Des premiers cas de grippe A-H1N1 ont été diagnostiqués au Maroc. Tout porte à croire qu'il y en aura de plus en plus, en attendant un vaccin. A l'hôpital Moulay Youssef de Casablanca, c'est la mobilisation générale. Visite guidée. Mardi 16 juin, vers 17 heures, portail de l'hôpital Moulay Youssef de Casablanca. Le deuxième cas marocain de grippe A-H1N1 quitte l'établissement après avoir passé cinq jours en quarantaine. “Pas de photo s'il vous plaît”, s'est empressé de dire le jeune ingénieur agronome aux journalistes, définitivement guéri après une cure de deux comprimés de Tamiflu par jour. À l'intérieur de l'hôpital, c'est le branle-bas de combat. Trois autres cas sont encore en observation, dont deux se sont révélés positifs. Le Dr Omar El Menzhi, délégué régional de la Santé à Casablanca, a fort à faire aujourd'hui : réunion avec le wali, directives à donner au personnel, stocks de médicaments à gérer, etc. Bas les masques ! “Il ne faut pas que les gens paniquent, le taux de mortalité de cette grippe n'est que de 0,5%, le même que pour la grippe saisonnière”, explique le délégué, entouré de plusieurs médecins. Il faut gérer la panique provoquée par les cas détectés au Maroc. La peur peut se lire sur les visages des visiteurs de l'hôpital Moulay Youssef, elle est même perceptible sur le personnel. Dans les couloirs de la délégation, deux infirmières avancent, l'air grave, vers la salle de réunion où se trouve la cellule de crise. “Qui est responsable de la prévention de la grippe mexicaine ?”, lancent-elles. Idem pour cet interne, qui dit avoir été en contact indirect avec un patient. On explique à tout ce beau monde qu'il ne faut pas trop s'inquiéter, ne serait-ce que pour rassurer les patients. Et surtout parce que le risque d'être touché par le virus est moindre, à moins d'avoir approché un malade à moins d'un mètre. Malgré les discours rassurants et les manuels de prise en charge distribués dans les hôpitaux, la peur ne fait que s'amplifier, au même rythme que les rumeurs sur la découverte de nouveaux cas. La veille, le personnel de l'hôpital Moulay Youssef avait improvisé une petite manifestation. “On a exigé que des masques nous soient distribués, on ne sait jamais”, raconte un infirmier qui sort de sa blouse blanche la fameuse bavette bleu, disponible en pharmacie. Un mot d'ordre cependant : interdiction de porter le masque en public. Pour ne pas inquiéter outre mesure, encore une fois. Peine perdue, la peur a gagné tout l'établissement hospitalier. Des gens venus pour de simples visites portent des masques, comme ce jeune homme qui confie avoir fait une halte à la pharmacie pour en acheter un avant de se rendre à l'hôpital. Certains patients se couvrent même le visage avec leurs vêtements. Le Dr Fouad Jettou, directeur de l'hôpital Moulay Youssef, estime que cette panique est exagérée. “Il est déjà difficile de gérer les patients en temps normal, je vous laisse imaginer ce qu'il en est dans de pareils cas”, confie le médecin, qui insiste sur le fait que toutes les mesures préventives ont été prises et que le traitement est disponible. Course contre la montre “Les gens pensent, à tort, que ces efforts ont pour objectif d'éviter des décès, or le défi auquel nous faisons face est tout autre”, renchérit le Dr Kamal Marhoum Filali, chef du service maladies infectieuses et coordinateur des efforts anti-H1N1 à Casablanca. “La population n'a pas encore développé d'anticorps contre cette grippe. Le risque est donc que la maladie se propage trop vite et que l'on se retrouve avec des milliers de cas en un temps record”, poursuit le médecin. En résumé, l'objectif est non pas d'éliminer le A-H1N1, mais de retarder au maximum l'avancée du virus. Le temps qu'un vaccin soit élaboré par les laboratoires internationaux. Entre les contrôles pour déterminer un cas suspect de grippe A-H1N1 et jusqu'à sa prise en charge s'il se révèle positif, c'est tout un dispositif qui a été mis en place. Un premier filtre se trouve au niveau des aéroports et des ports : portiques qui détectent la fièvre, fiche de santé à remplir, entretiens, etc. Si un médecin suspecte un cas potentiel, il lui demande de contacter l'hôpital au moindre symptôme d'une grippe normale (fièvre, fatigue, éternuements, etc.). Les soupçons se portent davantage sur les voyageurs qui ont séjourné dans des pays où le virus s'est propagé à une large échelle (les Etats-Unis et le Canada principalement) et qui présentent les symptômes de la grippe. À l'intérieur de la zone de quarantaine La priorité actuelle est de suivre l'état de santé des 228 passagers du vol Montréal-Casablanca, où se trouvaient les premiers cas de A-H1N1 découverts le jeudi 11 juin. “Nous avons contacté tous ces passagers à leur domicile, ce qui nous permis de découvrir les autres cas contaminés”, explique le délégué Omar El Menzhi. Un des cas de grippe “porcine” a été par exemple découvert grâce aux informations communiquées par une famille qui habite à Aïn Chok, et dont un des membres était à bord de ce vol. Il avait observé chez un autre passager les symptômes de la maladie. “Nous avons alors appelé Driss M. (le malade, ndlr) par téléphone. Il était à Rabat et nous a confié souffrir de fièvre et de courbatures. Comme il avait une voiture personnelle, il n'allait pas contaminer potentiellement les voyageurs dans les trains par exemple. Nous n'avons donc pas envoyé une ambulance sur place. Nous avons exigé qu'il se présente sans perdre une minute à l'hôpital Moulay Youssef”, raconte le Dr Omar El Menzhi. Une fois sur place, le “cas potentiel” passe par un circuit hyper verrouillé. Un ascenseur dédié tout d'abord et désinfecté après chaque passage. Ensuite, direction une aile du troisième étage, spécialement aménagée pour faire face au A-H1N1. Des prélèvements sont effectués sur le patient et les résultats obtenus six à huit heures plus tard. Si cette personne s'avère effectivement atteinte par le virus, elle est aussitôt mise en quarantaine. Le danger MRE Les chambres de ce service, qui compte au total 30 lits, sont totalement isolées, avec lavabos et WC dédiés. Aucune visite n'est tolérée, mise à part celle du personnel soignant. Pour y entrer, il faut porter un habillement spécial : une blouse, une sur-blouse, un calot, une bavette FFP2 (de couleur blanche et plus épaisse que le masque normal), des chaussettes, des sur-chaussettes et deux paires de gants, explique l'infirmière Fouzia Rbib, affectée à ce service. Seules quatre personnes travaillent dans ce service. “Nous avons réduit au maximum le personnel pour éviter la propagation du virus”, explique le Dr Fouad Jettou, directeur de l'hôpital Moulay Youssef. Alors que nous nous apprêtions à quitter le service anti-A-H1N1, l'infirmière nous informe qu'un “cas potentiel” est attendu dans quelques minutes. Le dispositif semble bien fonctionner… jusque-là. L'arrivée massive des Marocains résidant à l'étranger cet été, fait peser un risque énorme de multiplication des cas, et rendra le contrôle aux frontières beaucoup plus difficile. Un couple de MRE serait déjà en observation à l'hôpital Mamounia à Marrakech. Ils auraient séjourné en Espagne et traversé la frontière par voie maritime. Un seul espoir : que le vaccin soit disponible le plus tôt possible, pour éviter un scénario catastrophe où tous nos hôpitaux seront pris d'assaut par des milliers de patients. Zakaria Choukrallah