Rebondissements, couacs et émotions : le Conseil national qui a porté Mezouar à la tête du RNI a été riche en événements. Récit. Samedi 23 janvier. Palais des Congrès de Marrakech. La salle des ministres est pleine à craquer : les «indépendants» y tiennent un Conseil national décisif. Parmi les présents, un visage ultra-connu, Salaheddine Mezouar, leader du mouvement réformateur. Son rival Mustapha Mansouri, brille plutôt par son absence. Chez les RNIstes, le conseil est un peu le parlement du parti, qui devra aujourd'hui traiter un ordre du jour pour le moins inhabituel : la destitution de l'actuel président et son remplacement par un nouveau. En réalité, les jeux sont déjà faits et le suspense pratiquement nul. Pour autant, ce qui se résume à une formalité va se dérouler quand même en plusieurs actes. Comme le veut la tradition, la séance, présidée par Maâti Benkaddour, démarre par la lecture de verstes coraniques, suivie du chant de l'hymne national. Après une brève introduction, l'ex-Président de la Chambre des conseillers, micro baldeur à la main, donne la parole au leader du mouvement réformateur. Mezouar se lance alors dans un discours fleuve en arabe classique (dont les partis marocains ont le secret)… interrompu toutes les 5 minutes par les applaudissements de l'assistance et autres «chiaârates» et «tahiyate nidaliya»… «C'est une mascarade !» Dans son allocution, le ministre des Finances ne manque pas de revenir sur les derniers évènements que le parti a connu et le contexte de la tenue du conseil. Le bilan de Mansouri est bien évidemment l'objet de toutes les critiques : mauvaise gestion, absence de vision politique, choix hasardeux des alliances, communication défaillante… Mezouar éreinte littéralement le successeur d'Ahmed Osmane et ouvre la brèche pour introduire les réformes promises par «son» mouvement réformateur et sa vision future du RNI. Sa lecture achevée, il rejoint son fauteuil parmi les membres du bureau exécutif. Que du beau linge : Aziz Akhannouch, Moulay Abdelaziz Alaoui, Mohamed Boussaïd, Moncef Belkhayat, Mohamed Aujjar, Amina Benkhadra, Ahmed Talbi Alami, Yasser Znagui… Il sont venus, ils sont tous là pour soutenir la prise de pouvoir de Mezouar. Ils n'attendront pas longtemps… Il est presque 13h00, le moment de passer aux choses sérieuses. Avant d'ouvrir le vote, Benkaddour donne la parole à Mohamed Aujjar, censé préciser la procédure du vote et ses dessous juridiques. Au lieu de cela, l'ex-ministre des Droits de l'homme préfère entonner un laïus dithyrambique à la gloire de Mezouar (qui n'en demandait pas tant)… Il a quand même l'élégance de rendre hommage à son mentor, Mansouri, et à tous les zaïms du RNI (Ahmed Osmane, Mustapha Oukacha notamment…). Son éloquence d'ancien journaliste lui permet même de jouer sur la fibre émotionnelle des militants. Galvanisée, la salle applaudit. Mission accomplie? On peut passer aux vote, par la méthode la plus rapide et la moins contraignante : la main levée. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Mansouri est déposé «à l'unanimité» et Mezouar intronisé à la tête du RNI… à coups d'applaudissements. Certains ne l'entendent pas de cette oreille et la salle plonge dans la confusion. «C'est une honte !», crie un membre du Conseil national. «Où est la démocratie interne que promet le mouvement réformateur. C'est comme ça qu'on veut faire évoluer le parti ? C'est une mascarade !», tonne un autre Rniste. Rapidement, le ton monte entre les partisans du vote par acclamation et ceux exigeant le passage par les urnes. «On croyait que l'ère du vote par acclamation était révolue. Mansouri a eu au moins le mérite de gagner par voie démocratique contre Oukacha. Mezouar et son mouvement sont en train de perdre leur crédibilité !», tance un cadre du Parti de la colombe. Le candidat surprise C'est finalement l'intervention d'un «petit jeune» qui sauvera la situation. Rachid Sassi, un quasi inconnu (lire encadré), propose de se porter candidat à la présidence contre Mezouar. Mal lui en prit : il est aussitôt poussée de l'estrade et inondé d'insultes par les pro-Mezouar ! Il parvient quand même à arracher le micro des mains de Benkaddour, pour expliquer son geste. «Je ne suis pas l'égal de Mezouar. Et je serai le premier à voter pour lui. Mais si je me porte candidat, c'est pour que nous respections la logique démocratique. Les urnes doivent dire leur mot !», lance-t-il à la salle. Mezouar applaudit, vite imité par l'audience. L'argentier du royaume se soumet à la volonté du candidat surprise et appelle au vote secret. «On ne s'en rend pas compte, mais ce jeune homme a pratiquement sauvé le parti», confie sagement un vieux «mounadil» en jellaba et tarbouche. «Le vote à main levée n'est pas anti-démocratique. Mezouar était le seul candidat à la présidence, tient quand même à préciser Aujjar. Mais maintenant qu'il y a deux candidats, il faudra passer par les urnes». Sassi aura même quelques heures plus tard droit aux vifs remerciements de Mezouar. «Le vote par bulletin secret était prévu dès le départ. Mais j'avoue avoir été emporté par l'enthousiasme de la salle, au point de croire inutile le passage par les urnes», s'explique ce dernier. Les résultats du scrutin, organisé dans l'après-midi en deux rounds, n'apportent pas de surprise : sur les 620 votant, 567 ont appuyé la destitution de Mansouri, qui n'a finalement conservé que 34 partisans. Les urnes ont tranché, confirmant le premier vote à main levée. La page Mansouri est tournée. Le deuxième round des élections, portant sur le choix du nouveau président du RNI, est également une formalité : Mezouar est élu à la tête du parti avec 610 voix, contre 8 pour le jeune Sassi. Les applaudissement fusent dans la salle, et les voix s'élèvent pour entonner des slogans confectionnés à la hâte et sans grande imagination, des «Mezouar, mounadil maâkoul !» ou encore des «tahiya nidalia, haraka tashihiyya !». Mezouar peut enfin savourer son triomphe. Le lendemain, il signe sa première sortie médiatique en tant que président du RNI. Il parle d'ores et déjà d'éventuelles alliances avec le PAM et l'USFP, projet qui suscite des interrogations autant à l'intérieur du bureau politique du RNI que chez d'autres partis (Istiqlal et PJD notamment). Après avoir arraché de haute lutte la présidence du RNI, Mezouar entre dans le vif du sujet. Avec en toile de fond un rêve : faire du RNI la première force politique du Maroc en 2012 ! Mehdi Michbal Rachid Sassi, un nom à retenir… Avec Salaheddine Mezouar, la vraie star de ce Conseil national du RNI fut certai-nement Rachid Sassi. En se portant candidat, ce fringant quadra a bousculé les conventions de son parti et forcé la tenue d'un vote en bonne et due forme pour destituer Man-souri et le remplacer par Mezouar à la tête des «Bleus». L'intervention de Sassi, membre du parti depuis ses 18 ans, est une sorte de revanche. «En 1992, j'avais vécu une situation similaire, lorsque la réélection d'Ahmed Osmane à la présidence du parti s'est faite avec de simples applau-dissements, raconte-t-il. J'étais choqué. Et je me suis promis de ne plus laisser passer de tels agissements». En réalité, Rachid Sassi (aucun lien de famille avec le Sassi du PSU) n'est pas un inconnu de la scène politique. Membre du Conseil national du RNI depuis 2007, il s'est illustré en devenant maire-adjoint de Rabat, ville où il est arrivé second aux communales de 2009, talonnant le socialiste Fathallah Oualalou. Malgré son jeune âge, l'homme a déjà connu d'autres batailles électorales, notamment les communales de 1992 et de 1997, année où il a été élu pour la première fois à Agdal-Hay Ryad. À côté de ses occupations politiques, Sassi a réussi à construire une belle carrière professionnelle. Juriste de formation, cet avocat conseil près de la Cour suprême est aussi chargé de projet au sein de la Société financière interna-tionale (SFI, filiale de la Banque Mondiale). Et quelque chose nous dit qu'on n'a pas fini d'entendre parler de lui…