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Les femmes qui lisent sont-elles dangereuses ?
Publié dans L'observateur du Maroc le 27 - 03 - 2013


Par Jamila Arif
« Le cardinal Barbarigo ne voulut jamais permettre à la savante Hélène Lucrece-Piscopia Cornara de se faire recevoir membre de l'université de Padoue; persuadé qu'un chapeau de fleurs ou de plumes, sied beaucoup mieux à la tête d'une femme qu'un bonnet de docteur »
«Les femmes qui lisent sont-elles dangereuses ? » est un page-turner à classer dans la catégorie des « beaux livres » car il est davantage à contempler. Cet ouvrage nous offre une galerie d'œuvres admirables, du Moyen-Age au XXe siècle, à commencer par la couverture qui est déjà à elle seule une magnifique introduction à cette belle galerie. Celle-ci présente des portraits de femmes en flagrant délit...de lecture. Et ce à travers ses quelque cent trente œuvres, en grande partie picturales. Le titre à lui seul est un puits de réflexions, loin de se tarir. Les femmes qui lisent seraient dangereuses ! Quel titre ! Mais pour qui donc?
Cette phrase qui a du être prononcée maintes fois pourtant, paraîtrait un peu désuète à notre époque où nous sommes libres, aujourd'hui, de lire ce que nous voulons, où nous voulons. Du moins, logiquement ! Mais il n'ya pas si longtemps il n'était pas bien vu que les femmes lisent.
Ce livre rappelle une époque, pas très lointaine, où la lecture était considérée comme une oisiveté non productive et où les femmes n'avaient même pas le droit de lire la Bible… Ensuite, elles furent cantonnées aux livres de prière. Et petit à petit, elles ont gagné une place auprès des livres. En Angleterre, en 1881 les jeunes filles de « bonne famille » n'avaient même pas le droit de lire le journal!
Ainsi les artistes de toutes les époques ont représenté des femmes en train de lire. Pourtant, cela a pris des siècles avant qu'il soit accordé aux femmes de lire à leur guise. Ce qui leur incombait d'abord, c'était de cuisiner, de prier, de broder, de manier l'aiguille, de s'occuper des enfants et du mari. Dès l'instant où elles envisagent la lecture comme une possibilité de transgresser l'étroitesse de leur petit monde domestique pour s'évader vers l'espace illimité de la pensée, de l'imagination, mais aussi du savoir, ces femmes deviennent dangereuses.
Mais pourquoi était-ce si dérangeant au fond, qu'une femme lise? Est-ce parce que la lecture fait réfléchir? Et que la femme qui réfléchit est dangereuse ? Que la femme n'avait pas le droit d'avoir ce pouvoir? Ou parce qu'elle ne devait pas s'évader, le temps de quelques pages de son éternel devoir de femme au foyer? La lecture serait source d'oisiveté alors qu'elles auraient tant à faire au nom de leurs sacro-saintes responsabilités d'épouse et de mère avant tout.
Ou parce qu'il y a quelque chose d'effrayant, dans cette communion avec le livre, cet abandon, ces instants magiques de rencontre avec des personnages et ce plaisir que la lecture nous procure. Trop de plaisir n'était pas bon non plus !
Et c'est là que les choses se compliquent. Les sociétés humaines s'accommodent mal du plaisir, de celui des femmes, notamment. Si la connaissance est dangereuse, le plaisir est plus menaçant encore. Ce que souligne la préface de Laure Adler, intitulée « Sextuelle ». « Lire donne aux femmes des idées, écrit-elle. Sacrilège ! Comment obturer le flot de jouissance que procure alors, chez les femmes, la lecture? »
Alors, le livre serait-il objet de perdition, voire de perversion ? Ou plutôt l'objet satanique capable de faire basculer un certain pouvoir ? En tout cas, il représente sans aucun doute une arme pour certains, rendant ainsi son utilisatrice dangereuse.
A force d'être frustrées et privées de lire, les femmes ont établi une relation toute particulière avec les livres. Elles ont bien perçu au fil des temps, que la lecture, par les interdits qui l'ont entourée, était certainement une des clés de leur émancipation.
Le livre sert en fait de sésame aux femmes pour pénétrer le monde des connaissances et des expériences auxquelles la société ne les avait pas prédestinées. C'est ce chapitre captivant de l'histoire de la lecture féminine que Laure Adler et Stefan Bollmann explorent, avec un soin particulier du détail. Le fil de l'analyse conduite du Moyen Âge au temps présent, en y exposant plus spécialement certaines œuvres de Rembrandt, Vermeer, mais aussi Manet, Matisse ou Hopper, jusqu'à la fameuse photographie d'Eve Arnold illustrant Marilyn Monroe en train de lire Ulysse de James Joyce. De courts textes de commentaire accompagnent ce choix de peintures, de dessins et de photographies. Un véritable voyage artistique dans L'Histoire…
Laure Adler est de plus bien placée pour intervenir sur ce thème puisqu'elle est également historienne et spécialiste de l'Histoire des femmes et des féministes au 19ème et 20ème siècles.
Elle y rend un hommage merveilleux à toutes les femmes qui aiment lire, à travers toutes les époques, en les immortalisant par la magie de la peinture. Les textes décrivent la lente ascension des femmes vers la lecture qui n'a pas toujours fait partie des « loisirs autorisés ».
Peu à peu, la femme s'émancipera, la société moderne accélérera ce processus mais il restera toujours des esprits conservateurs pour dénoncer les lectures anarchiques de ces dames, qui, au lieu de se tourner vers les grands auteurs pour parfaire leur éducation, préfèrent flâner au gré de leurs envies, s'abandonner à des lectures plus libertines, scientifiques, journalistiques, revendicatrices ou simplement délassantes...
C'est une activité silencieuse, intime, secrète et personnelle, qui nous emporte vers d'autres cieux, qui nous permet l'espace d'une vie, de vivre toutes celles que l'on aurait aimé vivre. Ce n'est pas simplement un passe-temps ou une façon de combler un vide, c'est aussi le moyen le plus sûr de se connaître intimement, d'accéder au plus près à ce qui fonde notre singularité. C'est aussi une activité qui peut être source de sociabilité. Qui aime lire aime certainement discuter de livres, partager ses opinions, écouter celle des autres, apprendre encore et toujours au travers des mots d'un inconnu sur soi et sur ceux qui nous entourent.
Lire, quoi de plus universel, intemporel et intergénérationnel? Si la lecture n'a plus de sexe, de couleur, ou de religion de nos jours, ce livre s'attache à ce plaisir décrié aujourd'hui comme étant le plaisir féminin par excellence. Un hommage à nous femmes lectrices, maîtres de nos choix et libres de nos opinions.
La lecture entre femmes, écrite par des femmes pour des femmes, tisse, en effet, un lien de solidarité qui inquiète bien des hommes – hommes de loi, hommes d'hygiène, hommes de religion, etc. Tous à leur manière.
Le plus étonnant, dans tout cela, c'est que toutes ces femmes peintes et photographiées un livre (ou un journal) à la main, ça ne s'était jamais vu. Les femmes, nous avions plutôt le souvenir de les avoir vues en cuisine, en maternité, en prière, en deuil, au bal, à l'atelier, et même au travail. Mais à la lecture, jamais.
Le premier mérite des Femmes qui lisent et de nous mettre face à la découverte de celles qui écrivaient ! De Louise Labé, de Mme de La Fayette, de May Ziade, de Jane Austen, des sœurs Brontë. Certes, vous pouviez vous dire que celles-là étaient exceptionnelles. Des cas d'espèce. Des presque monstres. Mais la surprise naît de voir les autres, les normales, les banales, les innombrables, les mères, leurs filles, leurs sœurs, plongées « naturellement » dans cette activité familière, la lecture.
Un ouvrage exquis à feuilleter avec délicatesse, à mettre entre les mains de toutes les femmes « dangereuses », et plus encore celles en devenir.
Soyons dangereuses et fières de l'être !…
Belle lecture !
Paru dans L'Observateur du Maroc n°206


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