Triste spectacle qu'a offert le président algérien à ses citoyens ! Fatigué et fébrile, Bouteflika peine à convaincre. les mois d'absence médiatique n'ont pas permis à Abdelaziz Bouteflika de se ressourcer. A soixante-quatorze ans, la voix enrouée et le visage plongé dans son texte, il annonçait vendredi dernier une réforme constitutionnelle à venir. Une condition physique inquiétante qui suffisait presque à faire oublier aux téléspectateurs algériens le contenu du discours récité par leur président. Il y était question d'une nouvelle loi électorale, une loi organique pour une meilleure représentation des femmes au sein des assemblées élues, une révision de la loi sur les partis et une nouvelle loi sur l'information incluant une dépénalisation du délit de presse. Autant de promesses qui auraient pu rassurer, si l'on faisait abstraction du fait que lesdites réformes se feront sous sa conduite. Autant dire que Bouteflika ne veut pas entièrement abdiquer et céder à toutes les demandes des manifestants algériens. Il n'y aura donc pas d'assemblée constituante ni de dissolution du Parlement, comme le demandent l'opposition et des associations de la société civile. Replaçons les choses dans leur contexte. En juillet 2008, à huit mois de l'élection présidentielle d'avril 2009, il avait fait réviser la Constitution qui limitait à deux le mandat présidentiel, pour s'octroyer, à l'instar de Ben Ali et Hosni Moubarak, une présidence à vie. Risque de dégénérescence Mais voilà, les changements de régime en Tunisie voisine et en Egypte, le fait que les chefs d'Etat avec qui il s'affichait lors des sommets arabes (Muammar Kadhafi, Bachar Al Assad, Abdallah Ali Saleh, le roi de Jordanie, les monarchies de Bahreïn et d'Oman) soient confrontés à des mouvements populaires exigeant le changement, et que lui-même fait face à une situation socialement explosive, ont pesé lourdement dans sa décision. Selon le rapport de la gendarmerie algérienne, l'Algérie a connu en 2010 plus de 11500 mouvements sociaux. Et depuis le début de l'année, pas moins de 300 rassemblements, marches, grèves, aux portes même de la présidence algérienne. Le risque de dégénérescence politique en Algérie était grand et le chef d'Etat se devait de lâcher du lest. Bouteflika a fait faire un saut en arrière de vingt ans au pays en terme de restrictions des libertés et qui a paralysé les institutions par son immobilisme. Il a agi, quoique qu'il en dise, sous de multiples contraintes. Les contraintes internes avec un pays en ébullition sociale et politique dont le point d'orgue a été la manifestation des étudiants le mardi 12 avril et la contrainte électorale que constitue l'échéance législative de 2012. C'est donc aujourd'hui un Bouteflika exténué qui essaie tant bien que mal de colmater les brèches d'un système politique bancal et dont il reste le principal bénéficiaire. Reste à savoir s'il aura la force physique et mentale nécessaire pour faire face à l'exacerbation des revendications sociales et cette fois-ci les bribes de libertés et quelques millions de dinars ne suffiront pas. Yassine Ahrar