On le sait : en ces temps de crise, le discours populiste (et antisystème) a de plus en plus d'adeptes en Europe. Et, bien sûr, l'immigration en fait les frais au delà de toute humanité et au mépris de tout réalisme économique. Car, dans une Europe vieillissante, l'apport de populations étrangères sera dans quelques années plus que nécessaire : indispensable. Sans l'apport migratoire, la population allemande – pour ne citer que cet exemple – aurait d'ores et déjà diminué de plus de 200 000 personnes alors que les conservateurs, notamment en Bavière, continuent à dénoncer « l'arrivée massive » de Roumains et de Bulgares qui s'installeraient en Allemagne pour «profiter des avantages sociaux » ! Cela n'a pas empêché un référendum « populaire » suisse d'entériner, le 9 février dernier, à une très courte majorité de 50,3% une initiative populaire visant à réintroduire des quotas d'immigrés et de travailleurs frontaliers dans le pays. Le fantasme de « l'identité des nations » Véritable électrochoc, cette votation a montré la montée du sentiment anti-immigration et a provoqué une immense inquiétude à Bruxelles et au sein des gouvernements européens, d'autant que l'économie suisse est plutôt prospère et que l'immigration, dans ce pays qui compte 23,5 % d'étrangers, est constituée en grande partie d'Européens : Français, Italiens, Portugais, Allemands ... Une manière de dire que la crise économique n'explique pas tout, même si elle a un effet amplificateur, dans cette montée des partis populistes européens. Plusieurs études établissent en effet que «les menaces touchant aux valeurs culturelles semblaient rencontrer davantage d'opposition que les menaces d'ordre économique ». En réalité, tout se passe comme si ce qui était désormais au coeur de la défiance, c'était l'idée que « l'immigration remet en cause l'identité des nations », que celle-ci vienne de l'extérieur des frontières de l'Europe ou même de l'intérieur... Ces enquêtes révèlent aussi que les politiques ont une réelle influence sur les opinions. Les sentiments anti-immigration les plus faibles ont ainsi tendance à être observés en Scandinavie, où les institutions et les systèmes de demande d'asile sont plus libéraux. En revanche, le sentiment anti-immigrés se développe dans les pays où la classe politique instrumentalise le mécontentement pour promouvoir des politiques anti-immigration populaires.... Partout, des murs... Ces vérités n'empêchent pas Marine Le Pen en France et les personnalités et mouvements populistes en Europe de rêver de suivre l'exemple suisse ! C'est vrai en Grande Bretagne où, sans surprise, le parti anti-européen de Nigel Farage (UKIP) pavoise. Mais le vrai problème, c'est que les conservateurs ont eux aussi la tentation d'utiliser le vote suisse dans leurs relations avec l'Union Européenne et que le premier ministre David Cameron prévoit d'organiser un référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'UE d'ici à 2017. C'est vrai aussi en Hollande où les populistes du PVV, qui sont en tête des sondages, veulent s'allier avec Marine Le Pen et d'autres formations extrémistes de droite pour former au Parlement européen un groupe prônant l'arrêt complet de l'immigration. C'est vrai enfin de l'Italie où la Ligue du Nord voit dans un retour à ses thématiques favorites « non à l'Europe, non à l'immigration », une manière de récupérer le terrain récemment perdu dans les urnes ! On aurait tort de ne voir là que surenchère électoraliste car dans le même temps, les murs se multiplient en Europe pour empêcher le passage des migrants clandestins. De Ceuta et Melilla, les deux enclaves espagnoles au Maroc, au mur d'Evros entre la Grèce et la Turquie et bientôt la Bulgarie, l'Europe n'en finit pas de se barricader. Avec un espoir absurde : décourager les clandestins. Comme si on pouvait dissuader par des grillages ceux qui prennent le risque de mourir pour survivre ❚ Lire aussi . . DE DAKAR À CASABLANCA SUR LES TRACES DES MIGRANTS CLIMATIQUES . MIGRATION Le Maroc est sous pression !