Dans une interview avec la chaîne sportive ESPN, Hicham El Amrani, directeur général du Comité de la candidature du Maroc pour le Mondial 2026, livre son avis concernant le dossier marocain, ses forces et ses faiblesses. Il se montre surtout confiant et répond du tac au tac à ses intervieweurs américains au sujet du dossier marocain. ESPN: Le Maroc a devant lui des adversaires redoutables (Canada, USA, Mexique), comment croyez-vous alors pouvoir remporter l'organisation du Mondial 2026, et pourquoi avez-vous confiance en votre dossier?
M. El Amrani: il ne s'agit pas de comparer les infrastructures des stades pour donner un candidat gagnant. Les Américains disposent de stades de qualité et nous le savons, c'est évident. Ce qui nous rend confiants, ce sont les progrès réalisés par le Maroc au cours des 20-30 dernières années au niveau économique, social, politique, et en termes de développement sportif.
Nous estimons que nous sommes en mesure d'organiser une Coupe du Monde, et d'encourager davantage ce développement en utilisant le football non seulement comme un festival sportif, mais aussi pour transformer la vie des gens. Nous disons très souvent que le football transforme la vie des gens, mais parfois nous ne savons pas ce que cela signifie. C'est là où se positionne l'offre marocaine. Cette compétition est l'opportunité pour une population et pour tout le continent africain de reprendre confiance, tout comme c'était le cas pour l'Afrique du Sud en 2010, lorsque beaucoup de gens remettaient en question sa capacité à organiser le Mondial 2010. Nous sommes confiants car des fédérations du monde entier voteront le 13 juin prochain. C'est à nous alors de montrer la capacité du Maroc à accueillir un tel événement. Il ne s'agit pas de dire que les stades marocains seront plus grands que les stades nord-américains. Il s'agit de ce que la Coupe du Monde 2026 représente pour nous et pour un continent entier.
ESPN: Le Maroc joue la carte du fuseau horaire et de la facilité de déplacement entre les villes (les vols internes ne dépassant pas 1h 15min). Il promet un tournoi plus "intime". Est-ce la plus grande force du Maroc? M. El Amrani: Je ne peux pas dire si l'offre marocaine est meilleure. C'est à la Fifa d'en décider. Mais quand vous parlez d'"intimité", je suis d'accord avec cela.
En effet, il ne s'agit pas seulement d'un tournoi "intime", mais d'une offre qui bénéficie, entre autres, à deux groupes qui ne sont, en général, pas pris en considération lors d'événements majeurs: les joueurs et les fans. Si l'offre marocaine est choisie, les joueurs vont parcourir de très courtes distances à bord d'avions ou du TGV, et disposeront de camps de base proches des stades. Si les joueurs voyagent moins, ils se reposeront plus, et joueront mieux. C'est un fait. Concernant les supporters, plus les distances à parcourir sont longues plus elles seront chères. Le Maroc est un pays émergent. Nos offres en termes d'hébergement, et nos destinations touristiques s'accordent donc avec différents budgets.
ESPN: Le Maroc n'a pas réussi à décrocher l'organisation des Coupes du Monde précédentes avec 38 équipes. Croyez-vous qu'il dispose à présent des infrastructures nécessaires pour accueillir une Coupe du Monde à 48 équipes?
M. El Amrani: Le pays a beaucoup évolué depuis notre dernière tentative en 2003. Le PIB est multiplié par 2,5, et le tourisme par trois. Nous avons donc appris de nos erreurs, et de nos expériences. C'est la cinquième fois que le Maroc est candidat pour l'organisation d'une Coupe du Monde. Notre offre pour 2026 ne peut en aucun cas être comparée aux précédentes car tout le paysage a changé. La Coupe du Monde nous permet, en tant que nation émergente, de progresser et de se développer encore plus. Etre passionné de football ne fait pas de vous un bon hôte. Ce n'est pas suffisant. C'est une bonne chose, mais si vous vivez et respirez le football, c'est beaucoup mieux, cela rendra la Coupe du Monde fantastique.
ESPN: Donald Trump pourrait-il se révéler l'un des plus grands atouts de la candidature marocaine en raison du climat politique mondial actuel et, plus particulièrement, de sa récente référence aux pays africains de "pays de merde"?
M. El Amrani: Je ne peux pas répondre à cette question parce que je me concentre uniquement sur notre candidature. Nous nous concentrons sur nos qualités. Mais ce que je peux dire, c'est que nous ne voulons pas gagner grâce à quelqu'un, mais plutôt grâce à la qualité de notre offre. C'est important pour nous.
ESPN: Vous devez convaincre au moins 104 associations liées à la FIFA de voter pour le Maroc, alors préféreriez-vous être respecté ou sous-estimé par vos concurrents?
M. El Amrani: Je voudrais qu'on soit respecté. Que nous soyons sous-estimés ou non, c'est vraiment à eux de voir. Lorsque nous avons commencé à travailler sur notre offre, nous avons avancé sans nous soucier de notre adversaire, parce que nous croyons en nos forces et en notre concept. Nous croyons en notre capacité d'accueillir cet événement, tant que nous sommes convaincants et que nous fournissons une sécurité et des garanties suffisamment fortes. Vous savez, en plus de la sécurité que nous garantissons au Maroc, nous avons tout un gouvernement qui nous soutient à 100%, voir plus. Nous profiterons de l'événement pour construire six nouveaux hôpitaux et rénover environ 18 ou 19 autres. La Coupe du Monde permettra de dynamiser la mise en œuvre de ces projets et c'est pourquoi nous travaillons avec engagement et motivation.
ESPN: Que signifie, pour le Maroc et l'Afrique, de remporter la partie face au dossier nord-américain? M. El Amrani: Je ne suis qu'un soldat parmi l'énorme équipe qui accompagne la candidature marocaine, soutenue par tout un pays et un continent, mais ce sera un rêve devenu réalité.
Je suis un passionné de football et j'ai pu constater, d'après mes expériences précédentes en Asie et en Afrique, le pouvoir du football en termes de changements économiques et sociaux. Je crois fermement au pouvoir de la Coupe du Monde. Je ne pense pas avoir manqué un match du Maroc lors d'une Coupe du Monde, quel que soit le fuseau horaire, parce que c'est quelque chose de spécial pour moi. 1986 était ma première Coupe du Monde. Nous avons terminé en tête du groupe et avons joué contre l'Allemagne au deuxième tour. Je me souviens qu'après notre départ, il y avait peut-être 2 millions de personnes dans les rues pour célébrer le passage du Maroc au second tour. C'était juste incroyable. C'est là qu'on voit la passion. Lorsque vous voyez des gens pleurer de joie, ou que votre propre père court comme un fou et pleure de joie, c'est vraiment spécial.