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France-Islam : Halte à l'escalade
Publié dans L'observateur du Maroc le 28 - 10 - 2020


Par Ahmed Charaï

Depuis le discours d'Emmanuel Macron lors des funérailles du professeur décapité, la toile est en ébullition. Certains condamnent, d'autres vont plus loin et réclament le boycott des produits français. Les propos du Président français étaient-ils à ce point islamophobes ?
En vérité, Il y a surtout une maladresse quand il affirme que «l'Islam est en crise», constat par ailleurs partagé par beaucoup de musulmans, qui cependant ne veulent pas que les autres s'en mêlent et surtout pas le chef d'un Etat laïc.
D'ailleurs l'essentiel du discours de la Sorbonne était consacré à la laïcité et à sa défense. Ce principe est essentiel dans l'histoire de la France parce qu'il a permis d'en finir avec les querelles religieuses. C'est dans ce cadre que le droit au blasphème existe.
L'émoi suscité par ce discours est surfait et cache mal des considérations géopolitiques, en particulier pour la Turquie, impliquée dans plusieurs conflits et dont les désaccords avec Paris se multiplient. Ankara se saisit de ce thème de l'islam pour faire pression sur la France et créer une diversion vis-à-vis de l'Union européenne, tentée de durcir le ton sur le conflit turco-grec.
Au-delà de ces considérations, la société française a un gros échec dans ses politiques d'intégration. La ghettoïsation de fait rend difficile une simple intégration et illusoire toute assimilation. Quelques courants régressifs jettent de l'huile sur le feu, les uns en agitant l'Islamophobie, les autres en soutenant l'extrémisme.
Mais l'Etat français ne peut être soupçonné de racisme systémique. L'une des erreurs est de vouloir s'immiscer dans l'organisation du culte musulman. C'est une erreur parce que l'Etat laïc n'est pas outillé pour le faire et que cela crée des tensions gratuites. Ainsi, interdire le financement étranger signifie financer le culte, ce qui est contraire à la constitution.
Tous ces aspects sont franco-français. L'émigration massive de ces dernières décennies et le chômage endémique ont créé des sentiments d'exclusion exacerbés par les discours d'extrême-droite. Malheureusement, cet enjeu sociétal est devenu un enjeu politique, électoral. Il risque même d'être le thème essentiel de la prochaine présidentielle. La tempête actuelle n'est pas très rationnelle. Elle conforte une partie de l'opinion publique musulmane dans le refus de l'altérité considérée comme automatiquement belliqueuse.
Ce n'est pas la voie de la raison. Il faut renforcer les échanges entre les civilisations, les cultures, les religions pour pouvoir construire un monde de paix où la mondialisation ne se limiterait plus à la circulation des biens. Les raidissements ne vont pas dans le bon sens.


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