«Une association d'aide aux handicapés peut former et/ou aider à développer des capacités mais le reste doit suivre » Affirme Hicham Chamakh, responsable du service formation de l'AMSAHM (association marocaine de soutien et d'aide aux handicapés mentaux). ses propos rendent compte des nombreuses difficultés encourues dans ce domaine. Cette institution qui a pour mot d'ordre de développer l'autonomie de ses ressortissants, prône à travers tout un ensemble de techniques et de procédures le dépassement du traitement intra muros. Quand on l'interroge sur les rapports des handicapés mentaux à leurs familles puis à la société, Hicham Chamakh pose les seconds comme intimement liés aux premiers. «L'intégration au tissu social passe avant tout par l'intégration à la structure familiale. Un regard familial négatif faussera automatiquement le lien à la société. Au-delà du sentiment de déception et de culpabilité, un parent dont l'enfant est handicapé s'interroge forcément sur ce qu'il va faire de lui, sur son utilité. Dans ce sens l'association passe avant tout par une phase d'aide à l'acceptation, à la mise en avant des compétences de cet enfant par des activités aux quelles les parents vont également prendre part et s'investir». L'acceptation. Pour beaucoup de familles, la chose ne semble pas aller de soi. Le cycle infernal commence dès la découverte ou l'annonce de l'anomalie de l'enfant. «La nouvelle est très souvent annoncée crument à la naissance de l'enfant ou au cours d'une visite médicale par exemple» Nous explique Bouchaïb Bouzekrawi, responsable du service consultation au sein de la même association. Quel âge avez-vous pour continuer à enfanter de la sorte ? Votre enfant est handicapé, il ne marchera jamais, ne parlera pas, n'ira pas à l'école! «La nouvelle est parfois lancée de la sorte aux géniteurs sans égard pour leurs sentiments» poursuit-il, «Devant ces diagnostiques sans appel, les réactions sont multiples. Certains perdent confiance en leurs aptitudes à donner naissance à un enfant normal, d'autres passent par une attitude de rejet ou de surprotection (rejet inconscient)». A la gêne éprouvée par les parents, s'ajoute également une multitude d'idées reçues pour justifier le fait. Une enquête réalisée en 2004 sur près de 2750 personnes handicapées avait démontré que 43% d'entre elles attribuaient leurs états à des causes magico- maléfiques ou divines. A ces croyances s'en ajoutent d'autres, rendant parfois la mère responsable de la transmission des déficiences mentales ou physiques. Selon la même enquête, nombreux sont ceux qui se retrouvent exposés à des comportements violents de la part de leur entourage familial ou socio-professionnel. Les handicapés mentaux seraient les plus touchés par les mauvais traitements (17.8% dans leurs foyers, 35.3% à l'extérieur et 52.1% à l'école). Des expériences de la sorte finissent d'inhiber l'estime de soi de ces individus et portent un coup fatal à leur développement social. En dehors des rapports avec des personnages Lambda, l'insertion suppose aussi un ensemble de facteurs juridiques, économiques et politiques dont la société va se doter en ce sens. Le bilan est de ce côté assez mitigé, dans la mesure où l'on flirte beaucoup avec des faux semblants ou des effets de mode. Si prendre part pour cette cause est une évidence (auréolée de gloire), concrètement la vérité est beaucoup moins reluisante. Intégrer les handicapés ou uvrer pour une normalisation de vie, implique énormément de préalables dont la scolarisation, la formation professionnelle et plus tard la pratique d'un métier adapté. C'est du moins ce qui ressort des textes légaux où l'accessibilité des établissements, l'encadrement spécialisé et l'assimilation sont expressément cités. La réalité semble tout autre. Les uns parleront d'un manque de moyens et de ressources humaines, d'autres feront allusion au continuel Gap entre les écrits et les faits. En 2006 une convention s'étalant sur 3 ans avait vu le jour entre la fondation Mohamed V, les ministères de l'éducation et de la santé ainsi que l'ancien secrétariat d'?tat chargé de la famille, de l'enfant et des personnes handicapées. Cet accord avait pour objectif de faciliter la création de 200 classes d'intégration scolaire par an jusqu'en 2009. Alors que la convention touche presqu'à sa fin, seule une cinquantaine de CLIS sont apparues. Deux difficultés majeures se posent par rapport à celles ci: l'hésitation ou parfois le refus de certaines écoles d'accueillir ces enfants et la qualité de la prise en charge. Une CLIS type mêlerait des élèves de différentes conditions physiques (trisomiques, autistes, infirmes moteurs cérébraux) quand bien même leurs besoins seraient différents. Autre soucis : le manque de motivation des «instits spécialisés». On apprend de plus, qu'il n'y rien de prévu en matière d'éducation pour les handicapés mentaux une fois atteint l'âge de 16 ans. Contre toute vraisemblance, de telles formations importent peu au-delà de 16 ans «On parle beaucoup des lois en vigueur dans le cadre de l'insertion, mais par expérience je peux vous dire qu'elles sont ineffectives» nous affirme Nadia Outarikt, chargée d'orientation à L'AMH (amicale marocaine des handicapés). «Aucune lois ne peut fonctionner correctement si elle ne s'accompagne pas de sanctions, rien n'oblige par exemple une école ou une société à accepter des personnes inaptes. La majorité continue de percevoir ces gens comme des fardeaux incapables d'être productifs ou de générer des revenus. On parle très souvent en l'air sans réellement vérifier que les choses sont correctement appliquées ; prenons l'exemple du quota de 7% prévu pour la fonction publique pour ce qui est de l'accès à l'emploi; Est-il seulement respecté actuellement ?». Nul doute là-dessus, on continue de vivre dans deux sphères assez cloisonnées celle des valides et celle des non valides. Sans vouloir nier l'existence de certaines améliorations, beaucoup restent quelque peu sur leur faim concernant une politique plus performante à leurs égards. On a beau être passé de Rien à Quelque chose, d'avantage de résultats sont attendus de part et d'autre.