Le faux suspense a pris fin le 9 mai, jour de clôture des candidatures à l'élection présidentielle du 12 juin. A 52 ans, le président Mahmoud Ahmadinejad, élu une première fois à la surprise générale en 2005, a annoncé qu'il briguait un nouveau mandat. Entre temps, celui qui était arrivé au pouvoir alors qu'il n'était que le très fondamentaliste maire de Téhéran est devenu une sorte de héros dans le monde arabo-musulman grâce à son bras de fer sur le nucléaire avec les Occidentaux en général et les Américains en particulier, grâce aussi à ses diatribes enflammées contre Israël. Cette popularité est renforcée par sa capacité à apparaître comme le champion du soutien au Hamas palestinien et au Hezbollah libanais, posture par laquelle il cherche à signifier que, de facto, les pays arabes «roulent tous pour Israël». Ahmadinejad joue sur la fibre nationaliste Malgré son érosion, la popularité qu'il conserve dans le pays, et le fait que l'Iran apparaisse désormais comme un interlocuteur incontournable sans lequel rien, et surtout pas la paix, n'est possible dans la région, lui permettront-ils de faire oublier son mauvais bilan économique? C'est toute la question. D'autant que la mauvaise gestion des revenus pétroliers, la baisse des prix du pétrole et les sanctions du Conseil de sécurité pour cause de non coopération sur le programme nucléaire ont encore aggravé la situation. Tout se passe en fait comme si, dans ce pays à la fibre nationaliste forte, Ahmadinejad comptait beaucoup sur cette image présentant l'Iran comme la «plus grande puissance de la région» pour galvaniser une population aux prises avec d'inextricables difficultés économiques. Cela lui suffira-t-il pour l'emporter face à ses principaux rivaux qui seront désignés le 21 mai par le Conseil des Gardiens, une institution tenue par les fondamentalistes? Formation d'un front réformateur Sauf surprise, il devrait affronter l'ex-président du Parlement Mehdi Karoubi qui, à 72 ans, semble le plus ouvert des religieux en lice, proche des étudiants et du camp réformateur. Les voix des réformateurs pourraient toutefois se diviser en se portant aussi sur l'ancien Premier ministre Mir Hossein Moussavi. Favorable à une «détente» avec les Occidentaux et voulant en finir avec l'image d'un Iran «extrémiste» montré du doigt par la communauté internationale, il dit vouloir défendre «la liberté de pensée et d'expression». A 68 ans, Mir Hossein Moussavi bénéficie d'ailleurs du soutien de l'ex-président réformateur Mohamad Khatami qui s'est désisté en sa faveur. Mais son image de conservateur «attaché aux principes de la révolution islamique» pourrait aussi lui permettre de mordre sur l'électorat de Mahmoud Ahmadinejad. D'autant qu'il a montré sa capacité à gérer l'économie en temps de crise, pendant la guerre Iran-Irak. Que veut le Guide Ali Khamenei ? Reste à savoir si la candidature de Mohsen Rezaie, 56 ans, le chef historique des Pasdarans, ces «gardiens de la révolution» qui constituent une sorte d'aristocratie guerrière du régime dirigeant aujourd'hui des secteurs entiers de l'économie, est de nature à bouleverser la donne? Avant son entrée en lice, s'annonçait un affrontement entre Ahmadinejad et deux candidats soutenus peu ou prou par les réformateurs et l'ancien président Rafsandjani. Une sorte de front de tous ceux qui, inquiets de l'isolement de l'Iran, veulent empêcher le chef de l'Etat d'être présent au second tour. Désormais, le président iranien risque de devoir compter sur un adversaire proche de son camp, conservateur à souhait, mais qui conteste «la voie suivie qui mène à un précipice» et ne cache pas sa volonté de répondre aux ouvertures américaines. L'apparition de Mohsen Rezaie peut d'ailleurs indiquer que le soutien du «Guide suprême», Ali Khamenei, à Ahmadinejad n'est plus ce qu'il était. Certes, le président sortant a de sérieux atouts : la télévision, le soutien assuré des Bassidjs, les milices islamiques, et celui des secteurs les plus pauvres qu'il a arrosé d'aides au cours de ses tournées dans les villages reculés du pays. Mais l'inconnue que constitue pour l'instant le choix du Guide, ainsi que l'ampleur qu'auront les irrégularités dénoncées lors de la présidentielle de 2005, montrent que le jeu reste encore relativement ouvert. Et cela d'autant plus que si aucun des candidats ne représente un danger pour la pérennité du régime, l'attitude de l'Iran face à la stratégie d'ouverture de Barack Obama constitue un réel enjeu au sommet des institutions de la République Islamique.