Au déficit en infrastructures et logements, le secteur du BTP doit aussi répondre aux contraintes du développement durable. Imaginer une route en béton, au lieu du bitume. C'est possible, mais ce n'est pas pour demain ! Contrairement à l'asphalte, le béton est moins énergivore, mais bien plus cher à première vue. Toutefois, sur la durée de vie d'une route, le béton s'avère nettement bien avantageux. Promouvoir l'économie d'énergie et l'utilisation de techniques de construction dans le bâtiment et travaux publics (BTP) qui soient moins énergivores est devenu, ces dernières années, un souci constant aussi bien pour les responsables publics que pour les professionnels du privé. Mais entre la réflexion ou les bonnes intentions et la réalité sur le terrain, le gap est considérable. «Le débat sur l'efficacité énergétique n'est pas nouveau. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, le Maroc a introduit cette notion dans certains grands projets, particulièrement dans nos provinces sahariennes par exemple. Plusieurs projets somnolent d'ailleurs dans les tiroirs des départements ministériels», rappelle Mustapha Miftah, directeur de la Fédération nationale du BTP (FNBTP). Seule la force de loi peut accélérer les choses. Fini, en effet, la phase de sensibilisation. Place maintenant à la concrétisation. L'application du nouveau code d'efficacité énergétique avance à pas de géant. Dans moins de deux ans, la réglementation thermique dans le bâtiment deviendra obligatoire. D'ici là, tout un travail, bien que déjà enclenché, devra être soutenu. Bilan thermique Force est de constater que le Maroc accuse un retard patent en matière d'efficacité énergétique. Un exemple ? Sur un ensemble de 130 pays, le Maroc est classé centième en matière d'utilisation des panneaux solaires, disponibles sur le marché local voilà maintenant une vingtaine d'années. «Le pays qui en occupe la tête du peloton est Israël, où l'obtention du permis de construire est conditionnée par la réalisation d'un bilan thermique», témoigne Fouad Akaly, directeur général du groupe Archimédia. Les professionnels sont aujourd'hui conscients que le temps n'est plus en leur faveur. Dans un avenir très proche, tout plan de construction, quelque soit le type de bâtiment (standing, hôtels, édifices publics ou écoles), devra prévoir un bilan de performance thermique, dont, valeur aujourd'hui, presque aucun architecte marocain ne sait remplir, selon les dires d'un spécialiste. «L'entrée en vigueur imminente du nouveau code d'efficacité énergétique impose à nos architectes un effort de formation afin de pouvoir manier ce fameux bilan thermique, autrement on fera appel à des cabinets étrangers», soutient M. Akalay. La problématique demeure ainsi posée : «quelle performance énergétique pour nos bâtiments ?» Il faut dire que la course à l'efficacité énergétique est d'ores et déjà lancée. Dans cette perspective, il faut rappeler la convention signée récemment entre l'Agence de développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (Aderee)) et le groupe Al Omrane, en vertu de laquelle l'Agence supportera le surcoût, estimé à 12%, lié à la promotion de l'efficacité énergétique dans ses programmes de logement social. L'Aderee prendra, ainsi, en charge l'équivalent de 12 000 à 14 000 DH par unité produite au profit des promoteurs immobiliers devant réaliser des immeubles pilotes pour le groupe Al Omrane. La consommation de l'énergie sera réduite de 40 à 50%. Mieux encore, l'Agence de Said Mouline mobilise aujourd'hui un budget de 111 millions de dirhams pour encourager les projets de construction à intégrer l'option efficacité énergétique. Un appel d'offre a déjà été lancé et dont les attributions seront connus d'ici le 27 juin prochain. Le coût de tous les procédés et techniques (double vitrage et isolation thermique par exemple) et autre matériaux de construction liés à l'efficacité énergétique sera remboursé par l'Aderee à hauteur de 100%. «Il ne s'agira pas de favoriser tel ou tel procédé de construction, mais plutôt d'atteindre la performance thermique, avec des produits qui soient éco-compatibles, comme par exemple les briques monomur ou l'utilisation de matériaux biosourcés», explique M. Akalay. Pour encourager les opérateurs à se conformer à la nouvelle réglementation, l'Etat essaie de montrer la voie, donne l'exemple et met aussi la main à la poche ! Le privé suivra-t-il pour autant ? Rien n'est moins sûr. Car construire propre a un coût que peu de clients-acquéreurs sont enclin à supporter. Faut-il rappeler que des logements mieux isolés, donc moins énergivores, permettront non seulement au gouvernement d'atteindre ses objectifs en matière de réduction de la consommation d'énergie liée à l'exploitation des bâtiments (chauffage d'eau sanitaire, conditionnement d'air, éclairage…), mais surtout offriront aux ménages propriétaires de ces logements une vie dans une ambiance plus confortable, sans obligation d'équipement supplémentaire d'appareils gourmands en électricité et au final alléger considérablement les factures de fin du mois. 6% du PIB Alors que le Maroc demeure confronté à un déficit chronique en matière de logement, estimé à un million d'unités, d'aucuns estiment qu'il faudrait d'abord résorber cet important déficit avant de s'attaquer au front de l'économie d'énergie. L'efficacité énergétique dans le bâtiment, et plus particulièrement dans le logement, urge plus que par le passé car ce secteur consomme à lui seul 29 % de la consommation d'énergie. Si d'aucuns voient des contraintes dans le nouveau code de l'efficacité énergétique, d'autres perçoivent plutôt des opportunités à saisir. S'il y a un secteur économique dont les opportunités paraissent, en effet, intarissables c'est bel et bien celui du BTP. Car, le Maroc est depuis quelques années s'est mué en un véritable «chantier à ciel ouvert», pour emprunter une formule assez chère aux officiels marocains. Représentant un peu plus de 6% du PIB, le secteur du BTP affiche, en 2010, une valeur ajoutée de 46 milliards de dirhams, en hausse de 1,2%. Cette faible progression s'explique par le ralentissement de l'activité bâtiment en raison de la morosité de l'immobilier. Sur les 60 000 entreprises que compte le secteur, plus de 40 000 unités exercent dans l'informel et ne sont pas localisées. Alors qu'à peine 5000 unités sont organisées. Globalement, à l'exception de certaines grandes entreprises ou PME-PMI bien structurées, les entreprises du BTP sont sous-capitalisées, de tailles modestes, faiblement encadrées, avec des modes de gestion et d'organisation souvent archaïques. Toutefois, le secteur est l'un des premiers employeurs du royaume. En 2010, un emploi sur deux créé par l'économie nationale se fait dans le BTP. Au total, le secteur emploi aujourd'hui près d'un million de personnes. Said El Hadini Trois salons en un Le parc des expositions de l'Office des changes à Casablanca abritera du 21 au 23 juin prochain le Salon international des métiers du bâtiment, Interbat. Organisé par la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc, ce salon se tiendra simultanément avec le forum Bativert initié par Archimédia. Les promoteurs d'Interbat cherchent également à intégrer l'option de l'efficacité énergétique dans le bâtiment en prévoyant sur le même lieu et à la même date un autre salon dédié aux énergies renouvelables. «Bâtir le monde de demain dans le respect de l'environnement». Interbat en a fait sa devise. A noter que ces salons sont exclusivement dédiés aux professionnels (B2B), c'est pourquoi ils se tiendront en milieu de semaine (du mardi au jeudi).