TERGIVERSATIONS Après de nombreux et houleux débats et maintes spéculations à propos du prix du pain, le problème reste entier. Même si le gouvernement a su temporairement calmer le jeu, la Fédération des boulangers est loin d'en démordre. Pour cette organisation, à défaut de contrepartie, les prix devront augmenter... Après une menace de grève qui devait coïncider avec Aïd Adha et une autre, toute récente, d'une imminente augmentation du prix du pain, la Fédération nationale de la boulangerie et pâtisserie du Maroc se met en mode attente. Elle dit avoir reporté « à plus tard » sa décision de revoir à la hausse (de 10 à 30 centimes) les prix du « pain social » : baguette et miche de pain vendue chacune à 1,20 DH. C'est ce que nous a confirmé le président de la Fédération nationale de la boulangerie et pâtisserie au Maroc (FNBPM), Lahoucine Azaz, au lendemain d'une réunion jugée cruciale avec Mohamed El Ouafa, fraîchement nommé à la tête du ministère des Affaires générales et de la gouvernance. Venus en force à cette rencontre qui a trop tardé à être tenue, selon Azaz, les représentants de quelques 15.000 boulangeries et pâtisseries du Royaume ont réclamé l'application du contratprogramme 2011-2015 signé avec le gouvernement Abbas El Fassi (voir entretien). Durant cette réunion qui a duré plus de 6 heures avec le ministre El Ouafa, 26 délégués de la FNPM venus de différentes régions du pays ont réexpliqué leurs revendications et dit toute leur impatience de voir le gouvernement mettre la main à la pâte. Conscients de l'aspect délicat de cette augmentation tant convoitée et sur ses éventuels effets sur la paix sociale, Azaz et ses confrères se disent contraints d'y avoir recours à cause notamment de l'augmentation du prix de la farine de luxe qui est passé en ce début novembre 2013 de 3,50 DH à 3,70 DH le kilo. Cet argument est toutefois contesté par Chakib Alj. Le président de la Fédération des minotiers nie toute augmentation de prix. « Je vous confirme que le prix du kilo ne dépasse guère 3,60 DH si ce n'est 3,50 DH. Aucune augmentation n'a été appliquée jusqu'à maintenant, mais cette mesure reste envisageable ! », souligne-t-il. Les raisons d'une telle révision à la hausse ? Alj l'explique par les fluctuations des cours mondiaux des céréales. D'après ce responsable, si l'Etat ne s'avise pas à intervenir, en subventionnant le blé, « une augmentation du prix de la farine serait inévitable », insiste le minotier en chef. Rappelons que le coût annuel de la subvention de la farine dite nationale a atteint 2,3 milliards de dirhams, selon les chiffres avancés par Najib Boulif, l'ex ministre délégué en charge des Affaires Générales et de la gouvernance. Une coquette somme que l'Etat engage annuellement dans l'objectif « de préserver le pouvoir d'achat des citoyens ». Un leitmotiv qui revient souvent dans les sphères gouvernementales qui se disent animées par cette volonté de stabilisation des prix menaçant de flamber à cause des fluctuations des cours internationaux. Pour rappel, l'équipe de Benkirane 1 avait injecté 46 milliards de dirhams en faveur du marché intérieur au titre de la loi de Finances 2013. Un montant qui aurait pu être plus important s'il n'y avait pas eu une saison agricole relativement bonne. Du reste, à fin juin 2012, près de 9,8 millions de quintaux de blé ont été collectés et ont permis de maintenir à un niveau convenable les stocks du pays durant les mois suivants. D'après les données de l'Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses (ONICL), près du 1/5 de cette quantité est engagé pour la fabrication des farines subventionnées. Ces dernières devraient être commercialisées au prix réglementé de 2 DH le kilo puisqu'elles sont en principe destinées aux ménages démunis et aux zones pauvres. Mais faute de suivi rigoureux et de règles de gouvernance claire, on ne sait pas où vont réellement ces farine ni à qui elles profitent. Selon le président de la FNBPM, les boulangers n'utilisent pas ces « farines de basse qualité ». Sur cette base, Lahoussine Azaz crie à la liberté des prix. Il rappelle à ce propos « un accord de modération » datant de 2002, leur donnant le droit d'augmenter, au besoin, le prix du pain. « Il suffit d'en informer les autorités concernées », conclut-il. C'est chose faite à travers la première rencontre tenue avec El Ouafa. « La balle est maintenant dans le camp de l'Etat ! », insiste-t-on à la FNPM. Le gouvernement sera-t-il alors capable de sortir de ce pétrin ? Les prochains jours le diront