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L'Algérie veut-elle la guerre ?
Publié dans Le temps le 29 - 01 - 2013

Alger continue de s'armer, relançant l'inquiétude internationale quant à un conflit armé avec le Maroc.
L'Algérie ne fait plus l'actualité qu'à travers les commandes d'armes. Ce constat est à prendre très au sérieux puisque, depuis 2006, le voisin de l'Est s'est jeté à fonds perdus dans une course débridée à l'armement, ce qui lui a valu le «privilège» de figurer, selon le dernier rapport de l'Institut de Stockholm (SIPRI), parmi les dix premiers gros importateurs d'armes au monde. Le palmarès est sans appel.
Alger est classée 9è à l'échelle mondiale, 2è sur le continent africain, mais première (bien première) dans la région du Maghreb ! Un «leadership» arabe, africain et maghrébin qui n'a toutefois pas calmé les ardeurs de l'ALN (Armée de libération nationale, Algérie), qui continue de s'armer. Voire. Se surarmer. Mais quelle frénésie a-t-elle, finalement, pris les généraux d'Abdelaziz Bouteflika ? Qu'est-ce qui aurait justifié tous ces stockages d'armes ? Est-ce l'effet de l'embargo militaire qui a été imposé au voisin de l'Est en début 90 et qui s'est poursuivi jusqu'en 2006 ? Ce «sevrage», qui lui a été «prescrit» 16 ans, pourrait-il expliquer à lui seul cette soif démoniaque ? Le Maroc ferait-il peur à Alger à ce point? La psychose d'une nouvelle «guerre des sables» (1963) en serait-elle réellement le mobile ? Le conflit factice autour du Sahara peut-il, à la fin des fins, dégénérer en guerre ouverte entre Rabat et Alger ? Les indicateurs sont plutôt au rouge.
Mise en garde de la CIA
Les fuites provenant de Langley, siège de la CIA en Virgine (Etats-Unis), ne sont pas du tout rassurantes. Début décembre, le renseignement américain avait levé l'alerte en faisant état de «montée de tension» entre Alger et Rabat sur fond de conflit saharien. D'après une récente note secrète, transmise à la Maison Blanche et au département d'Etat, le Maroc aurait mis ses forces armées en état d'alerte maximale dans le sud et s'apprêterait à en découdre avec le Polisario si jamais celui-ci tente la moindre opération militaire contre le Maroc. Cette «alerte», supposée ou réelle, s'expliquerait par un acheminement de «beaucoup de matériel militaire dernier cri aux combattants du front indépendantiste», avait relevé la même source. Elle ajoute que les agents du DRS –services de renseignement militaire algériens- tenaient régulièrement des réunions avec des cadres militaires du Polisario afin de les conditionner et les inciter à une action d'éclat contre les Forces Armées Royales. Thèse que venaient confirmer les déclarations belliqueuses du chef du Polisario, Mohamed Abdelaziz, ainsi que les incursions répétitives des milices armées du front dans le territoire marocain en violation de l'accord de cessez-le-feu signé en octobre 1991. En réaction, Rabat avait saisi à maintes reprises le SG de l'ONU, le Conseil de sécurité, ainsi que les dirigeants des grandes puissances mondiales, sur ces dérapages «dangereux», affirmant se réserver le droit de riposter avec fermeté contre toute tentative d'imposer un quelconque «fait accompli» ou toute volonté de changer la «donne géopolitique» dans la région. Sur ce registre, les experts de la CIA se sont dits quasiment certains que «l'armée marocaine ripostera avec beaucoup de détermination et pourrait même utiliser le droit de poursuite à l'encontre du Polisario sur le territoire algérien».
Evénements de Gdim Izik, signature d'Alger ?
Il est vrai qu'Alger n'a pas été, officiellement, mise en cause dans les incidents sanglants de Gdim Izik, survenus fin décembre 2010 dans la région de Laâyoune. Mais personne, ici ou ailleurs, ne pouvait ignorer l'implication avérée du renseignement algérien dans l'orchestration de ces événements. Pour s'en rendre compte, il suffisait de constater qu'Alger avait emboîté le pas à Madrid pour «exiger» une enquête des Nations unies sur des événements qui ont pourtant fait 11 victimes tragiques parmi les soldats marocains. Et puis, il y avait ces techniques de guérilla utilisées pour la première fois par les séparatistes de l'intérieur et qui portaient à penser que les auteurs de ces événements, en majorité de faux «ralliés», avaient été entraînés à Tindouf et téléguidés à partir d'Alger. Les cris d' «Allah Akbar» poussés par des «égorgeurs» avaient également porté à se demander si ces criminels n'avaient pas été formés par AQMI (Organisation Al Qaïda au Maghreb islamique), qui élit domicile dans la région sahélo-saharienne avec la «bénédiction» du puissant DRS. Objectif de cette opération : créer un «Tindouf bis» au cœur de nos provinces sahariennes !
Justifier les dépenses militaires
Au rythme et dans les proportions des commandes passées entre 2006 et 2011, Alger est aujourd'hui au stade du surarmement. Après avoir fait le «plein» chez la Russie, puis l'Italie, les Etats-Unis, voilà qu'Alger se tourne, -une fois n'est pas coutume-, vers l'Allemagne. Pas plus tard qu'en début juillet, l'agence Reuters faisait état d'un contrat d'une dizaine de milliards d'euros contracté par Alger auprès de Berlin pour l'achat de matériel militaire sophistiqué. D'après la même source, il s'agirait du plus important contrat réalisé en Afrique du Nord ces dernières années. En vertu de ce contrat, Alger va pouvoir se doter de radars hyper sophistiqués pour le contrôle de ses frontières, de blindés de transport Fuchs et de camions tout terrains nec-ultra. En attendant, l'ALN se prépare à réceptionner, -excusez du peu-, 28 chasseurs polyvalents SU-30MKA, 16 avions-écoles de combat Yak-130, 40 chasseurs Mig-29 SMT, moult batteries de défense antiaérienne, un système sol-air capable d'abattre des missiles ennemis et environ 40 chars.
Que faut-il demander encore ?
Alger obtiendra dans le courant 2011 des armements militaires ultra modernes, après avoir passé un accord d'une valeur de 4 milliards d'euros avec l'Italie pour l'achat de 6 frégates FREMM (Frégate européenne Multi-Missions), des navires de guerre équipés de missiles anti-sous-marins américains.
Et ce n'est pas tout. L'Algérie et les Etats-Unis seraient tombés d'accord pour signer un contrat d'armement (avions, drones, missiles entre autres). Au total 2 milliards de dollars de matériel militaire. Les discussions auraient été conclues dans un pays du Golfe. La Grande-Bretagne, réputée être très réservée sur la fourniture d'armes à Alger, vient grossir les rangs des partenaires de l'ALN dans le domaine militaire. Pour rappel, l'armée algérienne avait acquis en 2001 un lot non négligeable de matériel britannique, dont des véhicules tout-terrains légers et du matériel léger servant essentiellement à la transmission et à la vision nocturne et infrarouge pour un montant de 7,2 millions de livres. Tous comptes faits, Alger a acheté pour 2460 millions de dollars (MD) d'armements sur la période 2008-2009.
Profitant de la manne pétrolière, avec des réserves de change des plus importantes dans le monde arabe (138,35 milliards de dollars), le budget du ministère algérien de la Défense a triplé en 2009, passant de 2,5 à 6,25 milliards de dollars.
Lutte antiterroriste, vrai/faux alibi ?
Entre 2006 et 2010, l'armée algérienne se serait procuré 3% des armes vendues annuellement dans le monde. L'argument avancé par Alger pour justifier cet excès est le même : cette vraie/fausse lutte antiterroriste. Il faut dire que le Palais Al Mouradia a exploité à fond la psychose du terrorisme qui s'est emparée des Etats-Unis depuis les tragiques attentats du 11 septembre. Des observateurs avaient d'ailleurs accueilli avec un œil suspect le serment d'allégeance fait par Moussab Abdelouadoud à Al Qaïda d'Oussama Ben Laden, poussant leur suspicion jusqu'à soupçonner un coup monté par le renseignement algérien. Le but recherché par la grande muette algérienne serait l'accréditation de la thèse d'une «Al Qaïda bis au Maghreb», ce qui a permis à Alger de mettre les bouchées doubles pour l'acquisition d'un arsenal militaire impressionnant. Or, le danger terroriste, présumé ou avéré, ne pouvait justifier des dépenses absorbant jusqu'à 3,5% du PIB algérien. La nature du matériel militaire commandé venait d'ailleurs infirmer cette thèse farfelue. Exemple : les frégates de type FREMM pourraient-elle servir à déloger Aqmi du désert algérien ? Quid des navires de guerre modernes équipés de missiles anti-sous-marins américains ? Ou, plus encore, ces missiles sol/air ? AQMI disposerait-elle de sous-marins ou de chasseurs bombardiers pour indisposer à ce point les Robocops surarmés de l'Algérie ?
M'Hamed Hamrouch
Bouteflika, les pieds dans le plat
En épluchant les notes publiées par WikiLeaks, on se rend compte que dès qu'il s'agit du Maroc, Abdelaziz Bouteflika se fourvoie dans les contradictions. En accueillant le sous-secrétaire d'Etat Américain chargé des affaires du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord, David Welch, le président algérien avoue qu'il a besoin d'une solution qui lui permette de «sauver la face». «L'Algérie est empêtrée dans l'affaire du Sahara et elle n'a aucun enjeu dans ce conflit», a-t-il reconnu.
Quand Ouyahya accuse...
«Ces derniers temps, on observe une agitation du lobby officiel marocain aux Etats-Unis pour vouloir impliquer l'Algérie dans l'envoi de mercenaires en Libye, dans l'envoi d'armes en Libye». Et d'ajouter, à propos de ces «accusations» : «Ce genre de choses ne sont pas des facteurs qui aident à l'ouverture de la frontière».
Gdim Izik, la vérité qui dérange...
Evoquant les responsabilités dans les événements de Gdim Izik, la commission d'enquête parlementaire a martelé : «Il y a de nombreuses preuves qui attestent de manière irréfutable du lien direct d'un certain groupe au sein du camp avec l'Algérie et le Polisario. En effet, ce groupe a été encadré à travers des visites successives au camp durant un an et demi. Ainsi, l'ensemble des moyens de communication sans fil de haute technologie, perquisitionnés au camp, au côté de monnaie étrangère en dinar algérien, en euro et en dollar, ont attesté du lien direct du groupe avec les parties étrangères précitées.»
Manhasset : Une joute sans fin
Lancées en juin 2007, les négociations autour du Sahara n'ont donné lieu à aucune avancée substantielle. En cause, Alger qui, au nom d'un certain «droit du peuple sahraoui à l'autodétermination », continue de prêcher l'option de «l'indépendance». Option «irréaliste» et «irréalisable», avait jugé l'ancien émissaire onusien pour le Sahara, le Hollandais Peter van Walsum, avant de rendre le tablier. Son successeur, l'Américain Christopher Ross, n'en est pas au bout de ses peines avec Alger qui ne veut rien entendre à la solution d'autonomie, considérée comme étant la «seule alternative crédible et sérieuse» à un faux conflit plus que trentenaire. La position contreproductive de l'Algérie soulève la question suivante : Pourquoi s'acharne-t-elle à bloquer toute issue à ce bras-de-fer ?


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