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Une réforme pourquoi faire ?
Publié dans L'observateur du Maroc le 23 - 10 - 2008

La réforme du champ religieux a été comparée à une révolution au sein de l'institution religieuse (nafrat al oulama). Son objectif est de mettre les oulémas au devant de la scène par une stratégie de proximité et ainsi couper l'herbe sous les pieds des extrémistes et à arrêter le flot des fatwas anarchiques. La dernière fatwa qui est tombée sur la tête des Marocains est bien sûr celle du désormais « tristement » célèbre, Mohamed Magharoui, salafiste marocain connu depuis longtemps pour être un adepte du wahhabisme. Dar al quran qu'il dirige ne date pas d'hier. C'est l'héritier de Mohamed Taqi Eddine El Hilali, le père spirituel du salafisme moderne - si l'on peut dire - au Maroc. La reforme veut aussi être une barrière dressée contre l'islam importé, celui des chaînes satellitaires, du chiisme et de l'ingérence des mouftis Moyen-orientaux et des nouveaux clercs, devenus les vedettes des chaines arabes. Un autre volet de cette politique consiste à parrainer des confréries religieuses et des zaouias.
La première édition des rencontres nationales Sidi Chiker des adeptes du soufisme a eu lieu quelques jours seulement avant la tenue du Conseil supérieur des oulémas à Tétouan. Coïncidence? Voire. Ces rencontres, auxquelles avaient participé les représentants de 44 zaouias des différentes régions du pays, démontre l'intérêt que l'Etat commence à porter aux zaouïas. Lors d'une séance-débat, animée par le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, la question de la redynamisation de la mission de ces confréries a été débattue. Les représentants des zaouïas avaient présenté des propositions axées notamment sur la nécessité de leur consacrer d'attention et de mettre à leur disposition les moyens nécessaires à leur existence.
En un mot, si les zaouias devaient jouer un rôle dans la politique de l'Etat, celui-ci doit mettre la main à la poche. Taoufiq a affirmé la disposition de son département à répondre favorablement à ces propositions. Les relations entre le palais et les zaouïas ne datent pas d'hier, chaque zaouia connue au Maroc a son représentant au cabinet royal. Le chambellan du Roi et un proche conseiller gèrent ce dossier au quotidien. Du temps d'Hassan II c'était Ahmed Benssouda qui gérait le dossier. Lors de chaque moussem, l'un des deux représentants du Roi en charge de ce dossier fait le déplacement et remet une dotation royale aux chorfas de la zaouia. L'événement est bien sûr largement repris dans les médias officiels. La version internationale des rencontres de Sidi Chiker des adeptes du soufisme sera désormais tenue tous les deux ans, au printemps.
Monopole du pouvoir
La rencontre nationale se tiendra, quant à elle, régulièrement à l'intention de la mouvance soufie implantée au Maroc. Longtemps négligé, ce moussem des zaouias a été sorti de l'oubli en 2004. Le soufisme commençait à prendre de plus en plus de l'impotence dans la stratégie de l'Etat. Ce qui fait réagir les représentants de l'islam politique comme le MUR (Mouvement unité et reforme), ou Al Adl walihssan qui rvoient dans cette action un monopole aux mains du pouvoir de la chose religieuse. Selon un membre du secrétariat national du PJD, la tarîqa boutchichia ne pourra jouer aucun rôle au sein de la société du fait qu'elle ne s'est pas imposée au Sahara. Le président du MUR, Mohamed Hamdaoui affirme que les associations islamiques seront une valeur ajoutée pour l'Etat. Par ailleurs, la présente réforme se veut un perfectionnement de celle de 2004 qui a posé les premiers jalons, mais qui n'a pas su ou pu instaurer une proximité entre les oulémas et la société. C'est l'objectif de la nouvelle reforme qui devra faire fasse à de nouveaux défis posés par les chaînes satellitaires arabes, les sites internet…
Difficile encadrement
Plusieurs jeunes passent du jour au lendemain de la délinquance à l'intégrisme. Selon Mohamed Hamdaoui, aucun intervenant officiel ou non ne pourra, aujourd'hui, relever, seul le défi de l'encadrement religieux au Maroc : « Nous approuvons cette reforme puisqu'elle valorise le rôle des oulémas, ce qui va dynamiser la fonction de la mosquée. Mais les institutions officielles ne pourront pas à elles seules relever ce défi. Il est impératif d'associer la société civile et les associations islamiques », prône-t-il. Selon Mohamed Khalfi, directeur du journal Attajdid proche du PJD, la réforme, malgré son coté positif, demeure habitée par le souci d'intégrer les oulémas au champ officiel. Le 6 octobre dernier, le MUR avait publié un communiqué où il appelait ouvertement à calquer la politique de l'Etat en matière de religion sur les autres aspects de la vie quotidienne comme les medias, la jeunesse et l'enseignement, en plus de l'association d'autres acteurs non institutionnels à la réforme. Selon les observateurs du champ religieux marocain, la réforme aurait d'autres objectifs inavoués : canaliser l'influence chiite qui se fait de plus en plus ressentir depuis quelques années. Selon une source bien informée, 120 étudiants marocains poursuivent actuellement des études supérieures en Iran. En Europe 20 000 Marocains auraient été convertis au chiisme. Les chiites Marocains ont même leur propre support de presse et quelques sites internet pour communiquer à l'instar de leurs ennemis jurés, les salafistes et les wahhabites marocains qui ont mis en ligne un site dédié à combattre le chiisme au Maroc. La religion est soumise actuellement à une forte demande sociale. Les études sociologiques démontrent la montée en flèche du sentiment religieux dans toutes les classes sociales. Le vrai défi pour Mohamed Hamdaoui est de pouvoir répondre à la demande des Marocains de fatwas au lieu de s'adresser aux mouftis des télés du Moyen orient. « La politique de proximité apportée par la réforme ne doit pas se limiter au nombre de conseils provinciaux, elle doit aussi dire comment nous pourrons être présents sur les chaînes satellitaires. Nous sommes appelés à produire des oulémas qui pourront se positionner au niveau du monde islamique. Un but qui n'est pas encore atteint pour l'instant. Aujourd'hui en Orient, on ne connaît des oulémas Marocains que Allal El Fassi Ou Mehdi Benaboud ».
D'autre part l'épineuse question de la fatwa tarde toujours à être institutionnalisée. Le Conseil supérieur des oulémas n'arrive toujours pas sortir une fatwa portant sur les taux d'intérêt. Cela fait tout de même plus de deux ans que le besoin social s'est manifesté. Selon Ahmed Raissouni fondateur du MUR et membre du Conseil des docteurs en loi musulmane à Djeddah, personne ne peut interdire à un alem d'émettre un point de vue sur la vie quotidienne. Pour Mohamed Hamdaoui, dans chaque site internet islamique on trouve une rubrique consacrée aux questions de la vie quotidienne et à sa conformité avec la charia. « Si on ne donne pas aux gens une réponse, ils vont aller la chercher ailleurs ». Pour sa part l'Association Al Adl Wal ihassan n'a pas réagi à l'annonce de la reforme. « Notre position sur les initiatives du pouvoir est connue et demeure inchangé, déclare Fatallah Arsalane, le porte parole du mouvement, qui précise que si le mouvement ne réagi pas c'est parce qu'il a « une ligne de conduite et une position claire vis-à-vis des initiatives du pouvoir que ce soit en matière de religion ou autre ».
Le alem scientifique
Mohamed Khalidi fondateur du parti Renaissance et Vertu appelle à intégrer les oulémas dans la vie politique au Maroc. En réaction, la veille des élections, à l'appelle d'Ahmed Taoufiq aux oulémas pour qu'ils restent apolitiques, Khalidi avait dit que les oulémas auront une nouvelle fonction, réciter des psalmodies sur les morts dans les cimetières. Pour concrétiser cette vision d'intégration, Khalidi avait accrédité l'imam Abdelbari Zemzmi pour se porter candidats aux législatives de 2007. Zemzmi est devenu le seul Alem parlementaire. Le 4 juillet 2008, à Oujda, le parti de la Renaissance et de la Vertu avait organisé une rencontre sur le thème «la participation des Oulémas dans l'action politique, une nécessité légale, historique et morale». Le parti que dirige l'ancien membre du PJD et compagnon d'Abdelkrim Khatib, a été fondé en 2006 pour essayer d'intégrer les oulémas dans la vie politique. Une tentative qui a échoué, le PRV n'a réussi à placer qu'un seul député, Abdelbari Zemzami en l'occurrence. Pour Khalidi, afin d'éviter l'amalgame comme la Fatwa de Magharoui, « un alem doit aussi avoir des connaissances en psychologie et en sciences médicales. Il ne suffit plus d'avoir un diplôme en études islamiques pour être alem ». Concernant la nouvelle réforme Khalidi prône l'ouverture sur d'autres composantes pour e pas se limiter au seul ministère des Affaires islamiques ? Et pourquoi pas, suggère- t-il, un Conseil supérieur pour les Affaires islamiques.
Les inspecteurs du culte
La nouvelle réforme s'articule autour de cinq décisions majeures : la refonte de la carte de déploiement des Conseils locaux des ouléma afin de les généraliser à l'ensemble du pays, la création d'un Conseil des oulémas pour la communauté marocaine en Europe qui fera office de conseil local et où siègeront 18 membres, la mise en place de mesures incitatives pour les constructions légales de mosquées, la mise à niveau et la prise en charge du personnel religieux et le lancement de "Mithaq Al Oulamae" (Pacte des ouléma).
Chaque province disposera ainsi de son propre Conseil. Cette mesure aspire à intégrer les spécificités et les coutumes propres aux habitants de chaque région. Le nombre des conseils passera de 30 à 69. La réforme tend aussi à réglementer la construction et la gestion des 42.000 mosquées. Pour lutter contre les mosquées anarchiques qui constituent le foyer de propagation de l'intégrisme, des mesures incitatives pour les constructions légales sont annoncés, comme l'exonération de 50 % de la TVA et la consolidation des mosquées en tant que lieux de culte d'orientation spirituelle et d'alphabétisation. Ces activités seront plus contrôlées par les conseils provinciaux. Les imams font aussi partie de cette vision, le programme pour l'encadrement et la mise à niveau des Imams sera dotée d'une enveloppe financière de 200 millions de dirhams. 2.000 alems seront mis à contribution pour l'encadrement et la formation des imams. Ces derniers seront obligés de tenir une réunion deux fois par mois avec un membre du conseil provincial des oulémas, afin que leur mission d'orientation soit en conformité avec la tradition sunnite, le rite Malekite et l'attachement à Imarat Al Mouminine. Les Alems feront office d'inspecteurs du culte et seront appelés à se déplacer dans les mosquées. Chaque alem aura à encadrer 40 mosquées. Des ajustements peuvent être apportés au cas où une commune abriterait plus de 40 mosquées de façon à assurer un encadrement équilibré et une saine répartition de la gestion du fait religieux. Il sera procédé à une nouvelle répartition des imams lauréats des instituts de formation de façon à couvrir toutes les collectivités, avec une moyenne de 3 collectivités par imam. Ces lauréats auront également pour tâche d'épauler les oulémas encadrants.
La création de la Fondation Mohammed VI des oeuvres sociales pour le personnel religieux mettra les moyens nécessaires pour améliorer leur situation, sachant qu'ils bénéficient actuellement d'une couverture médicale avec un budget de 62 millions de DH.


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