont desservies par les sociétés délégataires ALSA et City bus. Les autres opérateurs qui sont au nombre de neuf se partagent des villes de petite à moyenne tailles. En termes de taux de couverture du transport public urbain et interurbain par autobus sur l'ensemble du territoire national, seulement 343 collectivités territoriales sont couvertes, ce qui représente un faible taux de couverture nationale de 22%. Des contraintes à lever Selon le conseil de la concurrence, l'analyse concurrentielle du fonctionnement du marché a permis de constater le niveau élevé de son encadrement régi par un arsenal de textes juridiques divers et variés. Toutefois, il a été relevé que ce cadre juridique est resté inachevé, ce qui a conduit les autorités délégantes à s'appuyer sur les dispositions réglementaires régissant les marchés publics pour lancer leurs appels d'offres et sélectionner le concurrent adjudicataire. Aussi, la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain a révélé que la création de sociétés de développement local (SDL) non contrôlées directement par l'autorité délégante pour réguler le transport, n'a pas permis de mettre fin à la multiplicité des acteurs dans ce modèle de régulation. Bien au contraire, ce modèle a amplifié l'asymétrie d'informations et a créé des problèmes de coordination, de gouvernance entre les acteurs, tout en diluant les responsabilités et en entraînant des coûts de fonctionnement alourdissant les coûts d'exploitation. L'analyse concurrentielle du secteur a permis de conclure que le marché se caractérise par un niveau élevé de concentration, où les deux premières sociétés ALSA et City bus ont une part de marché cumulée se situant entre 80 et 90% durant la période 2018-2020, avec une dominance nette de la société ALSA qui a vu sa part de marché passer de 50 à 70%. « Ce niveau élevé de concentration semble être dû à la combinaison de trois facteurs essentiels », souligne le conseil dans son avis. Il s'agit notamment « des barrières à l'entrée très élevées qui favorisent les grandes entreprises et empêchent l'arrivée de nouveaux entrants et excluent totalement l'innovation, la créativité comme critères de sélection, le nombre réduit d'appel d'offres portant sur des contrats de gestion de longue durée se situant entre 10 et 15 ans, qui sont généralement prolongés par avenant en faveur de l'opérateur exploitant et le faible taux de participation des opérateurs aux appels d'offre des grands centres urbains en raison de leurs capacités techniques et financières limitées », détaille la même source. Autre contrainte évoquée : le coût de réponse aux appels d'offres qui contraint les opérateurs de taille moyenne à ne participer qu'à un nombre limité de ces appels d'offres, du fait de leurs coûts irrécupérables. Recommandations En vue d'améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché de la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain par autobus et son mode de régulation, le conseil de la concurrence recommande de revoir le statut et le cadre juridique régissant les SDL, afin de professionnaliser ces entités et leur donner les moyens juridiques et matériels pour jouer pleinement leur rôle de régulateur de ce marché. Sur le volet régionalisation avancée, le conseil préconise de régionaliser la stratégie nationale de la mobilité urbaine et d'accorder plus de pouvoirs aux autorités délégantes dans la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain en termes de planification, de contrôle et de financement. Le conseil ajoute que le renforcement du transfert des compétences de la SDL et des délégataires aux collectivités territoriales et leurs émanations ne peut que renforcer la gouvernance régionale de la gestion déléguée du transport public urbain et interurbain. Pour assurer une concurrence libre et loyale, des suggestions sont aussi proposées. Il s'agit principalement d'établir une grille d'évaluation actualisée des offres, basée sur des critères objectifs focalisés davantage sur le business plan des soumissionnaires au lieu de la grille d'évaluation notée essentiellement sur les tarifs qui ne seraient plus les seuls éléments de compétition. Il s'agit également de changer la nature des contrats de gestion déléguée, en passant de contrats à logique de « flux financiers » à des contrats orientés objectifs (qualité de service, taux couverture du territoire, etc.), où un score de qualité des services des opérateurs est inclus comme critère d'attribution de l'appel d'offres. La planification des objectifs dans le temps et les facteurs financiers doivent être des critères ajustables pour atteindre les objectifs précités. Parmi les autres propositions on cite, l'introduction d'un scoring significatif à l'expertise et l'expérience cumulées des managers comme critères de sélection des candidats aux appels à la concurrence, la précision au préalable à tout appel à la concurrence le degré de partage des risques industriels et commerciaux, et du coût de l'investissement global entre le délégant et le délégataire, la mise en place d' un schéma clair et connu à l'avance par l'ensemble des soumissionnaires des subventions qui seront octroyées lors de l'exploitation des contrats... Il est recommandé aussi de revoir les conditions des contrats de gestion déléguée quinquennal en y introduisant l'obligation d'une évaluation de la gestion déléguée par une consultation publique des usagers et de veiller à ce que les tarifs restent accessibles pour tous les citoyens et ce, à travers la maitrise des coûts d'investissement et d'exploitation, ainsi que l'encadrement des marges générées par la gestion déléguée. En raison du niveau de concentration élevé de ce marché, et de la difficulté pour de nouveaux entrants d'accéder et de se faire une place sur ce dernier, les autorités délégantes doivent revoir les conditions d'accès à ce marché, dans le sens de leur assouplissement, ce qui permettra une compétition plus animée du marché et l'accès d'un plus grand nombre de concurrents garant d'un service de transport urbain de meilleur qualité et à un prix accessible, en adoptant un calendrier échelonné des appels à la concurrence, pour renforcer la dynamique concurrentielle sur ces marchés et augmenter la pression concurrentielle sur les prix. Enfin, le conseil de la concurrence suggère des mesures d'accompagnement comme l'implémentation systématique dans les contrats de la gestion déléguée du transport urbain et interurbain par autobus du principe de transparence et de liberté d'accès à l'information par les acteurs du marché, la mise en place et le développement des mécanismes pour accroître la dynamique concurrentielle entre les différents acteurs du marché des services par l'adoption d'un cadre contractuel qui clarifie les objectifs et les responsabilités entre les différents intervenants, prévoir un cadre juridique adéquat en vue d'intégrer l'intermodalité entre les différents mode de transport public en commun (bus-tramways..), et promouvoir la multi modalité et l'intégration tarifaire entre les différents modes de transport.