C'est Luc Besson qui a choisi le titre du film Home, un clin d'œil à ET et sa maison. Vous, vous auriez plutôt préféré Boomerang. Pourquoi un tel titre ? Boomerang était le titre originel du film. C'était à la fois le nom de code du projet et un titre provisoire. Il montrait bien que nous sommes responsables de ce qui nous arrive. La menace du changement climatique ne vient pas de nulle part. Elle a son origine dans nos émissions de gaz à effet de serre, liées à notre consommation de pétrole, de charbon et de gaz. La cause de ce phénomène est humaine. La conception de ce documentaire a duré presque deux années. Qu'est-ce qui vous a le plus frappé durant cette période ? Le but du film est de montrer que la Terre, la vie et l'humanité forment un tout et que nos destins sont liés. Que ce qui se produit à un bout de la planète peut avoir un impact à l'autre bout. J'ai eu le sentiment qu'un même modèle de consommation semble se propager à l'ensemble de la planète : une banlieue résidentielle de Pékin, en Chine, ressemble visuellement à une banlieue de Las Vegas. Dans quel état se trouve donc notre planète ? C'est une question de point de vue. D'un côté, on peut dire que la moitié des forêts originelles de la planète a disparu. De l'autre, on peut dire que la moitié de ces forêts est toujours là. Et qu'il y a donc de l'espoir. L'idée n'est pas d'enfermer les gens dans une impasse. Si nous sommes bien dans une forme d'impasse - la Terre a des limites - on peut néanmoins sortir de cette impasse. D'abord en consommant moins, quand on fait partie de ces 20% des habitants de la planète qui consomment - surconsomment serait plus juste - 80 % de ses ressources. Pourquoi un photographe, un producteur de cinéma et un industriel se sont-ils associés pour réaliser ce film ? Qu'y gagne chacun d'entre vous ? N'est-ce pas contradictoire de voir un groupe comme Pinault dans un tel projet ? Au niveau matériel, je dirais que personne n'y a rien gagné. Je n'ai pas été payé et le producteur n'en a tiré aucun profit. Quant au groupe PPR, dirigé par François-Henri Pinault, il a fait un don, sans être pour autant présent dans le contenu du film. Home est un film d'intérêt public, que nous voulons partager avec le plus grand nombre. Dans le film, on parle du pétrole sans stigmatiser les pétroliers, car cela ne servirait à rien. Les compagnies pétrolières ont des clients, et ces clients, c'est nous. Elles travaillent pour nous. Le consommateur est aussi responsable que le producteur. À sa manière, le groupe PPR a été courageux, parce que nous sommes nombreux, individuellement et collectivement, à être dans le déni. Nous savons mais nous ne voulons pas croire et en tirer les conséquences. Selon vous, les pays émergents ne devraient pas suivre la voie des pays développés mais consommer l'énergie autrement. Comment ? Je ne suis pas certain que les pays émergents suivent ou suivront les pays dits développés. C'est en Chine qu'il y a le plus de chauffe-eau solaires, pas en Europe ou en Amérique du Nord. Ce n'est pas le développement qui est en cause, c'est une forme de développement, construite sur le gaspillage d'énergie. Pour le moment, la consommation de pétrole est incontournable. Quelles seraient donc les alternatives dans l'immédiat ? Je ne pense pas que cela soit inévitable. Et nous n'avons pas intérêt à puiser dans les réserves pétrolières jusqu'à la dernière goutte. Le pétrole est une ressource finie, qui s'épuisera tôt ou tard, nous devrons donc apprendre à nous en passer. Les maisons neuves sont deux fois plus grandes que celles qu'on construisait il y a 40 ans. Pourquoi ? Il n'y a pas de raison à cela, surtout que les familles sont moins grandes. Dans les pays développés, on parcourt toujours plus de kilomètres en voiture. Ce n'est pas justifié. Ce sont toutes ces questions qu'il faut se poser pour retrouver le sens des proportions. Ce qui revient à consommer moins. Vous souhaitez, à travers ce film, sensibiliser le maximum de personnes dans le monde. Le Maroc est-il concerné par cette campagne ? Nous avons tourné des images de Home au Maroc, dans les vallées de l'Atlas. D'après mes informations, le film n'est malheureusement pas bien diffusé au Maroc. J'espère qu'il passera à la télévision et dans les cinémas. À différents niveaux, les Marocains sont confrontés à la rareté de l'eau douce, alors que les pêcheurs font face à l'épuisement de certains stocks de poissons… Cela doit faire réfléchir. Comment chaque individu peut-il réagir à son échelle pour protéger son environnement ? L'écologie n'est pas un problème de riches. C'est un devoir, une responsabilité de riches. Nous ne sommes pas tous concernés de la même manière. Mais nous devons être solidaires. L'extrême richesse comme l'extrême pauvreté ne sont pas soutenables. Que risque-t-il de se produire si rien n'est fait ? Les pays occidentaux en pâtiraient-ils les premiers, ou bien les pays en développement et les pays pauvres ? Dans Home, j'évoque un horizon de 10 années. C'est très peu, mais c'est aussi beaucoup si nous sommes 6 milliards à agir. Certains pensent qu'il est déjà trop tard. Personnellement, je pense qu'il est surtout trop tard pour être pessimiste. Le changement climatique est déjà là et fait sentir ses premiers effets. En Australie, pays riche, l'agriculture est touchée par des sécheresses répétitives et par des incendies catastrophiques. Au Bangladesh, pays pauvre, les typhons sont de plus en plus violents et les dégâts sont énormes. Il n'y a plus vraiment de différence. C'est d'autant plus injuste pour les pays pauvres qui ne sont pas les premiers responsables et qui manquent de moyens pour faire face à un climat qui change. Propos recueillis par