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L'espoir KOFI ANNAN
Publié dans L'observateur du Maroc le 27 - 03 - 2012

La guerre civile est la pire. La plus cruelle et la plus imaginative. A croire qu'on ne hait bien que ce que l'on connait depuis toujours. Dans les Balkans, les frères ennemis yougoslaves se sont acharnés à terroriser et à massacrer les civils. Au Liban, pendant quinze ans, la haine du voisin a dopé les miliciens qui ont réinventé la guerre urbaine, avec les snipers, les voitures piégées, les prises d'otages, le nettoyage ethnique et l'usage détourné de toutes sortes d'armements. C'est dire si leurs voisins syriens ont été à bonne école…
Les massacres découverts dans deux quartiers de la ville de Homs témoignent de la descente aux enfers du pays. Un palier a été franchi avec ces dizaines de femmes et d'enfants dont les corps ont été suppliciés. Les vidéos qui circulent montrent des victimes assassinées à l'arme blanche, parfois égorgées et souvent les mains attachées.
Ces crimes ont été commis de sang froid. La volonté de terroriser est manifeste car certains cadavres sont mutilés et d'autres carbonisés. Au moins trois tueries distinctes ont été recensées à Karm Al Zeitoun, Djobar et Al Adawiyé qui sont des quartiers mixtes où habitent aussi bien des partisans de Bachar el Assad que ceux de l'opposition, des Alaouites, des Sunnites et des Chrétiens. C'est toujours dans les régions métissées que les débuts d'une guerre civile sont les plus féroces. Comme il fallait s'y attendre, le régime syrien et les rebelles s'accusent mutuellement des massacres et les deux tentent d'exploiter l'émotion qu'ils suscitent.
Le Conseil National Syrien en appelle à une intervention militaire internationale immédiate. Alors que Damas accuse les gangs terroristes et dénonce les pays du Golfe qui seraient leurs complices. La vérité est toujours la première victime de la guerre et il faut l'irresponsabilité des médias pour prétendre la connaitre. Surtout quand la guerre est civile car les protagonistes cherchent à conquérir l'opinion et s'autorisent cyniquement manipulations, provocations et terreur. Les militants des Droits de l'Homme prennent de grands risques en Syrie en cherchant à collecter témoignages et preuves d'exactions. Mais en attendant que des enquêteurs indépendants puissent se rendre à Homs pour établir la vérité des massacres, on est réduit à relever deux évidences.
D'abord, les crimes contre l'humanité se multiplient en Syrie qu'il s'agisse de civils assassinés, d'habitants pris au piège des bombardements, de soldats faits prisonniers et victimes d'exécutions sommaires ou de familles prises en otages. Secondo, l'accablante responsabilité des autorités syriennes dans l'aggravation de cette violence. Cela explique que l'opposition ait de plus en plus de partisans malgré ses divisions qui ont tendance à s'aggraver et bien qu'elle reste incapable de faire le poids face à la machine solide de l'armée syrienne. Le rapport que publie Amnesty à l'occasion du premier anniversaire de la révolte révèle que le recours à la torture est généralisé, systématique, aveugle. Il s'agit de briser toute opposition par la peur.
A l'image de la stratégie suivie par l'armée syrienne au fur et à mesure que la révolte s'étend. L'état major s'emploie à écraser tous les fiefs rebelles sous un déluge de feu. D'abord dans la périphérie de Damas, puis en remontant sur un axe Nord Sud de Homs à Idleb. L'armée verrouille en même temps les zones frontalières, notamment en les minant. Il s'agit moins de piéger les opposants que de barrer la route aux renforts et aux armes venus de l'étranger.
Vitrifier les abords, taper très fort sur l'opposition et à court terme, lancer des réformes cosmétiques : c'est la tactique mise en oeuvre depuis trois semaines pour changer le rapport de forces. Cette sauvagerie hypothèque la recherche d'une solution politique. Elle interdit aux protagonistes un retour en arrière. Avec les victimes des crimes de masse, c'est toute chance de trouver un compromis qui est enterrée.
Le seul espoir d'échapper à cette logique du pire repose sur Kofi Annan. L'ancien Secrétaire général connait par coeur la tuyauterie diplomatique et tous les acteurs du drame, à Damas comme dans le Golfe ou à Moscou. Lui seul semble désormais capable de sortir de l'impasse où s'est mise la communauté internationale et d'enrayer cette machine infernale de la guerre civile.
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