Y. Chraibi a réussi l'une des plus remarquables ascensions dans le monde des affaires. Retour sur une succes story marocaine. Professionnel jusqu'au bout des ongles, charismatique, humble, aimable… Autant de qualités qui font de Youssef Chraibi un exemple de réussite sociale et professionnelle. Torek Farhadi, coordinateur de l'ITC (International trade commission), agence conjointe de l'ONU et de l'OMC, qui l'a côtoyé, nous confie : «M. Chraibi a tranché avec les idées reçues qui prétendent que l'Afrique n'exporte que la matière grise. En investissant dans les IT, il a exporté du savoir et de la matière grise vers l'Europe. C'est un exemple à suivre !». Autre témoignage du mérite de l'homme: la fondation EnACT, en partenariat avec l'institut Amadeus, lui a remis en 2010 le prix Medays Young Entrepreneurship Award. Une consécration pour un homme qui est sur tous les fronts. En peu de temps, Youssef Chraibi est devenu la référence de l'offshoring au Maroc et à l'étranger. Grâce à son sens de l'analyse, il est souvent sollicité par les médias nationaux et étrangers. Mais l'homme n'est pas un béni-oui-oui, ni un rabat-joie. Lors de débats télévisés ou d'interviews dans la presse écrite, Youssef Chraibi met en exergue les atouts du royaume et défend bec et ongle la destination Maroc. Cela ne l'empêche pas cependant de pointer du doigt les insuffisances et les carences qui affectent le domaine. Comment un jeune trentenaire a-t-il réussi en si peu de temps à devenir l'un des exemples types de la nouvelle génération d'hommes d'affaires marocains ? La réponse coule de source : compétence et travail, comme nous le confirme l'un de ses proches collaborateurs. «M. Chraibi, observe ce dernier, est un grand travailleur doublé d'une grande compétence dans son domaine.» Un hard worker A voir les dernières initiatives d'expansion externe et de structurations organiques, Outsourcia est promise à un avenir florissant. C'est que l'homme au parcours atypique, qui pratique le ski et le golf à ses heures perdues, est un féru des défis, un chaste amoureux de combat –comme disait Cervantès à propos de son Don Quichotte. Très jeune, Youssef Chraibi découvre la fibre entrepreneuriale. Et c'est à l'âge de 24 ans qu'il crée sa première société: Marketo.com. Alors qu'il étudie dans la prestigieuse HEC de Paris (de 1997 à 2000), il a, avec son partenaire Loïc Le Meur, la brillante idée d'investir plus de 15 000 euros dans une affaire. Marketo.com est une plateforme qui permet aux patrons de PME/PMI françaises d'avoir accès et d'entrer en contact direct avec un réseau dense de fournisseurs moyennant une rémunération allant de 0,5 à 5% du montant de la transaction effectuée. Une première en France. Le succès est au rendez-vous. Si la chance a déployé ses ailes sur son parcours, c'est que l'homme a eu l'occasion de s'entourer de personnes intéressantes partageant sa même vision. Son partenaire sur Marketo.com, Loïc le Meur, est d'ailleurs aujourd'hui une référence dans la blogosphère et le domaine des TIC en Europe. Sa conférence LeWeb rassemble chaque année plus de 2 500 entrepreneurs issus de 50 pays. En outre, il est le fondateur de Seesmic, sorte de passerelle entre le mobile et les social networks. Autre personnage-clé qui contribuera à propulser sa carrière, le magnat des affaires et richissime Bernard Arnault, patron du groupe LVMH. A travers son fonds Internet Europ@web, le milliardaire a injecté la bagatelle de 10 millions d'euros dans Marketo.com. Depuis, cette dernière vogue de succès en succès et devient vite l'un des sites incontournables du B-to-B en France en 2000. Le portail intéresse le groupe Vivendi Universal qui le rachète en 2001. Youssef Chraibi a les moyens de voler de ses propres ailes, mais il préfère attendre et surtout acquérir davantage d'expérience . C'est ainsi qu'il intègre un cabinet de conseil spécialisé dans le secteur des télécoms en tant que consultant. Il réalise des missions de marketing relationnel et de mise en place de nouvelles stratégies de gestion de relation client pour le compte de deux opérateurs français majeurs, Orange et Bouygues Télécoms. Et c'est là qu'intervint le déclic. Alors qu'il participait aux premières réflexions d'Orange sur le modèle offshore, il a pris conscience que l'externalisation offshore des métiers de services et le développement de l'outsourcing de façon générale allaient constituer pour les entreprises une véritable révolution. «Il fallait, se disait-il, y prendre part. D'autant que le Maroc dispose d'atouts structurels lui permettant de bénéficier de cette manne.» Un champion national En 2003, le phénomène de délocalisation des centres d'appel français en était à ses balbutiements. En benchmarquant le modèle indien qui avait prouvé sa viabilité face à des marchés anglo-saxons, on aura bien saisi l'énorme opportunité qui s'offrait au marché marocain vis-à-vis du marché français principalement. Le timing était bon. Et c'est à ce moment précis que Chraibi revient au Maroc pour développer Outsourcia. Et ce, avec l'ambition, dès le début, de proposer une offre globale dans les métiers de l'offshoring : centres d'appel, back-office (Outsourcia BPO) et services informatiques (Outsourcia ITO). Une intégration de l'activité offshore qui a valu à la société sa notoriété, mis à part le fait d'être l'un des premiers à investir dans ce créneau au Maroc. De grands noms lui ont alors fait confiance (M6 Boutique, Manutan, IBM, Editions Atlas, Legrand, Pixmania.com, Aquarelle.com, Travel Horizon…). Une performance inouïe Aujourd'hui, Outsourcia emploie 550 collaborateurs et réalisera un chiffre d'affaires de 100 MDH pour l'année en cours. Un objectif réalisable. D'autant que Chraibi a eu l'ingénieuse idée de se rapprocher géographiquement de ses clients. On ne parle plus d'offshore mais d'onshore ! «Cela permettra à Outsourcia d'une part, de sécuriser en amont son portefeuille client en privilégiant la destination Maroc pour les candidats à l'offshore, et d'autre part d'accéder à de nouveaux clients à la recherche croissante de solutions mixtes, combinant implantation onshore et offshore», nous explique Chraibi. En effet, bien que déjà séduits par le modèle gagnant de l'offshore, certains donneurs d'ordres choisissent d'externaliser une partie de leur activité en France. Outsourcia s'est donné ainsi les moyens de tirer profit de cette tendance majeure du marché. Cette opération de croissance externe n'est pas passée inaperçue. Pour preuve, Outsourcia fait partie du top 25 des acteurs français et dans le top 10 des acteurs offshore. Une belle ascension, en somme. Mais Chraibi, marié et père d'une petite fille, ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Son ambition est de se développer sur d'autres secteurs et surtout contribuer à l'émergence d'un champion national au sein d'un marché largement dominé par des opérateurs étrangers. Animé d'une grande énergie créative, Youssef Chraibi fait sienne cette maxime : «Le génie, c'est de savoir ce qu'il faut faire. Le talent, c'est de savoir comment le faire. La vertu, c'est de le faire.» Mohamed Amine Hafidi Youssef Chraibi croit en l'avenir. Avec lucidité, il analyse le présent et dévoile ses horizons. Entretien. Confidences... Que représente Outsourcia aujourd'hui ? Outsourcia emploie aujourd'hui 550 collaborateurs et a clôturé l'année 2010 avec un chiffre d'affaires de 55 millions de dirhams. Par rapport à nos prévisions, nous devrions réaliser un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions de dirhams pour l'année en cours, notamment grâce à une opération de croissance externe ayant été initiée en décembre 2010. Quelle est la clé de votre succès ? Je pense qu'il est un peu trop tôt pour parler de succès. Outsourcia est encore une jeune société qui doit faire face à de nombreux défis. Par contre, ce qui nous a permis d'être reconnu comme un acteur de référence est le fait d'être arrivé relativement tôt sur ce marché, le fait d'avoir opté dès le démarrage pour un positionnement haut de gamme, qui nous a permis de maintenir nos niveaux de prix et enfin d'avoir construit un modèle économique spécifique reposant sur une croissance autofinancée et un portefeuille client diversifié. Bien entendu, tout cela a été possible grâce au talent de la jeune équipe de managers que nous avons pu constituer. Parallèlement à votre casquette de chef d'entreprise, vous êtes président de l'AMRC. Sur quels chantiers travaillez-vous actuellement ? Le premier objectif de l'AMRC (Association marocain de la relation client) est de participer à la mise en adéquation du marché de l'emploi par rapport aux besoins des professionnels de notre métier. Nous travaillons ainsi en étroite collaboration avec notre ministère de tutelle (MCINT) et l'ANAPEC afin de réfléchir à un dispositif permettant de constituer un vivier de ressources qualifiées, suffisant pour alimenter la forte croissance attendue de notre secteur, nécessitant environ 10 000 nouvelles personnes par an. C'est ainsi que nous avons lancé en avril 2010 la Call Academie, qui constitue une première opération pilote devant être réajustée avant d'être généralisée. Comment voyez-vous l'avenir de l'offshoring au Maroc ? Je suis très confiant par rapport aux perspectives de ce secteur au Maroc. Notre pays a des atouts majeurs pour figurer dans la carte mondiale de l'outsourcing : proximité géographique, linguistique et culturelle avec ses principaux donneurs d'ordre ; qualité des infrastructures techniques ; et enfin un véritable savoir-faire dans les métiers de la relation client pour les centres d'appel et dans les métiers de l'informatique pour le développement de l'ITO. Tout cela nous permet de consolider notre positionnement de destination leader de l'offshore francophone et destination de choix pour le marché hispanophone. Les perspectives de croissance sont très encourageantes étant donné que le mouvement d'externalisation des métiers de services est une tendance lourde, qui devrait s'intensifier dans les années à venir dans un contexte particulier de conjoncture économique difficile, compte tenu des avantages offerts en termes de coût et de flexibilité. Que recommandez-vous aux nouveaux entrants ? Je pense qu'il est difficile de proposer une offre réellement différenciante aujourd'hui dans le secteur des centres d'appel où il y a plus de 400 acteurs mais où 20 acteurs contrôlent 80% du marché. En revanche, le marché du BPO offre des perspectives intéressantes où il serait plus simple de se positionner pour un nouvel arrivant. Propos recueillis par M.A.H