Cheb Mami revient sur scène. C'est au Maroc qu'il a choisi de faire son come-back. Le Temps l'a rencontré pour vous. L'enfant terrible du raï reprend du service, au grand bonheur de ses fans. Ce retour, que le chanteur algérien entend placer sous le signe de la continuité, sans rien laisser transparaitre de l'impact qu'auraient pu avoir ses récents déboires avec la justice française. C'est le vendredi 17 juin 2011 qu'il remontait pour la première fois sur scène, au Mazagan Beach Resort, le temps d'un concert qui a fait salle comble et qui n'a pas manqué de rappeler l'engouement qu'ont les Marocains pour ses textes et sa mélodie. Interrogé sur son choix, il répond en toute sincérité : «Je tiens d'abord à signaler que je ne fais aucune distinction de nationalité entre mes fans. Pour moi il n'ya pas de Marocain, d'Algérien ou de Tunisien, nous appartenons tous à la grande famille du Maghreb et par conséquent il n'y a pas de raison particulière à faire passer l'Algérie avant les autres. Concernant le choix du Maroc pour mon premier concert, je dirais simplement qu'en tant que Maghrébin il n'est pas dans mes habitudes de rejeter une invitation. Mazagan Beach Resort a eu la gentillesse de me convier à chanter à El Jadida, je ne pouvais donc pas refuser». Le prince du raï a décidé de tourner la page, considérant son séjour à la maison d'arrêt de Melun comme une pause qui lui a permis de réfléchir, de gagner en maturité et surtout de réaliser tout l'amour et le soutien que lui portent ses fans. Ça sera d'ailleurs la seule partie qu'il acceptera d'aborder, jugeant que le passé n'a pas besoin d'être remué à tort et à travers et que si des leçons étaient à tirer, cela a déjà été fait. Un chanteur cosmopolite De son vrai nom Mohamed Khélifati, Cheb Mami est né le 11 juillet 1966 à Graba-el-oued, l'un des quartiers les plus pauvres de Saida, une ville des hautes steppes de l'ouest algérien, où les hivers sont rudes et les étés torrides. Le défunt père de Cheb Mami était ouvrier dans une usine de papier. Malgré un maigre salaire, sa mère a réussi à les élever décemment, lui et ses huit frères et soeurs. Le père de Cheb Mami leur a inculqué les strictes normes de l'éducation traditionnelle. L'enfance de Cheb Mami s'est déroulée humblement et sans histoire, sauf que qu'il n'était pas très doué pour les études. Il préférait plutôt fredonner des refrains, des bouts de chansons bizarres sorties d'un lecteur de cassettes ou entendues dans les mariages. Il chante dans les cabarets aux côtés de Cheb Khaled, Chaba Fadéla, Cheb Hamid, etc. En 1985, il débarque à Paris avec l'intention d'acheter des instruments de musique pour travailler et façonner son raï comme un sculpteur de sonorités et de rimes. Il y rencontre Michel Lévy qui deviendra son manager et le poussera sur les planches de la Maison de la Culture de Bobigny où se tient en 1986 le premier festival de raï. En 1989, il est le premier chanteur raï à se produire aux Etats-Unis, à New-York puis à Los Angeles. Aujourd'hui, il compte les plus grandes pointures dans ses duos, devenant un véritable virtuose des échanges ethniques et musicaux. Il rencontre de nombreux artistes rap, reggae, dance et flamenco, qui lui inspireront quelques titres mémorables. Il intègre donc Imothep (du groupe IAM), tonton David, K-mel d'Alliance Ethnik entre autres, mais il ne s'arrêtera pas là. Son duo avec Sting reste une référence qui a permis d'exporter le raï outre-Atlantique. Il rajoutera plus tard des participations avec Zucchero, Corneille, Susheela et Ziggy Marley. Mais aucune de collaboration avec un artiste raïmalheureusement. «Je ne me vois pas mélanger ma musique avec au autre chanteur raï pour une raison toute simple. J'ai la ferme conviction que notre musique est faite pour être chantée en symbiose avec des styles issus d'horizons différents. La cantonner dans des collaborations locales serait comme la condamner à la consanguinité et donc à son extinction. Je veux défendre ma musique et ma culture en la mêlant aux plus grands et la faire découvrir à autant de contrées que je le pourrais», insiste-t-il. Une bien belle déclaration qui démontre toute la maturité de l'artiste et la promesse d'une musicalité maghrébine portée sur les autres et sur l'avenir. Yassine Ahrar