Le président algérien ne le sait peut-être pas mais en accueillant Mahmoud Abbas, le président de l'autorité palestinienne, il place l'Algérie sur le cap de la normalisation. Pour Abdelmajid Tebboune, cette rencontre est surtout destinée au « marché intérieur ». Ainsi, il pourra répondre aux critiques qui disent que l'Algérie ne fait rien pour les Palestiniens à part les slogans et les envolées lyriques lors de rencontres politiques ou d'entretiens présidentiels. En plus de l'accueil officiel avec embrassades et marques de tendresse, le responsable palestinien rentre chez lui avec un chèque de 100 millions de dollars, offert par le frère algérien. Mais attention, comme l'a dit Tebboune, cet argent est donné à son frère Mahmoud Abbas, pas au peuple palestinien. C'est enregistré. Et donc, la question est de savoir si cet argent ira vraiment aux Palestiniens ou à d'autres personnes. D'ailleurs, la question vaut pour toutes les aides reçues. Alors qu'il y a des milliardaires, des millionnaires et de hauts fonctionnaires de l'autorité chèrement payés et vivant dans le luxe, la majorité des Palestiniens souffre dans l'extrême dénuement, à Gaza, comme en Cisjordanie. Ces derniers sont utilisés par les premiers justement pour montrer à la communauté internationale qu'il faudra encore plus d'aides pour soulager la souffrance du peuple. Mais là c'est une autre question. Revenons sur le sujet principal. Pourquoi cette visite peut-elle être interprétée comme une forme de bienveillance envers la normalisation avec Israël? Parce que déjà Mahmoud Abbas et son autorité sont les premiers normalisateurs. Les contacts qu'ils ont avec leurs voisins avec qui ils veulent vivre en paix, sont permanents et en plus il y a une parfaire coopération sécuritaire. On peut ajouter à cela les Palestiniens qui vont travailler en Israël et qui sont très nombreux, les hospitalisations en Israël de malades de Gaza ou de la Cisjordanie... Bref, le président Tebboun qui qualifie Israël d'entité sioniste accueille Mahmoud Abbas qui parle d'israël comme un Etat reconnu. La preuve qu'on peut être plus palestinien que les palestiniens eux-mêmes. Les observateurs se sont posés plein de questions sur les objectifs de cette visite. Les Algériens cherchent-ils à sauver l'organisation du sommet arabe prévu en mars 2020 et qui est compromis par le pouvoir algérien lui-même? Veulent-ils montrer qu'ils ont encore de l'influence? S'ils visent le Maroc dont ils font de la normalisation la pièce maîtresse de leur propagande anti-marocaine, ils ne risquent pas de faire des étincelles, puisque l'invité est lui-même normalisateur, comme on l'a vu. En tous cas, la rivalité entre les pays arabes et musulmans est un juteux business pour les Palestiniens. Cela fait monter les enchères. Et c'est justement parce que cette affaire qui dure depuis des décennies est un bon produit de politique interne. Ça calme les foules et ça permet de donner de la légitimité à des pouvoirs qui en ont sacrément besoin. Mais il y a un autre élément très remarquable dans cette visite. L'Algérie qui veut donc démontrer qu'elle soutient Mahmoud Abbas, dégrade ce dernier au rang du chef des mercenaires du Polisario. Phénomène curieux et tout aussi intéressant, l'Algérie qui voulait faire ressembler la « cause » du Polisario à celle des palestiniens, s'est retrouvée avec le résultat inverse. Ce sont les Palestiniens qui commencent à ressembler au Polisario qui a commencé à perdre régulièrement ses soutiens depuis le retour du Maroc à l'Union africaine. Un acte manqué auquel Mahmoud Abbas n'aurait pas prêté l'attention nécessaire.