Abdelkader Secteur ne démérite pas parmi les humoristes du Comedy Club de Jamel Debbouze. Abdelkader Secteur, originaire d'El-Ghazaouet, a dû attendre douze années pour arracher la reconnaissance du public. Mais comme l'adage voulant que «nul n'est prophète en son pays».C'est en effet grâce à une rencontre fortuite avec Jamel Debbouze, qui a eu un coup de cœur pour son talent, que l'humoriste a pu se faire connaître du grand public. «Mon premier contact avec Jamel s'est fait à travers son directeur artistique Mohamed Hamidi, confie-t-il. Hamidi était un proche qui me connaissait ainsi que ma famille. Etant lui-même natif d'El-Ghazaouet, il avait déjà entendu parler de mes spectacles et avait visité mes vidéos, juste après sur Youtube. Peu de temps après je me retrouvai à présenter mes blagues devant Jamel à paris puis devant le public français». 1997 revient souvent comme le point de départ de l'ascension d'Abdelkader. Dans un petit village de l'Ouest algérien à l'occasion d'un mariage auquel Secteur assistait, une coupure d'électricité soudaine a plongé tout ce beau monde dans le noir. Pour ne pas casser les festivités, Abdelkader s'est mis à raconter des blagues autour de sa table. Rapidement il s'est retrouvé à tourner de table en table jusqu'à ce qu'on lui tende un micro. Pendant douze ans, il sillonnera son Algérie natale et fera rire lors de mariages et de réceptions privées. Certains membres du public ne tarderont pas à immortaliser son humour à coups de caméras de poches et de DVD gravés, lui ouvrant rapidement la voie vers le Net. Se décrivant comme un véritable enfant de la Toile, Abdelkader Secteur explique : «C'est un ami à moi qui m'a soufflé l'idée. Mes DVD inondaient le marché algérien sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Il a fallu que je trouve un moyen de me réapproprier mon spectacle et c'était Youtube. Mais ce que je n'avais pas prévu, c'est que ce soit justement cette plateforme qui permette aux Maghrébins du monde entier de me découvrir». Pour l'anecdote, c'est sur un DVD piraté, rapporté par Mohamed Hamidi que Jamel découvrira Secteur. La quarantaine grisonnante, Abdelkader n'en est pas moins bourré d'énergie et de fraîcheur. Son humour inspiré de la vie quotidienne, de son vécu en tant qu'Algérien et ses anecdotes sur sa première visite en France font mouche auprès du public. La finesse de son dialecte mélangée à la finesse de ses propos donne lieu à des moments d'hilarité saine. «Je m'assure toujours d'offrir un spectacle qui parle au public le plus large. Je reste très respectueux et m'assure de ne jamais utiliser de mots vulgaires,» assure-t-il. Le rire comme thérapie Abdelkader préfère rire des tracas de la vie plutôt que d'en pleurer et il s'en sort plutôt bien. Dans son premier spectacle Vie de chien, l'humoriste narrait son étrange expérience en France qui lui permit de découvrir qu'un chien français a une vie plus digne qu'un homme algérien. En achetant le toutou, Abdelkader reçoit sa carte d'identité, son passeport «rouge», son carnet de vaccination et son album de photos souvenirs. Une histoire vécue qu'il ressort assez souvent : «Ca pourrait paraître loufoque, voire surréaliste, mais j'ai vraiment dû me faire passer pour un Italien à mon arrivée en France en 1991 et il a fallu que j'adopte un chien avec un ami pour que mon intégration passe mieux… moi qui venait d'un pays ou les chiens étaient très peu appréciés» Sur un autre volet, Secteur aborde la question du football en Algérie. Il arrive parfois que son humour soit assimilé à celui de Fellag, autre comédien algérien bien connu. A cela il répondra avec fierté en assurant qu'il voit dans cet humoriste kabyle une école et un exemple : «j'ai énormément de respect pour Mohamed (Fellag) et quand on me compare à lui ça me fait toujours plaisir». Son seul regret sera de ne pas pouvoir toucher le public francophone et là l'humoriste fait preuve d'une grande humilité : «Je ne suis pas Français et mon humour non plus. Bien que ce soit dans l'Hexagone que j'aie obtenu mes lettres de noblesse, je suis conscient que je ne peux encore faire rire dans la langue de Molière. Il y a des subtilités de langage qui sont propres à chaque langue et je reconnais sans aucun problème que je ne maîtrise pas encore celles du français». Il n'est reste pas moins que son public l'aime et le suit dans ses facéties. Même son de cloche au Maroc. Abdelkader Secteur s'y est présenté à plusieurs reprises en 2010, récoltant ovations et honneurs. Très ouvert sur les mélanges culturels, il s'est déjà aventuré dans un duo maroco-algérien avec Hassan El Fed et prend énormément de plaisir à partager son expérience avec d'autres experts de la bonne blague. Il revient cette année encore pour nous faire au gré de ses tranches de vie. Une occasion rêvée de découvrir ou redécouvrir un humoriste bourré de talent et surtout de remercier Jamel pour son dévouement à dénicher des perles rares. Car comme le dit Abdelkader «Jamel est un frère et un ami pour moi et pour tous ceux qui sont passés par le Comedy Club. Il fait partie de ceux qui nous donnent une chance alors que nous n'étions que des blagueurs improvisés dans des endroits où les artistes n'ont pas tous droit à la même valorisation». Yassine Ahrar