Avec la crise iranienne et la victoire des radicaux, Barack Obama risque d'avoir des difficultés à mettre en oeuvre sa politique au Moyen-Orient. Contrairement à son prédécesseur, il avait décidé d'aborder cette région compliquée et jamais avare de surprises, en ne privilégiant pas une crise sur une autre. Pas question de s'occuper de l'Irak (d'où les troupes américaines se sont retirées mardi dernier) en délaissant l'Iran et son épineuse question nucléaire; de se soucier du conflit israélo-palestinien en remettant à plus tard la reprise de relations diplomatiques avec la Syrie. Il avait choisi d'ouvrir tous les fronts en même temps. Le calcul était clair : en menant de front une offensive diplomatique avec la totalité des acteurs du grand jeu moyen-oriental, en les mettant en concurrence dans leurs relations avec les Etats-Unis, les Américains voulaient les pousser à bouger, à tenter de trouver une issue à leur crise, de crainte de se voir dépasser, voire supplanter, par l'un ou l'autre pays. Le message s'adressait à tous. A l'Iran, lorsqu'en envoyant des émissaires à Damas - et depuis la semaine dernière un ambassadeur - Barack Obama voulait clairement montrer au régime des ayatollahs que les Etats-Unis pouvaient les priver de leur seul allié dans la région. Aux pays arabes : en tendant la main à Téhéran dès le mois d'avril, il voulait aussi avertir les Etats du Moyen-Orient qu'ils ne seraient peut-être plus demain les seuls alliés de Washington dans la région et qu'ils feraient bien de participer activement à un règlement de la question israélo-palestinienne. Les pays du Golfe et l'Arabie Saoudite l'ont clairement compris, alors qu'ils craignent plus que tout un changement d'alliance américaine. Aux Israéliens : le Premier ministre Benyamin Netanyahou devait comprendre que le temps où les Etats-Unis acceptaient sans broncher la politique de colonisation et de refus d'un Etat palestinien était révolu. Washington a, dans l'immédiat coupé les ponts avec Tel-Aviv et la semaine passée a annulé la rencontre prévue à Paris entre Netanyahou et l'ambassadeur d'Obama pour le Proche-Orient, George Mitchell. Mais la victoire d'Ahmadinejad et derrière lui des Gardiens de la révolution, l'aile dure du régime qui refuse toute ouverture vers l'Occident, complique le jeu américain. A Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad brandit la carte nationaliste. Mir Hossein Moussavi et sa «révolution de velours» sont soutenus par les Occidentaux, en particulier les Britanniques et la CIA, explique-t-il. Un discours habile qui trouve preneur dans un Iran très nationaliste où les Britanniques, anciens colonisateurs, sont l'ennemi héréditaire accusé d'avoir participé, aux côtés de la CIA, au renversement en 1953 de Mossadegh, le Premier ministre qui a nationalisé le pétrole. Un coup politique qui peut lui rapporter gros sur la scène intérieure et n'a guère de conséquence à l'extérieur. Mais nul doute que ce sont les Etats-Unis qui sont visés derrière la Grande-Bretagne. Le message est clair: si l'Occident, dont Washington, s'obstine à soutenir les réformateurs et à contester le résultat des élections, l'Iran fermera ses portes et poursuivra allègrement son programme nucléaire aux mains des Gardiens de la révolution. Que va faire Barack Obama ? Hausser le ton, durcir les sanctions contre l'Iran, brandir la carotte et le bâton ? Un changement de politique vis-à-vis de l'Iran risquerait de mettre à bas toute sa politique moyen-orientale. Mais pourra-t-il faire autrement ? ? moins qu'à Téhéran, l'ayatollah Ali Khamenei, seul habilité à décider des grandes orientations de la politique étrangère, estime qu'il serait dangereux pour lui de se lier pieds et poings à Ahmadinejad et aux Gardiens de la révolution. Il est trop tôt pour le savoir.