Epinglé par la Cour des comptes Benallou tente de redorer son blason. Depuis son limogeage de la direction de l'ONDA (Office national des aéroports) et son remplacement par Dalil Guenouz, le ciel s'effondre sur les épaules de Abdelhanine Benallou. Ce polytechnicien, jadis chouchouté par la presse, est devenu sa tête de turc. Pourtant, l'histoire eut un commencement idyllique. Entre l'achèvement du Terminal 2 et les percées accomplies dans le domaine de l'Open Sky, Benallou s'était enveloppé d'une aura de winner. Cependant, le conte de fées qui dura de 2003 à 2008, s'effondre soudainement à la suite de la publication d'un rapport d'audit de la Cour des comptes. Que dit ce rapport ? Ni plus ni moins qu'une série exhaustive d'agissements douteux : conclusions de marchés publics sur le mode de l'entente directe, dépenses personnelles hypertrophiées, construction d'une deuxième piste d'atterrissage non-conforme au coût de 150 millions de dirhams, achat de modules informatiques pour la gestion des ressources humaines inaptes à l'exploitation, investissements inappropriés dans des solutions de sécurité réseaux très peu utilisées, bons de commandes adressés à un nombre limité de fournisseurs, octroi irrégulier de primes de performances par voie de favoritisme. «Les faits reprochés à la gouvernance Benallou font froid dans le dos» nous confie un observateur. Et d'ajouter : «Il est rare qu'une telle somme de dysfonctionnements advienne sous le mandat d'une seule et unique personne. En l'espèce, il est impossible d'établir une graduation des fraudes par facteurs de gravité. S'il s'avère, suite à l'enquête diligentée par le procureur général, que les faits reprochés à la gestion de Benallou sont valides, il risque d'y avoir du sport». Etrange méli-mélo Deux instances régaliennes se sont penchés sur le cas de l'ONDA. D'abord, la Cour des comptes et son fameux rapport puis l'IGF (Inspection générale des finances) dont le bilan d'enquête est au moins aussi compromettant pour Benallou et notamment son chef de cabinet. Le procureur général près la Cour des comptes a déjà procédé à l'audition des deux dirigeants et une deuxième audition est programmée dans les semaines à venir. D'ici là, Benallou et certains de ses proches collaborateurs seraient interdits de quitter le territoire malgré les démentis de ce dernier. Cette interdiction présage-t-elle d'une issue juridique à l'affaire ? En effet, deux cas de figure sont envisageables : soit la Cour des comptes arrête en toute indépendance des mesures disciplinaires à l'encontre de Benallou, soit le dossier est déféré à la Cour d'appel de Casablanca, auquel cas, une instruction judiciaire sera ouverte. «Il est tout à fait primordial, ajoute un analyste, pour la légitimité de la Cour des comptes, qu'une instruction judiciaire ait lieu. Aujourd'hui, le procureur général tient l'occasion de réaffirmer la pertinence de la cour, laquelle a longtemps été discréditeé dans son action épuratrice sous prétexte d'un laxisme indécrottable». Nous devrions être fixés avant la rentrée politique. Mise à part la liste d'anomalies spectaculaires relevées par la Cour des comptes, il se joue par presse interposée, un méli-mélo étrange entre Benallou et le verdict du rapport d'audit. En effet, l'ex-DG de l'ONDA, loin de se murer dans le silence, opte pour une stratégie de communication ouverte et distille les réactions dans le cadre d'interviews accordées à la presse. Il procède au déminage des faits qui lui sont reprochés dans un style pour le moins particulier. Ainsi, en réponse à l'excessif recours aux marchés négociés dans l'octroi de commandes aux prestataires de l'office, Benallou juge que «les marchés négociés ont été conclus dans le cadre de la réglementation en vigueur, en conformité totale avec l'article 69 du règlement du marché de l'office». Il ajoute, afin de minimiser son recours systématique à l'entente directe, que «pendant la période précédant ma gestion, le taux de marché négocié était de 58,5 %» tandis que sous son mandat celui-ci s'établissait à 31 %. Faut-il en déduire qu'ayant participé à diminuer ce taux, Benallou s'inscrit dans une dynamique d'assainissement ? Arguments fallacieux Concernant la vente au prix de revient de 10 lots de villas à Ifrane pour son compte ainsi que celui de directeurs et responsables de l'office, la riposte de Benallou tranche avec l'énormité des faits. «Il s'agit d'un projet social mené par l'association des cadres de l'ONDA... Cette vente a été effectuée par autorisation du conseil d'administration du 5 mars 2008 à travers sa recommandation numéro 5 qui a donné délégation au directeur général à l'effet d'accomplir les procédures de vente des lots». En fourbissant sa défense médiatique, Benallou laisse entrevoir un trend. Selon un autre observateur avisé : «Benallou, conscient de la gravité des accusations qui lui sont faites, entame une course en avant, son but est de partager la responsabilité des fautes commises avec ses instances de contrôle hiérarchique, en d'autres termes, le conseil d'administration et plus particulièrement son ministère de tutelle». Benallou se doute-il de quelque chose ? Dans le cas d'une procédure pénale, se positionne-t-il de telle façon à ce que sa chute en entraîne d'autres ? De toute évidence, son attitude rendrait ce raisonnement plus que plausible. Pourtant, le discours huilé de Benallou grince et s'émaille, par interstices, d'éléments d'incohérences. Interrogé à propos d'un séjour familial dispendieux à Marrakech dont l'office épongera la totalité d'une facture de 62 000 DH, il rétorque ceci : «Il s'agit là de la première mission de longue durée que j'ai effectuée qui correspondait à des activités officielles à Marrakech, impliquant ma présence à l'aéroport de Marrakech sur la durée du séjour. Pour ce séjour, une prise en charge familiale à été assurée par l'établissement conformément à la pratique». C'est là un argument assez léger. Le contribuable est en droit de se demander sous quel genre de pratique, est-on autorisé à écluser du denier public dans le confort luxueux d'une résidence hôtelière. Lorsque les confins de la procédure et des règlements ne suffisent plus à couvrir de telles gabegies, une proverbiale «pratique» prend la relève. D'ailleurs Benallou use et abuse de cette échappatoire. Réagissant aux sommes folles (627 000 DH) de cadeaux acquis par l'office sous la forme de cartables, porte-documents, sacs de voyage et... de boîtes à cigares ( sic), stoïque, il assène : «Ce sont des cadeaux de fin d'année ou à des visiteurs de marque de l'établissement, il est donc tout à fait normal qu'ils ne figurent pas dans l'inventaire». Pourtant, dans les multiples rubriques du plan comptable marocain, se niche une petite classe 6 et une toute aussi minuscule imputation dans le compte suivant «Divers, pourboires, dons courants». C'est de cette manière que l'on traite un ou plusieurs cadeaux selon la réglementation comptable. Elle est là, la «normalité». Dans un entretien donné à Ittihad Ichtiraki, Benallou se gausse d'une remarque, notant que «la Cour des comptes n'a pas relevé des dysfonctionnements dans la gestion de l'office, mais a plutôt exprimé une série d'observations !».Oserions-nous voir de l'ironie dans cette déclaration de l'ex-DG ? Peut-être est-ce là une manière de vider le débat de sa substance, de minimiser l'ampleur des fraudes commises ! «En donnant sa version des faits nous apprend notre insider, Benallou joue avec le feu ! Dans son cas, il ne faudrait surtout pas attiser le côté revanchard de la Cour des comptes. Avec cette affaire, la cour est susceptible de redorer son blason en appuyant le transfert du dossier à la justice, la meilleure posture dans ce cas précis est de se tasser, de s'enfermer dans le silence et d'attendre le résultat des auditions». C'est manifestement là un conseil dont M. Benallou se passera probablement. Et pour cause, ses interventions dénotent comme un déni de la réalité, un refus d'admettre que l'on a mal agi, un acharnement à botter en touche. Est-il un bullocrate ? Fait-il partie de cette caste de tout-puissants dont la pratique continue de l'impunité en fait une norme. A sa décharge, il se pourrait que Benallou, équipé d'une autre grille de lecture de la réalité, ne pose pas le même regard sur les malversations qu'on lui prête. Saâd Kadiri Septembre 2003 La consécration Benallou est nommé DG de l'ONDA. C'est la consécration d'un long et remarquable parcours qui a débuté en 1978 au ministère de l'Energie et des Mines. Février 2008 Le rapport La Cour des comptes publie son rapport où elle révèle plusieurs défaillances dans la gestion de certains organismes publics dont notamment l'ONDA. Février 2010 La chute Benallou est débarqué et est remplacé par Dalil Guendouz, alors directeur de l'Ecole Hassania des travaux publics de Casablanca (EHTP). Parlement L' ONDA à l'ordre du jour Mercredi 23 juin 2010, au Parlement, Salaheddine Mezouar déclare, en répondant à une question orale du groupe istiqlalien qu'«il n'y a pas entre les mains de l'IGF de dossiers qui nécessitent le recours à la justice». Dossier Etape franchie Le ministre de la Justice, Mohamed Naciri, affirme au Parlement que tous les dossiers transmis au ministère par le procureur général du Roi près la Cour des comptes ont été transférés aux parquets généraux. Poursuites Auront-elles lieu ? Le procureur général du Roi ordonnera-il des poursuites à l'encontre d'une quinzaine des salariés de l'ONDA mis à l'idex par le rapport de la Cour des comptes, dont le directeur de cabinet de Benallou ? Portrait Comme un goût d'inachevé ! Si l'on devait accoler un adjectif au parcours de Benallou, nombre de superlatifs se disputeraient au portillon. Tour à tour polytechnicien et PHD en automatique des systèmes industriels, ce fin connaisseur des énergies nucléaires civiles et renouvelables, sidère par l'immaculée droiture de son itinéraire. Pourtant, il ne n'est pas né avec une cuillère d'argent dans la bouche. L'histoire commence en 1953. Abdelhanine, fils de petit commerçant de Salé, vit une enfance modeste. Adolescent, des aptitudes aux sciences exactes l'embarquent dans une histoire d'amour avec les mathématiques. La romance l'emmènera loin. Seul représentant de la région de Rabat en Prépa scientifique au Lycée Lyautey, il s'envole faire ses classes d'ingénieur dans le prestigieux Institut national polytechnique de Toulouse. A son retour au bercail, il intègre le ministère de l'Energie et des Mines moyennant le financement d'un doctorat à Santa Barbara (Californie du Sud). Il en reviendra bardé d'un diplôme et de la promesse d'un avenir «solaire». Nous sommes en 1982, la comète Benallou foule le sol national. Un premier poste décroché au ministère susmentionné le laisse sur sa faim. Pour tromper la routine, il partage ses lumières à l'ENIM où un sens accru de la clarté pédagogique en fait un professeur remarqué. Toujours à la recherche de défis, Benallou fonde en 1985 un cabinet d'études «Sunlight» devenu depuis une référence en matière d'électrification rurale, de développement de centrales thermiques et, notamment en énergie solaire, la passion d'une vie. Lorsqu'on 2001, il est nommé directeur du CDER (Centre de développement des énergies renouvelables), le choix est évident. Pendant deux ans, il travaillera sans relâche dans l'établissement d'une stratégie pertinente et s'illustrera notamment à travers une vision, par moments…iconoclaste, comme lorsqu'il assure qu'en 2012, la Maroc se reposera sur l'éolien et le solaire pour 10 % de sa consommation globale d'énergie. Tant d'originalité plait en haut lieu. Aussi, en 2003, notre ingénieur émérite devient DG de l'ONDA et hérite d'un projet : porter la capacité des aéroports nationaux à 24 millions de voyageurs. Là encore, il ne déçoit pas et s'en sort sans la trace d'un conflit social. Aujourd'hui, ce destin a comme manqué un épisode, un couac survient sous la forme d'un rapport d'audit accablant de la Cour des comptes et une réputation s'effondre plus vite qu'un château de sables par temps de mistral. L'homme jadis décoré de l'ordre du mérite par le roi Mohammed VI lutte à présent pour la vérité. Excellera-t-il cette fois-ci dans l'auto-défense ? Les observations de la Cour des Comptes Des investissements irréguliers 1) Un projet de calibration de vol de 32 millions de DH exécuté sur neuf ans dont il ne reste aujourd'hui qu'un banc de calibration peu exploité, et deux opérateurs qui n'ont pas achevé leur certification. 2) Investissement de 150 Millions de DH consommé dans la construction au niveau de l'aéroport Mohamed V d'une deuxième piste inutilisable en raison de son extrême proximité avec la première ( 350 mètres uniquement). 3) Un investissement de 184 millions de DH dans des infrastructures de balisages purement ostentatoires, nos aéroports nationaux connaissant un taux insignifiant de déroutage ( moins de 1%). 4) Investissement de 731.000 Euros dans une solution HR-Access pour la gestion des ressources humaines jamais exploitée par les départements concernés. 5) L'acquisition inutile de 70 voitures électriques, 20 Segway et 20 quads pour fluidifier la circulation dans les aéroports au cout de 12 millions de DH. Or, 50 voitures sur les 70 achetées demeurent stockées au parc auto dans des conditions inappropriées. 6) Malgré la stagnation de l'effectif de l'ONDA, les dépenses relatives à l'habillement se sont accrues de façon anormale de 675.000 DH en 2003 à 17 MDH en 2007. Or, plus que la majorité du personnel de l'office ne porte pas d'uniforme. 7) Recours excessif et non justifié au mode négocié qui a concerné 31 % des marchés passés durant la période 2003-2007. 8) Laxisme au niveau des délais, des clauses contractuelles favorisant l'attributaire comme dans le cas de l'aéroport de Benslimane, ou un accord d'arrêt de 21 mois a été octroyé à l'entreprise pour motif d'attente de l'approbation de l'avenant. Processus de commandes 9) Attribution systématique, par mode négocié, à un seul fournisseur, des marchés relatifs à l'aménagement et décorations des salons d'honneur. Budget : 33 millions de DH. 10) Marché négocié sur la construction d'une clôture grillagée à l'aéroport de Benslimane qui a connu un retard de plus d'une année sur un délai contractuel d'un mois, avec surestimation de certains prix de plus de 41% par rapport à un marché similaire. 11) L'ONDA s'adresse à un nombre très limité de fournisseurs qui bénéficient d'une part importante des BC. Ainsi, en 2007, 20 fournisseurs, soit 2 % d'entre eux se sont vus adjuger la moitié des BC. 12) Plusieurs sociétés fréquemment consultés appartiennent à la même personne. D'autres entreprises, bien qu'elles soient tout aussi consultées, n'ont jamais bénéficié d'un seul BC... 13) Les métiers de certaines entreprises consultées sont parfois sans relation avec l'objet de la prestation en question. Pour un bon de commande d'un montant de 451.269 DH, bien que l'objet de la prestation concerne l'élagage des forets avoisinants l'aéroport Mohamed V, une des sociétés consultées avait pour métier la «réalisation d'information commerciale». Déontologie 14) Certains hauts responsables de l'office ne respectent pas leurs devoirs déontologiques. Les investigations menées ont révélés que ces responsables étaient fondateurs, gérants ou associés, directement ou à travers des membres de leurs familles, dans plusieurs sociétés dont certaines ont eu des transactions, directes ou indirectes, avec l'office. 15) L'analyse du délai de règlement des fournisseurs par le trésorier payeur a révélé qu'il est très variable. Ainsi, il a été constaté que certains fournisseurs sont payés dans un délai très réduit ( parfois le même jour) alors que plus de 30% des paiements se situent entre un mois et 3 ans. 16) Séjour familial du Directeur général (Benallou) en hôtel à la charge de l'office. Après investigation, il s'est avéré que le directeur général de l'ONDA et sa famille ont réservé deux chambres au prix de 2.800 DH HT/nuit chacune, en plus des services de restauration, fitness, téléphone pendant sept nuits coïncidant avec le nouvel an pour un total de 62.670 DH. 17) Plusieurs achats effectués par le directeur général auprès d'une boutique Duty free au niveau de l'aéroport Mohamed V à Casablanca, ont porté sur des articles de luxe ( sacs de diverses marques, cigares, parfums). Les paiements de ces achats ont été effectués en dirhams, hors TVA et hors droits de douane, pour une montant de 607.039,30 DH, ce qui constitue une violation de la réglementation douanière. 18) Achat de quantités excessives de cadeaux par la direction générale pour un montant s'élevant à 2.288.860 DH. La destination de ces articles demeure inconnue et ils ne figurent pas sur l'inventaire de l'ONDA. De plus toutes ces commandes ont été réglées par chèque. 19) En septembre 2007, le directeur général a procédé à la vente de 10 lots de villas, propriété de l'ONDA à Ifrane, au profit de lui-même ainsi qu'aux directeurs et responsables de l'office. Ce dernier les avait acquis en 2002 auprès de l'ERAC centre sud pour un montant de 1.103.575 DH sans le cadre d'un projet social. L'investigation relève une absence d'autorisation du conseil d'administration, ces avantages sont revenus à des responsables ayant déjà bénéficié d'autres projets sociaux de l'office, la vente a été faite au prix de revient, soit 286 DH/m2 en moyenne en l'absence de toute actualisation des prix. 20) Le rapport précise la relation du Directeur général avec la société NRJI. Cette dernière a réalisé l'équipement solaire du terminal II pour le compte de la société NAPS, sous-traitant de SGTM pour la réalisation de ce lot. La cour des comptes rappelle que le coût global de cet équipement a été estimé à 38,25 millions de DH. (Source rapport d'audit de la Cour des comptes) Epinglé par la Cour des Comptes et la presse, l'ex-DG de l'ONDA riposte. Entretien explosif. «Je n'ai rien à me reprocher» Pourquoi avez-vous décidé aujourd'hui de parler ? Parce que c'est maintenant seulement que la presse me sollicite enfin et qu'il faut bien se défendre! Vous savez, au début, les allégations et les diffamations étaient tellement grosses que je me disais que personne n'allait y croire et je ne répondais pas par des mises au point comme la loi m'y autorise. Mais lorsque j'ai remarqué que mon silence pouvait être interprété comme une confirmation des faits reprochés, j'ai décidé de me défendre. Et, je le souligne, encore une seconde fois : c'est maintenant seulement que la presse me donne la parole et ne se contente plus de rapporter des ragots. Les rapports de l'IGF et de la Cour des Comptes sont accablants à votre encontre. Pourtant, vous maintenez que votre gestion, aujourd'hui épinglée, a été conforme au règlement de l'ONDA. Ne seriez-vous pas dans une logique de déni des faits qui vous sont reprochés ? D'abord, à ma connaissance, il n'y a pas encore eu de rapport de l'IGF. Je me demande par conséquent comment vous pouvez conclure qu'il est «accablant à mon égard»! Quant au rapport de la Cour des Comptes, je vous conseille vivement de le lire avec attention et au complet ; c'est à dire en lisant aussi bien les observations de la Cour que les réponses correspondantes données aussi bien par l'ONDA que par le ministère de tutelle. Je suis sûr que quiconque procèdera attentivement à une telle lecture sera convaincu que ce rapport n'est accablant ni à mon égard, ni à l'égard de l'équipe dirigeante qui a travaillé à mes côtés. Par contre, le rapport de la Cour des Comptes a bien soulevé des observations d'ordre procédural sur la gestion que je ne dénie nullement. Au contraire, je les considère comme des remarques destinées à améliorer les procédures de gestion et dans ce cadre, je les prends positivement. La Cour des comptes est dans une approche positive d'amélioration de la gestion des entreprises publiques. Ses rapports ne sont pas dans une logique de condamnation, comme vous semblez vouloir l'affirmer. Il s'agit, en fait, d'observations de gestion qui expriment un point de vue. Pourquoi avoir utilisé la technique du «parapluie» en invoquant la responsabilité de votre ministère de tutelle à savoir Karim Ghellab. Ne craignez-vous pas un retour de manivelle ? Je n'ai pas du tout utilisé de technique de «parapluie». Bien au contraire, je prends mes responsabilités entières quant à mes décisions de gestion et je suis fier des résultats auxquels elles ont conduit. En effet, en plus des résultats quantifiables enregistrés (augmentation des revenus commerciaux de 127 MDH en 2003 à 244 MDH en 2007, bénéfices de l'entreprise multiplié par 10 et charges du personnel réduites de 30%), il faut noter que le taux d'encadrement de l'entreprise a dépassé les 40%, alors qu'initialement, près de 70% du personnel de l'entreprise n'avaient pas le baccalauréat. De plus, les aéroports de Casablanca, de Marrakech, d'Essaouira, de Rabat, de Fès, de Tanger, et d'Oujda ont été certifiés ISO 9001-2008 et les nouveaux aéroports de Marrakech et de Tanger ont été élus parmi les meilleurs aéroports du monde. Sur le plan de la structuration de l'entreprise et de la transparence, il y a eu l'instauration de commissions paritaires pour l'avancement des grades du personnel, l'autonomisation de la commission des appels d'offres et la mise en place d'un comité d'éthique. C'est grâce à ces évolutions qu'il n'y a jamais eu pendant cette période de problèmes sociaux et que le taux des marchés négociés a diminué de moitié (de 60% du total des marchés à près de 30%). Vous répondez sur les marchés passés au grè à gré, les cadeaux non justifiés et les frais de déplacement onéreux. En revanche, vous passez sous silence les autres griefs mentionnés dans le rapport de la Cour des Comptes et ils sont nombreux... Vous savez, il n'est pas de mon caractère, ni de mon éducation de passer des choses sous silence. J'ai répondu à toutes les questions qui m'ont été posées, notamment par la presse, pour expliquer la vérité. Maintenant, j'aurais aimé que vous précisiez ces nombreux griefs ! Mais puisque vous ne le faites pas, je vous invite à revenir sur ces nombreux autres griefs dans un autre entretien… Mais en attendant, je vous propose d'examiner, ci-dessous, deux exemples qui se trouvent aux pages 40 et 41 du rapport de la Cour des Comptes. Exemple 1 : La Cour des Comptes fait remarquer que les terrains sis à l'Aéropôle Mohammed V sont attribués aux industriels sans appels d'offres. Dans sa réponse l'ONDA souligne que le prix au mètre carré étant fixe pour l'ensemble des demandeurs, l'appel d'offres est inutile. Bien au contraire, vu que la demande est largement inférieure à l'offre de terrains et que cette zone industrielle créée en 2000 était aux deux tiers vide, le pari était de la rentabiliser et d'en faire un véritable pôle de compétitivité du programme industriel «Emergence». Cette Aéropole est considérée aujourd'hui comme étant l'une des plateformes les plus compétitives pour l'industrie aéronautique européenne abritant, à ce jour, plus de 65 entreprises générant plus 6.500 emplois à haute valeur ajoutée. Exemple 2 : Une autre observation soulevée par le Rapport de la Cour des Comptes (page 40) relève un écart de 49,2 MDH environ entre les ressources générées par la vente des terrains de l'ancien aéroport de Nador et les charges de construction du nouvel aéroport. La réponse de l'ONDA souligne que ce projet a été conçu et réalisé avant 2002 (donc avant mon arrivée à l'ONDA) et que l'écart est justifié d'une part par les travaux supplémentaires et surcoûts dûment justifiés du projet et d'autre part, par les trois lots attribués au Ministère de tutelle et qui ne sont pas payés à ce jour. Lorsque ces trois lots seront payés par le ministère à l'ONDA, le bilan du projet sera plus équilibré. Mais je voudrais quand même souligner que ce projet aura permis de construire l'aéroport de Nador uniquement à partir de la vente de l'ancien terrain. J'espère que vous réalisez bien maintenant, au moins à travers ces deux exemples, qu'il n'y a rien d'accablant et qu'il s'agit d'observations de gestion qui expriment un point de vue et qui admettent des réponses et des justifications. Finalement, êtes-vous ou non interdit de quitter le territoire ? Je n'ai reçu aucune notification dans ce sens. Comment vous préparez-vous au procès qui vous attend dans les prochains mois ? Je ne m'attends pas à un procès, mais à donner des explications plus détaillées au procureur de la Cour des Comptes. Et ma confiance dans les institutions de mon pays et dans l'objectivité des magistrats de la Cour des Comptes et dans la noblesse de leur mission me portent à croire qu'il n'y aura pas le procès que vous attendez ! Avez-vous l'impression d'avoir été «lâché» et «lynché» pour servir de bouc émissaire et de «mouton de sacrifice» ? Je pense qu'il y a eu effectivement une amplification négative et une exploitation par certains organes de presse. Mais je mets cela sur le compte du fait que notre pays est rentré dans une nouvelle phase de son histoire où les institutions sont appelées à fonctionner pleinement. Le décalage vient du fait que ni notre société, ni la presse ne sont tout à fait habituées ni préparées à ce type d'exercice. Cela entraine des vagues et parfois des exploitations pour régler des comptes personnels. Mais ce n'est pas grave puisqu'il s'agit d'une phase transitoire dont l'aboutissement est dans l'intérêt du pays. Et si finalement vous n'étiez qu'un brillant menteur ? Je ne répondrai pas du tout au côté agressif et insultant de votre question ; mais je voudrais souligner que je n'ai aucune raison de mentir. Bien au contraire, j'ai intérêt à faire connaître la vérité. Pourquoi mentir alors que la vérité est éloquente ? Et la vérité c'est une gestion de l'ONDA qui a conduit à une augmentation de 100% de la capacité des aéroports (passée de 12 millions de passagers par an en 2003, à près de 24 millions de passagers par an actuellement). C'est également une gestion qui a permis une augmentation de 800% de l'investissement, sans subvention de l'Etat (de 311 MDH en 2003, à près de deux milliards et demi de dirhams en 2008). C'est une gestion qui a conduit à une augmentation du résultat net de l'Office qui est passé de 4,4% du chiffre d'affaires en 2003 à plus de 41% du chiffre d'affaires en 2008, une gestion en fin qui a porté la capacité d'autofinancement de 338 MDH en 2003 à plus de un milliard cent millions de dirhams en 2008. Ce type de résultat ne s'obtient guère à coups de mensonges et ceux qui sont actuellement en train de mentir pour cacher ces résultats n'y arriveront pas. Propos recueillis par Abdelkader El-Aine